[MUSIQUE] [MUSIQUE] La négociation ne se résume pas à déterminer qui prend quoi. Cela, ça n'est que la seconde question que se posent les négociateurs. La première question et la principale est la suivante, comment générer de la valeur ensemble? Comment faire mieux ensemble que chacun de notre côté sans accord? En effet, il est très rare qu'une négociation soit un jeu à somme nulle. L'accord va créer une réalité nouvelle, meilleure que la situation antérieure. Cela signifie que l'on parvient ainsi à agrandir le gâteau disponible. Grâce à un accord négocié, on peut par exemple réduire des coûts qui seraient sinon très élevés pour chacun des négociateurs. On peut également créer des opportunités qui sinon tout simplement n'existeraient pas. On peut atteindre des objectifs qui sinon, en l'absence d'accord, resteraient hors de notre portée. Cette capacité à générer de la valeur renvoie au versant coopératif de la négociation que nous avons abordé ensemble dans le cours 3 du module 1. Et souvenez-vous du message clé. Je ne suis pas nécessairement obligé de prendre à l'autre négociateur ce dont j'ai besoin. Je peux essayer de le créer avec lui. Comment fonctionne ce processus de création de valeur? Comme la théorie de l'échange en économie. Au début du XIXe siècle, l'économiste classique David Ricardo a démontré pourquoi le commerce international enrichit les nations qui y participent. Chaque pays échange une unité de produit qui lui coûte peu à produire contre une unité d'un autre produit qu'il n'a pas du tout, et qui donc représente beaucoup de valeur pour lui. Ricardo nous met l'exemple resté assez célèbre, les Anglais échangeant avec les Portugais du drap contre du vin. Ce mécanisme est basé sur la différence entre la valeur et le coût. Si chaque partie autour d'une table de négociation concède une solution qui lui coûte moins qu'elle n'apporte de valeur à l'autre partie, le résultat de cet échange est bien une création nette de valeur. Chacun donne quelque chose qui lui coûte moins que la valeur qu'il reçoit de l'autre côté. Ce mécanisme repose sur deux conditions. D'abord la réciprocité. Je suis prêt à faire un effort qui vous apporte de la valeur à condition que vous fassiez, vous aussi, un effort qui m'apporte à moi de la valeur. L'autre requis est l'efficacité dans l'échange d'information. Les deux négociateurs doivent comprendre les priorités de chaque partie pour pouvoir procéder à des échanges pertinents. Il faut identifier les différences de préférences, et puis procéder à des échanges entre elles. Dans cet esprit, le bon négociateur va toujours rechercher donc ces décalage entre les priorités et les préférences. En voici les plus classiques. D'abord des différences de ressources. Quelles sont les ressources dont je dispose en profusion et qui pourraient aider l'autre partie? Quelles ressources, au contraire, de l'autre partie pourraient m'être utile? Différences temporelles. Si un commercial a besoin d'argent immédiatement, il peut accepter d'accorder une remise en échange d'un paiement immédiat. Inversement, un acheteur peut être prêt à payer un peu plus s'il dispose d'une plus longue période pour le faire. Il existe aussi des différences utiles en termes d'appréciation du risque ou dans l'évaluation de la probabilité d'un évènement futur. Imaginez par exemple une négociation entre un organisateur de concerts très optimiste et un exploitant de salle plutôt pessimiste. L'organisateur de concerts acceptera de payer en une seule fois et de verser un petit pourcentage sur le nombre de billets vendus. L'exploitant de salle, pessimiste, sera ravi de cet accord même si, dans le cas où le concert aurait été donné à guichets fermés, il aurait gagné plus avec un versement unique moins élevé et un plus haut pourcentage sur la vente des billets. Grâce à votre préparation et à l'échange d'information dans les premiers moments d'une négociation, vous pouvez explorer ces différences de préférences. Pour y parvenir, la technique des offres équivalentes multiples constitue aussi une bonne méthode. Essayez de concevoir et de poser sur la table plusieurs offres. Chacune de ces offres résulte d'une pondération différente des mêmes variables. La quantité, la qualité, le timing, le service, la tarification, que sais-je. De votre point de vue, ces offres sont toutes plus ou moins équivalentes. Elles ont le même coût global. Pourtant, votre interlocuteur est susceptible de les apprécier différemment. Il trouvera plus de valeur à l'offre où l'élément qui compte le plus pour lui revêt davantage d'importance dans la pondération. Ainsi, même quand vous pensez qu'il est impossible de générer de la valeur, cela ne doit pas entraver la négociation. Au minimum, ne perdez pas votre temps à marchander. Essayez de mettre en place un processus intelligent, suffisamment transparent pour que les deux négociateurs voient rapidement s'il existe une zone d'accord possible et ensuite y trouvent un accord équilibré. Dernière chose peut-être sur la question de valeur, de nombreux négociateurs arrêtent de négocier dès qu'ils ont trouvé et conclu un accord. Et ils ont plusieurs raisons à cela. Certaines raisons sont légitimes. D'autres choses nous attendent, on n'a pas que ça à faire, il faut avancer. Mais d'autres raisons sont moins pertinentes. La plupart des négociateurs croient à tort qu'il n'existe qu'un seul accord possible dans une situation de négociation, et là , ils l'ont trouvée. Ou alors ils ont peur que tout s'écroule s'ils commencent à explorer d'autres possibilités dans les derniers mètres d'une négociation. Mais si vous vous précipitez pour conclure le premier accord qui apparaît, vous risquez de laisser de la valeur sur la table. Un autre accord, plus satisfaisant encore, était peut-être possible, mais vous n'avez pas pris le temps de l'identifier. Alors voilà comment procéder. Quand vous avez trouvé un premier accord, notez-le par écrit si ce formalisme est nécessaire. Faites-le signer pour que toute le monde se sente rassuré. On a un accord, on peut revenir vers nos mandants. Mais suggérez très vite une nouvelle séance de discussion en considérant ce premier accord comme votre plan B commun. Soit vous trouverez des améliorations qui satisfont les deux parties, et alors il serait idiot de ne pas en profiter, soit vous maintiendrez ce premier accord. Mais au moins, vous vous êtes donné la possibilité d'aller un cran plus loin. À présent, après avoir généré toutes ces belles choses ensemble, il vous reste un second défi à relever. Plus vous créez de valeur, plus il y a de valeur à se répartir. Vous devez donc apprendre à gérer l'aspect distributif de la négociation. Et là , c'est le versant de la compétition entre les négociateurs, et ce sera le sujet des deux prochaines vidéos. À tout de suite.