[MUSIQUE] Commençons donc par la première étape : clarifier la raison d'être de son organisation, formaliser le changement attendu de son action. C'est donc la théorie du changement, c'est-à-dire identifier les effets, ou les résultats, pour chacune de ses parties prenantes jugées significatives. Clarifier la raison d'être de votre organisation est un préalable à la démarche de mesure de votre impact social. Quel problème souhaitez-vous résoudre? Que cherchez-vous à changer ou à prévenir? En quoi vous attaquez-vous à la racine du problème? En quoi ce problème est-il réellement important? Y a -t-il urgence à intervenir, y a-t-il une vraie demande? Quels sont les objectifs de votre action par rapport à ce problème? Quelle valeur ajoutée pensez-vous créer? Autant de grandes questions, et elles sont nombreuses, à vous poser pour clarifier la raison d'être de votre organisation. Bien sûr, ces questions ne prétendent pas à l'exhaustivité mais elles peuvent constituer le point de départ d'une réflexion qui est un préalable indispensable à une mesure d'impact. Pourquoi mesurer si on ne sait pas ce que l'on cherche à mesurer? Il ne s'agit pas forcément de partir d'une page blanche, des éléments peuvent déjà avoir été formalisés en vue d'une réunion avec des partenaires, lorsque le projet a émergé, ou à toute autre occasion. Il peut d'ailleurs être intéressant de confronter cette vision à l'instant t avec la réalité de ce que votre organisation est devenue. Enfin, il faut souligner que tous les éléments pouvant étayer la théorie du changement, chiffres, témoignages, verbatims, événements, seront précieux. Pour certains de vos partenaires ou financeurs, la clarté de votre théorie du changement pourra être un critère essentiel de la décision de soutenir votre action ou pas. C'est en effet un élément déterminant pour susciter adhésion et confiance. Il n'y a pas de formalisation type de votre théorie du changement. Vous pouvez cependant utiliser deux approches, soit le couple problème-solution, soit la chaîne des effets pour vos bénéficiaires. Quel que soit l'outil que vous aurez choisi pour décrire votre théorie du changement, couple problème-solution, chaîne des effets pour vos bénéficiaires, ou autre, vous êtes alors fin prêt pour passer au vif du sujet de la mesure de votre impact social. L'acteur clé c'est donc bien les parties prenantes, qui sont définies comme, je cite, les organisations ou les personnes sur lesquelles la structure a un impact et/ou qui rendent possibles ses activités, par leur travail bénévole ou rémunéré, leur financement ou leurs dons en nature. Votre objectif va être de cartographier les changements vécus par vos parties prenantes selon 4 étapes : identifier vos parties prenantes et définir lesquelles conserver pour l'évaluation, pré-identifier les impacts sur chacune de vos parties prenantes après avoir clarifié pour chacune d'elles ses contributions et ses réalisations, les interviewer, et enfin sélectionner les résultats pertinents pour la suite de l'analyse. Alors, quelles parties prenantes conserver pour la suite de l'analyse? Lesquelles peut-on considérer comme les plus significatives par rapport à l'action menée? Il n'y a bien sûr pas de vérité concernant ce travail sur les parties prenantes, mais les choix doivent pouvoir être argumentés et la réflexion poussée jusqu'au bout. Il peut s'avérer que des parties prenantes que vous pensiez distinctes puissent être regroupées, si finalement leurs attentes et vos impacts sur elles sont identiques. À l'inverse, vous pouvez créer des sous-groupes de parties prenantes si vous réalisez que leur carte des impacts diffère et qu'elles ne retirent pas les mêmes bénéfices du projet. Vous pouvez, par ailleurs, bénéficier de ressources d'une partie prenante avec laquelle vous avez peu de contact et créer de l'impact pour une partie prenante relativement abstraite comme, par exemple, un financeur public, tel que la Sécurité sociale ou une autorité de tutelle, comme un ministère ou une collectivité territoriale. Il ne faut pas hésiter, au moment du brainstorming sur la sélection des parties prenantes, à aller au-delà des personnes rencontrées concrètement. Vous pouvez également réfléchir à des parties prenantes futures que vous souhaiteriez solliciter ou atteindre, par exemple une fondation privée, si vous êtes en phase de levée de fonds. Il s'agit ensuite de pré-identifier de façon synthétique les impacts que l'action a sur chaque partie prenante. Une partie de la réflexion a généralement été menée pour les bénéficiaires directs de l'action, vous avez identifié vos parties prenantes et vous vous apprêtez à les impliquer dans le processus en les interrogeant sur les effets positifs ou négatifs que votre action a eu sur elles. Vous pouvez, sans doute, optimiser le temps des uns et des autres en réfléchissant à l'avance aux impacts que vous avez sur chacune d'elles afin de créer une base à la discussion et à l'échange. Vous pourrez partir de votre théorie du changement, bien sûr, et vous nourrir grâce à divers types de ressources, par exemple des ressources documentaires. Les réseaux professionnels ont entre autres vocations à produire des études qui pourront vous être très utiles, mais aussi des informations disponibles en interne, au sein de votre structure, dont il faut avoir conscience de la richesse. Une fois que vous aurez identifié vos parties prenantes et réfléchi aux impacts que votre action a sur elles, il vous est fortement conseillé de les interviewer pour préciser la cartographie ainsi réalisée et valider les informations dont vous disposez. Cette étape de concertation et de dialogue est extrêmement riche d'enseignements. Elle vous permettra d'appréhender les résultats générés au-delà des objectifs initiaux de votre organisation et d'éventuels effets négatifs. Vous pourrez être amené à revoir votre théorie du changement ou les effets que vous pensiez avoir sur vos parties prenantes. Ces entretiens nourriront également les étapes suivantes de votre démarche d'évaluation sur le choix des indicateurs et les taux de point mort et d'attribution dont nous parlerons ultérieurement. Vous pourrez avoir recours à différentes méthodes en fonction de vos contraintes et des bénéficiaires concernés, du simple coup de téléphone à des entretiens individuels, en passant par l'envoi d'un questionnaire ou l'organisation d'une discussion collective. Si la partie prenante n'existe pas, les générations futures par exemple, vous devrez lui trouver des porte-paroles. Alors, ce travail, s'il est passionnant, demande de la vigilance et de la préparation pour être pertinent, en particulier il faudra veiller à s'adapter au public interviewé, notamment en cas de différences culturelles ou de niveau cognitif. Il faudra également demander aux personnes d'illustrer leurs propos par des faits et des exemples concrets pour garantir leur bonne interprétation et leur richesse. À ce stade, une question délicate se pose : qui doit mener les interviews? Eh bien il est possible de faire appel à des ressources internes comme externes, mais il faudra avoir conscience des biais pouvant exister, par exemple en cas de relation hiérarchique ou en cas de relation accompagnant-accompagné. Il est également possible de mener des entretiens collectifs qui pourront, dans certains cas, libérer la parole. Ce travail d'interview va vous permettre d'établir une carte partielle des impacts ; partielle car, à ce stade, vous êtes loin d'avoir rempli toutes les colonnes, en effet, ayez toujours sous les yeux votre carte des impacts comme fil conducteur de votre démarche. À la suite de ces réflexions et des entretiens avec vos parties prenantes donnant potentiellement lieu à une masse importante d'informations, il est nécessaire de les analyser et de procéder à un filtrage pour sélectionner les résultats qui semblent les plus représentatifs de l'action conduite et qui seront précisément mesurés par des indicateurs. Il s'agira d'un exercice de conciliation entre une recherche d'exhaustivité dans l'identification des impacts et une nécessaire phase de synthèse pour se concentrer sur les éléments les plus significatifs, les plus pertinents. Ultime question à ce stade : et si mon action avait des effets négatifs sur l'une ou l'autre de mes parties prenantes? Se poser cette question et tenter d'y répondre ne peut que crédibiliser votre démarche. Une fois la cartographie des effets réalisée, la question qui arrive très vite est : comment faire la preuve de ces changements que la cartographie a permis de toucher du doigt? Comment les mesurer? Eh bien c'est précisément l'objet de la deuxième étape de la démarche qui est centrée sur la mesure et l'évaluation, que je vais vous présenter dans la troisième vidéo à venir.