[MUSIQUE] [MUSIQUE] Je m'appelle Florent Bedecarrats. Je travaille au département de l'évaluation à l'Agence Française de Développement, l'AFD. L'AFD c'est un établissement public qui coordonne l'aide au développement de la France vers les pays en développement et les territoires d'outre-mer. Et l'AFD c'est environ 800 projets par an, 9,4 milliards d'engagement en 2016 et 106 pays d'intervention dans le monde entier. L'évaluation et la mesure d'impact, c'est une histoire assez ancienne dans le domaine de l'aide au développement. Je crois que ça a été l'un des secteurs précurseurs en la matière. Dès les années 1970-1980, nos activités sont quasi systématiquement évaluées. On a tous un référentiel un peu commun qui a été stabilisé dans les années 1990 au sein du Comité d'Aide pour le Développement, donc le CAD de l'OCDE, et c'est une méthode d'évaluation ex post qui s'appuie sur cinq critères qui sont la pertinence, l'efficacité, l'efficience, l'impact et la durabilité. Ça, c'est un premier courant. Le deuxième courant, il est, lui, beaucoup plus scientifique parce qu'en sciences économiques, ce qu'on appelle mesure d'impact, ça va consister à regarder les résultats directs de l'intervention et à chercher à démontrer de manière très rigoureuse le rapport de cause à effet qui existe entre l'intervention et ses résultats. Et donc on a maintenant une troisième, ce que beaucoup de gens maintenant qui viennent du domaine de ce qu'on appellerait social business, l'impact investing ou plus largement la responsabilité sociale des entreprises, donc ce nouveau courant qui a vraiment connu un essor au cours des dix, peut-être 15 dernières années. Lui a une acception un peu différente de tout ça et se focalise plutôt sur des indicateurs de réalisation voire de résultats, ce que nous on appellerait plutôt efficacité. Un secteur qui est facile, pour donner un exemple, ce serait celui des routes. Admettons, si jamais on finance, ça nous arrive souvent, des programmes de pistes rurales par exemple en Côte d'Ivoire pour favoriser l'accès aux marchés des producteurs ruraux de cacao, dans ce cas, on va construire des kilomètres de routes, et dans le cadre de nos évaluations ex post, on va interroger la pertinence. Est-ce que ce type d'action était opportun pour réduire la pauvreté et favoriser l'insertion aux marchés de ces producteurs? Deuxièmement, l'efficacité. Là , on va regarder, est-ce qu'une fois que la route est construite, il y a effectivement des flux de véhicules sur ces routes, et en particulier, quel va être le tonnage de cacao qui va passer sur ces routes? En matière d'efficience, on va rapporter ce tonnage au coût qu'a requis la construction de ces pistes. Et pour ce qui est de l'impact, on va être là plutôt sur ses externalités, c'est-à -dire est-ce qu'au-delà de leur objectif premier qui était de favoriser la commercialisation, est-ce que ces routes ont d'autres effets positifs, par exemple le fait de favoriser l'accès des femmes enceintes à des établissements de santé parce qu'elles peuvent plus facilement prendre un véhicule pour aller accoucher? Ou est-ce qu'au contraire les impacts sont négatifs? Est-ce que la création de ces routes va avoir exposé les petits producteurs locaux de légumes par exemple à une plus forte concurrence de produits qui viennent de la ville et qui donc sont acheminés par ces routes-là dans l'autre sens? Ou est-ce qu'il y a eu des impacts négatifs sur l'environnement ou la culture traditionnelle? Donc ça, ça va être dans ce cadre-là , la durabilité étant dans quelle mesure est-ce que ces résultats ont une forte probabilité ou pas de se maintenir au travers du temps? Dans le domaine de l'évaluation scientifique d'impact, on va chercher à démontrer de manière très rigoureuse le fait que les volumes de cacao qu'on voit passer sur ces routes sont effectivement dus à la construction de ces routes et est-ce que ce n'est pas simplement un report par rapport à d'autres moyens de communication qui existaient déjà et qu'il n'y avait pas une forte différence [INAUDIBLE] de transport par exemple. Et donc on va mettre en place des groupes témoins à grande échelle en comparant ces tracés de routes avec d'autres tracés pour essayer statistiquement de mettre en avant une différence significative induite par l'intervention. Par contre, du point de vue de ces approches plutôt qu'on appellerait classiquement de mesure d'impact social ou ce que nous on appellerait plutôt d'indicateurs de redevabilité, on va se contenter de dire, on a construit tant de kilomètres de routes dans des zones pauvres et enclavées et on a fait travailler sur ces chantiers-là tant de personnes dont tant de femmes etc., donc en termes de création d'emplois directement dans la mise en œuvre du programme. Et ça, c'est des choses qui sont beaucoup plus en amont dans cette chaîne des résultats et qui généralement ne sont pas tellement le cœur de nos évaluations qui vont plus sur des résultats à moyen-long terme et qui ont plus des effets durables sur le développement. Est-ce qu'on a recours à des tiers? Oui, systématiquement pour ce qui est des évaluations ex post. On tient à ce qu'elles soient réalisées par des évaluateurs indépendants. Et donc dans ce cadre-là , ce qu'on met en place, elles sont pilotées dans nos pays d'intervention par les agences dont on dispose dans près de 80 pays d'intervention. Et ces gens-là vont former un groupe de référence qui va rassembler les parties prenantes de l'intervention. Lorsque je parle de mes routes par exemple, ça va être déjà le ministère des routes et le ministère de l'agriculture mais également des représentants des collectivités locales, des chefferies traditionnelles et éventuellement des syndicats de transporteurs ou de producteurs de cacao. Et donc ce groupe plus ou moins grand selon l'ambition du projet et de l'évaluation va se mettre d'accord sur les termes de référence qui vont être un contrat de départ qui va être fixé et ensuite on va passer un appel d'offres. Pour ce qui est des évaluations scientifiques, on va plutôt faire appel à des chercheurs qui vont venir des universités ou des centres de recherches nationaux ou éventuellement avec des partenariats nord-sud. Et là , pareil, c'est des choses qui vont être généralement externalisées. On va souvent également faire appel à des données soit qu'on produit nous-mêmes mais on évite souvent parce que ça coûte vraiment très cher et c'est très délicat à faire. On préfère s'appuyer sur les systèmes statistiques nationaux, par exemple l'équivalent de l'INSEE dans ces pays-là qui produisent régulièrement des enquêtes. Ça, c'est aussi une certaine manière d'externaliser. Et après, par contre, pour les approches plus de redevabilité, là , ça va être un travail qui est généralement plus interne, donc qui va être plus réparti parce qu'il va associer une pluralité d'acteurs. Si je reprends mon exemple de routes, on va avoir le ministère de l'agriculture et les producteurs de cacao qui vont rapporter des volumes de transit, et éventuellement des gens sur les routes avec le ministère des transports qui vont mesurer des flux, et ces gens-là vont remettre ça à une cellule de projet qui éventuellement va être au niveau du ministère des finances ou des routes, et qui vont transmettre ça à l'agence française de développement. Donc il y a une pluralité d'acteurs mais c'est quand même interne et ça s'appuie sur la chaîne de mise en œuvre des projets. [MUSIQUE]