[MUSIQUE] Il n'y a pas une méthode idéale, parfaite, pour répondre à toutes les questions qui se cachent derrière les enjeux d'évaluation d'impact. Ce qui est important c'est que, en fonction de si on est un acteur, un porteur de projet, une organisation à finalité sociale ou sociétale, ou si on est un financeur, un bailleur de fonds, un philanthrope, les questions vont se poser un petit peu différemment. Si on est un porteur de projet, un acteur dans le champ sociétal au sens large, il y a globalement quatre grandes questions évaluatives qui se posent. La première, c'est la question de la pertinence. Est-ce que les actions que je mets en œuvre répondent vraiment à un vrai besoin, est-ce qu'elles apportent une vraie contribution sociétale? Mon intervention est-elle pertinente? Deuxième question, c'est : mon intervention est-elle efficace? Par rapport aux objectifs que je me suis fixés, est-ce que j'atteins ces objectifs? L'efficacité. La troisième question qui se pose c'est : quel est l'impact net que j'ai sur la société? Et derrière cette question de l'impact net, il y a la question : qu'est-ce qui, parmi ce qui s'est passé comme changements sociétaux, est réellement lié à mon intervention? Comment est-ce que je peux m'assurer que ce qui s'est passé ne se serait pas passé si je n'étais pas intervenu? Ça c'est la question de l'impact net. Puis la dernière question qui peut se poser c'est la question de l'efficience. Derrière la question de l'efficience, c'est la question : par rapport aux ressources que j'ai investies dans une action donnée, est-ce que j'ai pu maximiser l'effet de ces ressources spécifiques? Donc on a ces quatre grandes questions et on a, par ailleurs, quatre grandes catégories de méthodes. Les premières, on les appelle les méthodes d'explicitation du changement. Elles sont souvent qualifiées aussi de méthodes qualitatives, elles s'appuient sur des entretiens, sur des observations, sur l'organisation de focus groups. Ces méthodes sont particulièrement pertinentes lorsqu'il s'agit d'évaluer précisément la pertinence d'une action. Deuxième type de méthodes, les méthodes par indicateurs ; c'est une des catégories d'approches quantitatives, et les méthodes par indicateurs visent à identifier un certain nombre de facteurs qui peuvent être des ratios, des mesures, qui peuvent être de différente nature, mais qui permettent de suivre, souvent au travers du temps, l'atteinte d'un objectif donné. Et les méthodes par indicateurs sont souvent assez utiles quand on se pose des questions liées à l'efficacité d'un projet. Troisième catégorie de méthodes, c'est les méthodes par groupes de comparaison, les méthodes de randomisation, c'est-à-dire qui visent à comparer la situation de deux groupes de personnes, de bénéficiaires, d'individus qui ont été traités différemment, les uns qui ont bénéficié de l'intervention, les autres qui n'en ont pas bénéficié. Ça permet, là, d'avoir une vision très claire des liens de causalité, donc d'effets de l'action, sur un groupe ou non, et du coup, ce sont des méthodes très utiles quand on s'intéresse à la question de l'impact net. Puis la dernière catégorie de méthodes sont les méthodes dites de monétisation, où on essaye de traduire un effet sur le monde au travers d'une mesure par une approximation monétaire ; le Social Return On Investment, SROI, fait partie de ces méthodes et permet de dire : pour tant d'euros investis dans un projet, voilà la valeur sociale générée, mesurée en euros. Ce sont des méthodes qui sont souvent plus utiles quand on se pose la question de l'efficience. Quand on est financeur, bailleur de fonds ou philanthrope, on a, en fait, une complexité plus grande puisqu'il y a deux grandes catégories d'approches auxquelles on est confronté quand il s'agit d'impact. La première va être de se poser la question : quel est l'impact des projets que je soutiens? Et donc on va revenir, là, à des questions de : quelle est la pertinence, l'efficacité, l'impact net et l'efficience des porteurs de projets que je soutiens. Et pour un financeur, ces questions vont parfois se poser ex ante, c'est-à-dire avant l'attribution du financement, surtout dans une logique de se dire que je m'assure de sélectionner les porteurs de projets les plus pertinents, et parfois avec une logique de comparaison, c'est-à-dire que j'ai envie de pouvoir comparer le potentiel d'impact de x projets que je considère aujourd'hui comme étant potentiellement finançables demain. Pour les financeurs et bailleurs de fonds, il y a une deuxième grande catégorie de préoccupation qui est celle de savoir quel est mon impact en tant que financeur sur le monde, au-delà de quel est l'impact des organisations que je finance. Et quand on s'interroge sur cette question-là, il y a en fait quatre sous-questions derrière, l'une qui est : dans l'impact des organisations que je finance, qu'est-ce qui est réellement dû à mon financement, à mon intervention? Une autre question c'est : comment est-ce que je fais pour agréger la sommes des effets que j'ai sur l'ensemble des organisations ou des projets soutenus? La dernière question qui se pose c'est celle de l'effet du bailleur, du financeur, sur la société plus largement, au-delà de l'effet sur les projets, et ça peut être un effet d'entraînement sur un secteur, sur un écosystème. Là, de la même manière, c'est quelque chose de plus ténu, sur laquelle il est parfois difficile de pouvoir tracer exactement le lien de cause à effets entre ce que j'ai fait et les changements qu'on peut observer dans la société. Ce sont, du coup, plutôt des approches qualitatives qui vont permettre de comprendre quels sont les changements dans l'écosystème que l'on peut attribuer à l'intervention spécifique du bailleur. Pour finir, on voit, du coup, à la fois la richesse et la complexité de ces questions, la nécessité d'être à l'aise avec l'idée de dire que je dois prioriser certaines questions qui sont celles qui, à un instant t de la vie de mon organisation, sont importantes. Le pragmatisme, in fine, est de mise puisque, faute de pouvoir avoir l'ambition de produire une évaluation qui reflète scientifiquement une mesure juste, visons à produire des mesures qui soient utiles et directement utilisables par les organisations qui les produisent et qui les utilisent derrière. [MUSIQUE]