[MUSIQUE] [MUSIQUE] Olivier de Guerre. J'ai travaillé pendant 20 ans dans les marchés financiers sur les produits dérivés et les options, et depuis 2003, j'ai développé Phitrust avec un associé qui s'appelle Denis Branche. Phitrust est une société de gestion créée avec l'objectif de redonner du sens aux investissements. Nous avons développé depuis 2006 une fondation qui est devenue un fonds de dotation puis une société d'investissement, Phitrust Partenaires, avec l'idée de financer et d'accompagner des projets ayant un fort impact social, dans l'idée de dire, ce sont des entreprises comme les autres et des entrepreneurs qui ont les mêmes enjeux que n'importe quel chef d'entreprise et qu'il fallait lui apporter à la fois des fonds propres mais aussi de l'accompagnement avec des personnes ayant des compétences stratégiques, marketing, organisationnelles en sciences humaines ou autres pour les aider à réussir leur plan de croissance et de développement, tout en mesurant l'impact social qu'ils atteignent avec des objectifs que nous donnons en trois, cinq ans. Et nous avons développé plus récemment des fonds communs de placements en innovation pour les sphères privées, avec l'idée de financer et d'accompagner des entreprises technologiques très innovantes ayant un impact social et environnemental. L'ensemble des équipes, c'est une quinzaine de personnes. On est soutenus par des investisseurs privés qui participent de manière très importante à l'accompagnement des entreprises que nous accompagnons, et nous avons globalement aujourd'hui environ 100 millions d'euros d'actifs gérés, et nous intervenons en France, en Europe, et avons quelques investissements en Afrique et en Asie du Sud-Est. Nous encourageons des entreprises ayant une vocation sociale à mesurer leur impact. Je parle volontairement d'entreprises ayant une vocation sociale plutôt qu'entreprises de l'économie sociale et solidaire, parce que vous avez des entreprises de l'économie sociale et solidaire qui n'ont aucune vocation sociale. Donc nous, nous avons décidé d'investir dans des entreprises, que ce soit des coopératives, que ce soit des sociétés anonymes, quel que soit leur statut juridique, qui avaient une mission sociale et qui donc se donnaient des objectifs d'atteindre cette mission sociale, et nous leur apportons à la fois des fonds propres et de l'accompagnement pour qu''elles accélèrent et qu'elles aient plus d'impact que ce qu'elles n'ont aujourd'hui. Pour être sûrs que ce que nous faisons a un sens, nous essayons, dans la mesure du possible, de mesurer avec elles leur impact social à horizon de trois, cinq ans et savoir où est-ce qu'ils en sont. Cette démarche est venue d'abord de nous-mêmes. Parce que quand vous vous décidez de financer et d'accompagner des entreprises qui ont un fort impact social, que ça prend une dizaine d'années à les financer, qu'il y a du risque, qu'il n'y a pas de liquidité, vous vous dites, si j'accepte d'avoir un rendement plus faible à terme, pour quelle raison? Donc la mesure de l'impact est venue de manière naturelle. Après, il se trouve qu'il y a quelques grands investisseurs institutionnels aujourd'hui qui le demandent, mais naturellement nous l'avons fait parce que c'était notre stratégie d'investissement. Pour nous, il y a des difficultés, des grandes barrières liées à cette mesure d'impact social. Il y a trois types de barrières que nous avons identifiées. Il y en a peut-être plus, mais en tout cas, celles que nous avons identifiées clairement. La première, une barrière sémantique. Tout le monde ne met pas la même chose derrière le terme impact social. Nous sommes totalement contre la monétisation de l'impact social et de ramener en euros ou en dollars l'impact social. Le meilleur exemple que j'ai, on accompagne par exemple des structures d'insertion par l'emploi. On peut effectivement mesurer que parce qu'on aura mis quelqu'un sur le marché du travail, il coûte moins cher à l'État français ou à la collectivité parce qu'il n'y a pas de chômage à lui payer. Mais qui est-ce qui va mesurer le sourire du père ou de la mère qui emmène son enfant à l'école? Personne. Donc nous pensons que les mesures quantitatives en dollars ou en euros de mesure d'impact social sont peut-être importantes, mais qu'elles ne sont certainement pas la panacée ni la raison d'être de la manière dont on fonctionne. La deuxième c'est que nous avons décidé de ne pas fixer nous-mêmes les objectifs d'impact sociaux. Parce que nous pourrions dire quand on va dans une entreprise x ou y, on vous a vus, voilà notre impact. Mais ce n'est pas nous qui faisons l'entreprise, ce n'est pas nous qui faisons la stratégie, donc nous demandons à nos entrepreneurs et à leurs équipes d'identifier les objectifs d'impacts sociaux qu'ils vont se donner et de mettre en place une stratégie pour arriver à ces objectifs d'impacts sociaux. Et là , on a un problème complexe, c'est que quelqu'un qui a eu des difficultés dans la vie, on a eu une entreprise d'insertion par exemple qui a eu des difficultés, complexée, va nous donner des objectifs très bas, parce qu'ils ont déjà eu des problèmes, donc ils les réalisent toujours, tandis qu'un autre qui n'a jamais eu de problème va avoir des objectifs très hauts qu'il ne réalise généralement pas parce que les objectifs sont très élevés. Mais la réalité c'est que le deuxième performe beaucoup mieux que le premier. Donc il faut relativiser les résultats, et nous sommes obligés de mettre en place, et nous avons mis en place des méthodes d'analyse je dirais extra-quantitatives, très qualitatives pour savoir qu'est-ce qui fonctionne bien ou ne fonctionne pas. Une troisième barrière qui est absolument fondamentale c'est que tout le monde utilise la mesure d'impact social comme reporting aux investisseur, mais ce n'est pas à ça que ça doit servir. La mesure d'impact social doit être un outil stratégique pour le dirigeant, pour s'assurer que la stratégie qu'il a mise en œuvre est bien celle qu'il veut réaliser pour atteindre son impact. Pour mettre en place une mesure d'impact social, nous avons trois éléments constitutifs. Le premier c'est de définir clairement l'objectif ou les objectifs. Je vais vous prendre un exemple tout simple. Dans l'insertion par le travail, on mesure le taux de ré-emploi en contrats à durée indéterminée, contrats à durée déterminée, formations ou autres. Mais aujourd'hui, on est incapable, dans la plupart des cas, de savoir si deux ans, trois ans, quatre ans, cinq ans après, la personne est toujours employée. Donc il faut arriver à définir quelle est la mesure que l'on va prendre qui non seulement donne vraiment une réalité sur ce qui a été fait mais en plus dans le temps. Ça, c'est le premier pilier, c'est définir concrètement ce que l'on va réaliser. Le deuxième pilier qui nous paraît très important c'est de savoir quand est-ce qu'on va re-visiter ces objectifs en fonction de ce qu'a réalisé l'entreprise. C'est donc pour ça que je parlais tout à l'heure d'outils de pilotage stratégique, c'est qu'il nous arrive très fréquemment en cours de route de modifier les critères d'impact et de mesurer ce qu'on cherche à obtenir. Pourquoi? Parce qu'une entreprise, ça vit, la réalité est différente et qu'on s'aperçoit qu'il y a un critère à un moment donné qui peut être plus performant qu'un autre. Le troisième pilier qui est absolument fondamental c'est qu'il faut que ce critère d'impact que l'on met en place puisse être d'une manière ou d'une autre analysé sur le long terme. Ce qui n'est pas toujours le cas, parce qu'on peut se retrouver pour une raison x ou y à ce que tel ou tel objectif n'est plus pertinent, et donc il faudrait au début s'assurer que l'objectif que nous avons sera pertinent sur plusieurs années. [MUSIQUE]