[MUSIQUE] [MUSIQUE] Je m'appelle Yannick Blanc. Je suis vice-président de la Fonda. La Fonda est le laboratoire d'idées du monde associatif. À la suite d'une étude menée conjointement avec l'AVISE et le labo de l'ESS sur la mesure d'impact social, la Fonda a engagé une expérimentation consistant à mesurer l'impact social par analyse des chaînes de valeur. C'est un outil qui consiste à proposer à chaque acteur social de décomposer son activité, de cartographier les partenariats dans le cadre desquels cette activité se déroule et de construire des chaînes de valeur dans chacun de ces partenariats. C'est une méthode qui n 'est pas destinée à évaluer l'impact social de l'extérieur mais qui est un outil destiné aux acteurs eux-mêmes pour mesurer en continu leur activité et surtout donner une base à des discussions, des négociations entre eux pour mieux cibler l'activité qui est la leur. Le choix des méthodes de mesure de l'impact social est toujours une question d'opportunité et de faisabilité. Il y a des situations où il faut renoncer à mesurer l'impact social. Il y a des situations où le coût de la mesure est excessif. Il y a des situations où le déploiement d'une méthode de mesure est disproportionné par rapport à l'action qu'on mène. Donc le premier souci de celui qui cherche à obtenir une mesure de l'impact social, c'est le souci de la proportionnalité entre l'outil qu'il va déployer et le résultat qu'il cherche à obtenir. Ça c'est la première considération. La deuxième considération c'est qu'il y a un biais dans la notion même de mesure de l'impact social qui consiste à considérer qu'il y a un état zéro avant le début de l'action et un état un après l'action. Comme si entre le début et la fin de l'action le reste de la société était un lieu inerte. Or les acteurs sociaux sont des acteurs non seulement vivants, ce que sont aussi les bactéries, mais ils interagissent, ils réagissent dans le processus même de la mesure de l'impact social. Donc c'est ce travail d'aller-retour entre le choix d'indicateurs objectifs, solides, robustes de grandeurs qui sont mesurables et la construction d'une notion de valeurs qui soient partagées et qui elle n'est pas le résultat de simple métrique mais qui est le fruit d'une convention, d'une délibération ou d'une négociation entre les acteurs. Dans le monde des politiques publiques, le phénomène le plus couramment observé c'est que le temps de la mesure et de l'évaluation est plus long que le temps de la décision politique. La plupart du temps, on n'attend pas d'avoir les résultats du travail de mesure pour décider par exemple de généraliser un dispositif. Le cas le plus récent étant celui de la Garantie jeunes où le dispositif a été créé dans un cadre d'expérimentation. On a demandé à une dizaine de départements d'expérimenter le dispositif. On a annoncé que sur la base de l'évaluation de l'expérimentation on déciderait ou non de la généralisation et on a généralisé avant d'avoir le résultat de la mesure d'impact et de l'évaluation. Je vais vous donner un exemple d'un cas où une mesure d'impact assez empirique a eu une conséquence immédiate sur les acteurs. Je pense à une politique qui a été menée dans le domaine de la sécurité, la création des zones de sécurité prioritaires. L'indicateur de l'action publique en la matière est assez simple c'est le taux de délinquance. Sur un territoire donné, il y a un taux de délinquance. Il y a un certain nombre d'outils de mesure, les dépôts de plainte, les procédures au pénal, etc. On a des chiffres qui permettent de mesurer la délinquance. Les zones de sécurité prioritaires ont été déterminées sur le terrain par les acteurs eux-mêmes en partant pas seulement de ces chiffres objectifs mais du sentiment d'insécurité c'est-à-dire de la perception par la population de l'atmosphère de sécurité ou d'insécurité. Ce qui s'est produit sur ces zones, c'est que comme l'action a consisté pour l'essentiel en la construction d'une démarche partenariale entre les forces de police et de gendarmerie, les services de la justice, les associations, les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales, le fait même de faire vivre une action partenariale, le fait que chacun des acteurs qui avaient des problèmes de sécurité s'est trouvé pris dans un processus d'action collective a modifié leurs perceptions des enjeux de sécurité. Bien entendu, les chiffres qui ont été produits au cours des réunions qui peuvent être des chiffres d'activité ou qui peuvent être des chiffres de mesure de la délinquance sont rentrés dans cette perception. Mais il n'y a pas eu de raisonnement linéaire entre une donnée statistique et un degré de satisfaction de l'action. Dans l'action elle-même, chacun des acteurs perçoit autrement les données de son action, les données de l'action collective. C'est pour cette raison que les outils de mesure de l'impact social doivent être non seulement adaptés à l'action ce que chacun essaie de faire mais doivent aussi faire l'objet d'une élaboration collective. [MUSIQUE]