[MUSIQUE] Dans le module précédent, nous avons travaillé sur la théorie du changement, c'est-à-dire l'identification des changements attendus et/ou générés par une organisation sur ses principales parties prenantes. Nous allons travailler sur la mesure de ce changement, le choix des indicateurs pertinents, la prise en compte de l'attribution et du point mort. Dans ce dernier module, nous traiterons trois grandes questions. Comment donner une valeur exprimée en euros à ces changements et calculer le fameux ratio SROI. C'est la dimension la plus discutée et la plus contestée de la démarche de mesure et d'évaluation de l'impact social : peut-on monétariser, doit-on monétariser l'impact social? Si oui, jusqu'à quel point et en quelles circonstances? Ensuite, comment faire d'une analyse SROI une démarche utile pour votre organisation, quels que soient les objectifs que vous vous fixez en amont? Nous verrons ainsi comment communiquer sur les résultats d'une mesure d'impact social à l'aide du SROI. Enfin, troisième grande série de questions, comment exploiter ces résultats pour faire évoluer les pratiques au sein de l'organisation, mais aussi du secteur et de la société? Je vous proposerai donc trois vidéos, avec une vidéo par question. Commençons par la valorisation de l'impact. Nous passerons par les étapes suivantes : identifier les différentes méthodes de valorisation possibles, les mettre en application pour valoriser monétairement les contributions ayant rendu l'action de l'organisation possible et pour valoriser monétairement son impact, calculer le ratio SROI ; vous le savez, un ratio se calcule toujours en divisant un nombre par un autre. Dans le cas du ratio SROI, le calcul vise donc à établir le rapport entre la valeur monétaire des changements générés par l'activité, qui sera au numérateur, c'est la valeur des impacts, et la valeur monétaire des contributions sur lesquelles elle repose, qui sera au dénominateur, c'est la valeur des ressources. Un ratio supérieur à 1 signifiera qu'il y a création de valeur, puisque pour 1 euro investi plus d'1 euro de valeur sociale est créé. Se posent alors les questions de la valeur monétaire des changements générés par l'activité d'un côté, de la valeur monétaire des contributions de l'autre : comment les calculer? Revenons un instant à la carte des impacts, vous l'avez bien sûr sous les yeux, elle ne doit jamais être loin, c'est un point de repère essentiel pour vous situer dans la démarche. Vous pouvez visualiser que la question des contributions doit, comme celle des effets, être traitée par partie prenante. Il existe donc trois grands types de contribution qui sont bien souvent l'objet de mécénats : en argent, ce sont des dons en cash que vous font des particuliers ou des entreprises, ou les subventions que vous versent des organisations publiques ; en nature, ce sont les matériels, locaux ou autres biens mis à votre disposition qui vous évitent un achat ou une location et qui sont une contribution essentielle à la viabilité de l'activité ; c'est le prix de l'achat ou de la location sur le marché de ces biens et services qui est pris en compte pour la valorisation. Enfin, en temps : c'est le temps de vos bénévoles ou des volontaires. La contribution du bénévolat est valorisée en multipliant le temps donné par le coût horaire d'un prestataire ou d'un salaire chargé d'un salarié pour le même service. Voici une question qui vous aidera à valoriser les contributions en nature ou en temps : quelle somme aurais-je dû payer à des tiers sans ces contributions? Il est bien sûr très intéressant pour une organisation d'avoir une vision synthétique de ces contributions, incluant l'ensemble des ressources qui rendent son action possible au-delà de celles qui sont les plus visibles, à savoir celles en argent et en numéraire. Cela peut, par exemple, lui permettre de visualiser une fragilité si elle constate une trop forte dépendance par rapport à une ressource et d'envisager une évolution de sa stratégie. Une fois que les contributions des différentes parties prenantes ont été valorisées, il nous faut nous atteler à présent à l'autre chiffre permettant le calcul du ratio, la valorisation des changements. Et là, je vous propose 4 grandes méthodes de valorisation monétaire des changements générés : les revenus additionnels, les coûts épargnés ou réalloués, les prix des biens et services équivalents sur le marché et le value game, ces deux derniers éléments constituant ce que l'on appelle les proxys. Prenons quelques instants pour revenir sur chacune de ces méthodes. La méthode des revenus additionnels réels ou estimés : elle consiste à estimer les revenus supplémentaires que vos bénéficiaires reçoivent grâce à votre action en les calculant au réel ou en faisant une estimation. Par exemple, il s'agit pour les salariés en insertion du différentiel mensuel entre le RSA et un salaire net au SMIC à temps partiel, à multiplier par le nombre de mois du contrat obtenu. La méthode des coûts épargnés ou réalloués, réels ou estimés, consiste à évaluer les coûts que votre action permet à vos parties prenantes d'éviter ou d'économiser. Il s'agit, par exemple, pour les pouvoirs publics, toujours suivant l'exemple du RSA, des versements au titre de ce revenu de solidarité par l'activité qui sont économisés, pendant les mois d'emploi, sur un chantier d'insertion ou sur une entreprise d'insertion par l'activité économique. La méthode des prix de biens et services équivalents sur le marché, ou proxys, consiste, pour certains changements, à choisir un bien ou un service dont vous considérez qu'il apporte le même type de bénéfice puis en chercher le prix sur le marché. Pour monétariser l'acquisition d'une compétence, on pourra, par exemple, chercher le tarif moyen d'une formation visant à développer ce type de compétence sur le marché. La quatrième méthode qui peut être utilement mise en œuvre lorsqu'aucune des trois premières ne semble pleinement satisfaisante, ou qui peut être utilisée en complément de ces trois méthodes pour enrichir la démarche, s'appelle le value game ; c'est la valeur exprimée par les bénéficiaires eux-mêmes. C'est une méthode de valorisation des bénéfices apportés aux parties prenantes. Alors, quel est le principe du value game? Eh bien il s'agit d'associer les bénéfices qu'une partie prenante retire d'une action à des biens et services du quotidien. Chaque bénéfice et chaque bien ou service sont représentés de façon visuelle par un dessin ou une photo. Chaque participant doit positionner chacun des bénéfices face à l'un des biens et services, lui attribuant ainsi une valeur. Je vous propose de l'illustrer par l'exemple du value game organisé par Voisin Malin, dont vous avez suivi le témoignage dans ce module, pour valoriser les bénéfices de son action pour ses salariés. Voisin Malin est, comme vous le savez, une entreprise sociale qui emploie et forme des habitants ressources pour faciliter le lien entre les usagers de services locaux, par exemple le courrier, l'eau, l'énergie, et les administrations ou entreprises qui les gèrent. Dans le cas de Voisin Malin, l'objectif était de valoriser quatre bénéfices : je me sens plus utile pour les autres depuis que je travaille chez Voisin Malin ; j'ai pu mettre en pratique ce que je savais faire ; je suis capable de faire de nouvelles choses ; enfin, je connais plus de gens dans le quartier. Onze biens et services du quotidien ont été proposés aux participants, dont un sandwich kebab, un four à micro-ondes, un canapé en cuir, un carnet de tickets de métro, un panier de fruits et légumes, ou bien encore deux entrées pour adultes à Disneyland. Pour un même indicateur, différentes méthodes de valorisation sont donc possibles et le choix d'une d'entre elles plutôt que d'une autre influencera le ratio SROI final. Avant d'opter pour une méthode, il est préférable d'en peser les avantages et les limites et d'être clair sur les messages que cela traduit. Ce que l'on cherche à établir par ces calculs c'est une estimation au travers d'ordres de grandeur, et non un calcul exact à la virgule près. Il s'agit d'obtenir, sous forme d'un document ou d'un graphique, une synthèse des ordres de grandeur qui permette de répondre à une question cruciale : pour quelle partie prenante créé-t-on le plus de valeur? L'actualisation du résultat, c'est-à-dire la prise en compte du temps pour la mesure des effets, est une étape supplémentaire qu'il faut avoir en tête sur le plan comptable et qui permet de prendre en compte le temps. Les données doivent être actualisées, mais qu'est-ce que l'actualisation? Dans la mesure où les impacts peuvent survenir après la conduite des activités et avoir une durée inégale dans le temps, le calcul du SROI requiert de calculer une valeur présente de l'ensemble des impacts monétarisés afin de pouvoir les comparer entre eux et les comparer aux contributions. Pour ce faire, on recourt à une formule d'actualisation classique pour des financiers, avec la détermination d'un taux d'actualisation petit r. En économie, le taux d'actualisation part de l'hypothèse d'une préférence des individus pour le présent. Pour faire simple, on estime qu'avoir 100 euros demain vaut moins qu'avoir 100 euros aujourd'hui. Pour certains, cela vaudra 90 euros, pour d'autres, 50 euros, en fonction du risque perçu de ne pas avoir finalement ces 100 euros demain, ou pas le même pouvoir d'achat avec la même somme, et de la rentabilité qu'aurait un placement de ces 100 euros sur un compte épargne. Le taux d'actualisation permet de ramener les bénéfices et coûts futurs à leur valeur d'aujourd'hui. En France, on pourra opter pour un taux d'actualisation autour de 1,5% si l'on se fonde sur le taux d'inflation ou le taux de rendement des placements garantis, comme le livret A, avec l'ajout d'un delta pour prendre en compte une part de risque.