[MUSIQUE] Dans ce module, nous allons donc planter le décor de la démarche de mesure et d'évaluation de l'impact social. Nous définirons donc d'abord ce qu'est l'impact social et les principaux concepts qui y sont associés, avec notamment les termes d'intérêt général et d'utilité sociale, puis ensuite nous définirons ce que recouvre la mesure de l'impact social, les principaux acteurs concernés, les principales questions qui structurent toute démarche d'évaluation et de mesure. Donc qu'est-ce que l'impact social? Eh bien il n'existe pas de définition légale ou réglementaire de l'impact social ou de l'utilité sociale d'une organisation. Le groupe de travail créé en 2010 au sein du Conseil supérieur de l'économie sociale et solidaire sur la mesure de l'impact social, groupe de travail que j'ai eu l'honneur de présider, a élaboré une définition de l'impact social que je vous propose. L'impact social consiste en l'ensemble des conséquences significatives, évolutions, inflexions, changements ou ruptures, des activités d'une organisation, tant sur les parties prenantes externes, bénéficiares, usagers, clients, parties prenantes externes directes ou indirectes de son territoire, que sur les parties prenantes internes, salariés, bénévoles, volontaires, et enfin sur la société en général. Il convient de préciser deux choses dans cette définition un peu longue. D'abord, dans cette définition, le terme organisation désigne tout autant une structure qu'un secteur d'activité, et pas la seule entité juridique. Ensuite, deuxième précision, la notion de capabilité a été construite par Amartya Sen, prix Nobel d'économie en 1998. Les capabilités sont tout ce qui concourt à accroître la liberté d'un individu de décider de sa vie actuelle et de son futur. La notion d'impact social renvoie donc à plusieurs termes que vous pourrez lire ou entendre au gré de vos lectures ou des échanges et des actions auxquels vous serez parties si vous vous intéressez à cette question de l'impact social et à l'enjeu de son évaluation et/ou de sa mesure. Nous allons nous attarder sur les deux termes d'intérêt général et d'utilité sociale. Nous commençons par l'intérêt général. Si l'on se réfère au rapport public de 1999 du Consel d'État, intitulé Réflexions sur l'intérêt général, on peut dire, je cite, que l'intérêt général, qui exige le dépassement des intérêts particuliers, est d'abord l'expression de la volonté générale, ce qui confère à l'État, et aux pouvoirs publics par extension, la mission de poursuivre des fins qui s'imposent à l'ensemble des individus au-delà de leurs intérêts particuliers. La plasticité est consubstantielle à l'idée d'intérêt général qui peut ainsi évoluer en fonction des besoins sociaux à satisfaire et des nouveaux enjeux auxquels est confrontée la société. Pour ce qui est de l'utilité sociale, je vous propose la définition donnée par la DIES, Délégation Interministérielle à l'Économie Sociale, en 2003. Je cite : est d'utilité sociale toute action qui vise, notamment la satisfaction de besoins qui ne sont pas normalement ou insuffisamment pris en compte par le marché et s'exerce au profit de personnes dont la situation nécessite la compensation d'un désavantage sanitaire, social ou économique. Voilà pour les définitions des concepts principaux. Venons-en maintenant à la mesure de cet impact social que nous venons de définir, maintenant que nous avons les idées plus précises sur ce que recouvre cette notion. Commençons par les principales parties prenantes. Ainsi sont directement et prioritairement concernées aujourd'hui par la mesure de l'impact social, d'abord les entreprises sociales, et tous les acteurs de l'économie sociale et solidaire au sens large du terme, qui ont pour spécificité de poursuivre des objectifs sociaux ou sociétaux ; leur performance ne peut donc se lire uniquement à travers leurs résultats économiques. Ensuite, les entreprises classiques, dans le cadre de leur politique RSE, responsabilité sociétale de l'entreprise, qui les conduit à s'engager dans des projets intégrant une dimension liée à l'intérêt général, soit en tant qu'opérateurs directs, soit en tant que financeurs, soit les deux. Ensuite, les financeurs des entreprises sociales et de l'économie sociale et solidaire qui sont progressivement amenés à intégrer la question de l'impact social dans leurs modalités de fonctionnement et leurs processus de décision. Enfin, les pouvoirs publics qui mettent en œuvre des politiques sociales environnementales ou de développement territorial et qui doivent en permanence arbitrer entre différents impératifs sous une contrainte budgétaire toujours plus forte. Pour illustrer mon propos, prenons l'exemple des financeurs de ces actions. Ils vont avoir besoin d'une information fiable et structurée sur l'impact social des organisations financées à quatre étapes de la vie d'un investissement ou d'un financement. D'abord lors de la sélection des projets : pour nourrir leur décision d'investissement ou de financement, les financeurs vont chercher à comprendre les objectifs de l'organisation en termes de création d'impact social et à comparer différentes opportunités de financement dans leur potentiel effectif à générer un impact social significatif. Ensuite, lors du suivi des projets : un financeur peut vouloir s'assurer, au travers d'un reporting régulier, que le projet soutenu fonctionne comme prévu, de manière à atteindre ses objectifs d'impact. Ce suivi peut permettre des réajustements du projet ou du financement. Troisièmement, lors du bilan de l'investissement. Un financeur peut demander une évaluation des résultats obtenus sur le volet social grâce au financement. Cette évaluation peut être plus ou moins complexe, notamment dans la démonstration du lien de causalité entre l'action soutenue et les changements sociaux observés. La démarche peut permettre de justifier l'arrêt ou la poursuite du financement. Enfin, quatrième étape, lors de la communication sur l'investissement. Le financeur peut souhaiter présenter la performance sociale de son ou ses investissements, de son ou ses financements, à ses propres parties prenantes. Il convient de noter que ces quatre objectifs sont également pertinents pour l'évaluation des politiques publiques. En effet, selon Casey, évaluer une politique publique, cela consiste à essayer de mesurer la part qui lui revient dans la variation d'une situation sur laquelle elle a été escomptée avoir exercé une influence, et la part imputable à des facteurs extérieurs à cette politique, y compris les politiques ne visant pas expressément la situation en question. Ainsi, pour mener à bien une évaluation, il faut répondre à un certain nombre de questions. D'abord, à quel besoin le programme répond-il? Une bonne connaissance des besoins permet de proposer une offre adaptée, d'identifier les variables pertinentes pour suivre l'activité du réseau, d'établir une ligne de base permettant de préparer l'évaluation des résultats. Ensuite, l'objet de l'évaluation est-il uniquement de fournir des informations ou d'analyser l'infrastructure du programme, ou son processus, la prise en charge, l'organisation, ou ses résultats, technique, économique ou sociale? Par qui sera faite cette évaluation : un organisme payeur, une agence d'évaluation, des universitaires, des industriels? Quand l'évaluation prendra-t-elle forme : avant son lancement, lors de sa montée en charge, pendant sa période de stabilité ou lors de la période de changement? De quel point de vue se situe-t-on : la société, les financeurs, les managers, les bénéficiaires, les décideurs politiques? Quelles sont les contraintes politiques, sociales et économiques? Quels sont les moyens humains, techniques et financiers? Quels sont les résultats? Comment l'évaluation sera-t-elle réalisée? Vous le voyez, les questions sont nombreuses et y répondre exige un réel engagement. Pour les entreprises, qu'elles soient issues de l'économie sociale et solidaire, ou bien qu'elle soient des entreprises plus classiques développant une politique de responsabilité sociétale d'entreprise active, les objectifs pourront être de plusieurs ordres. Un, valider l'utilité des actions engagées en externe et en interne, démontrer la valeur et l'impact des actions et pouvoir les communiquer aux parties prenantes. Deux, avoir un outil de management des équipes qui permettra l'évolution de la culture d'entreprise autour de l'impact social pour que chaque collaborateur intègre cette culture de la mesure de l'impact social dans son activité quotidienne. Trois, avoir un outil d'aide à la décision et d'orientation qui permette aux collaborateurs de prendre des décisions sur les actions à mener ou à financer en prenant en compte leur impact social, au même titre que d'autres dimensions. Quatre, renforcer la différenciation marketing dans son secteur d'activité en mettant en évidence les changements obtenus grâce à l'activité quotidienne ou en intégrant ses actions au corps business, comme par exemple certaines actions engagées par une entreprise au titre de la RSE. Cinquième objectif, c'est avoir un ou des indicateurs clés par axe d'intervention, par activité, qui permettront de mesurer l'impact social de façon transverse, par exemple, pour une action visant à favoriser le retour à l'emploi, cet indicateur sera : combien de personnes aidées ont suivi une formation, ou combien de personnes aidées ont retrouvé un CDD ou ont retrouvé un CDI. Enfin, le sixième objectif, c'est de faire progresser la connaissance autour de la mesure de l'impact social auprès des parties prenantes de l'entreprise, parties prenantes externes comme parties prenantes internes. Ces six objectifs sont ceux qui structurent l'important travail de recherche que nous conduisons en partenariat avec le groupe de protection et de santé Malakoff-Médéric. Pour conclure ce module, voici les questions qu'il convient de se poser, selon le conseil scientifique mis en place suite au décret du 22 janvier 1990 qui propose six critères principaux : d'abord, la pertinence, le problème de société ou le besoin envisagé, ensuite la question de la cohérence dans la conception et la mise en œuvre, ensuite l'atteinte des objectifs affichés, l'efficacité, effets par rapport aux objectifs, l'efficience, qui mesure les moyens engagés par rapport aux résultats, enfin l'impact, qui sont les conséquences, ainsi que nous l'avons vu au début de ce module. Dans le deuxième module, nous nous intéresserons aux différentes méthodes qui permettent de répondre à toutes ces questions.