[MUSIQUE] Enquête, c'est quoi? C'est une association créée en 2010 qui développe et diffuse des outils et conçoit des formations pour aborder plus facilement les questions de laïcité et de fait religieux avec les enfants. C'est cinq salariés à plein temps, une dizaine d'animateurs, 7 300 enfants touchés directement, 4 300 personnes formées et 3 800 outils diffusés depuis maintenant huit ans. Pourquoi travailler sur la question de la mesure de l'impact social? Deux objectifs, à la fois améliorer nos actions, nos modalités d'intervention pour pouvoir mieux faire changer les enfants et faire évoluer les choses, et d'autre part disposer d'outils légitimes pour pouvoir convaincre les différentes parties prenantes de mettre en place cet enseignement ou cette découverte de ces sujets-là. D'où vient la demande? Elle vient de deux endroits différents. D'abord de chez nous pour encore une fois évaluer la qualité de ce qu'on propose et améliorer la façon dont on le fait, qu'on parle des outils qui fonctionnent bien, des formations qui permettent vraiment aux professionnels de s'en saisir. Et d'autre part, c'est un outil de plaidoyer, pour nous, pour pouvoir convaincre plus largement et faire bouger les politiques publiques, et puis convaincre des partenaires potentiels de mettre en oeuvre les formations ou de diffuser ces outils. Quel type d'informations on recherche? Pour nous, on va chercher des informations quantitatives sur le nombre de personnes qui ont assisté à nos formations, d'outils diffusés, d'enfants touchés directement par nos ateliers. Et puis aussi de savoir où est-ce que ça bloque. Qu'est-ce qui fait que ça ne prend pas mieux? Quel périmètre pour cette mesure d'impact? On travaille aujourd'hui sur un gros projet pour pouvoir disposer de données légitimes à communiquer plus largement sur ce qu'on fait changer chez les enfants. On a choisi de mettre l'accent sur un territoire donné, qui sera une ville, pour trois choses. Un, prendre un an pour, deux ans pardon, pour pouvoir toucher entre 75 % et 100 % des enfants du territoire, donc que 75 % à 100 % des enfants du territoire soient passés par des actions d'éducation sur ces sujets-là. Mener une étude de modélisation de cette mobilisation des différents acteurs éducatifs, parce qu'on va s'adresser aussi bien à l'école qu'à la municipalité, qu'aux centres sociaux, qu'aux acteurs sportifs, et voir ce qui a fonctionné et ce qui a moins fonctionné pour pouvoir dupliquer dans un deuxième temps. Et on va mener une troisième chose qui est une étude d'impact sur les enfants en collaboration avec deux laboratoires universitaires avec une méthodologie de randomisation, à savoir d'avoir un groupe test et un groupe testé. On va voir, effectivement, avec des échantillons relativement larges, ce qu'on a pu faire bouger chez ces enfants entre l'avant et l'après les parcours des ateliers, des séances, etc. Au début, on n'avait déterminé que des proxys pour les changements chez les enfants. On partait du postulat que leur apporter plus de connaissances les ferait bouger et deuxièmement, on essayait de les faire réagir sur des phrases un peu choquantes de rapport à l'autre, d'une conviction différente. Ça passait par des QCM qu'on faisait passer avant, c'est-à-dire au début des ateliers, avant de commencer les ateliers, et puis à la fin du parcours. Sauf qu'on s'est rendu compte que les enfants, un, se retrouvaient face à des questionnaires sur la partie des connaissances où ils ne savaient pas grand chose, et donc ils étaients complètement désemparés, un peu desespérés, ça ne les intéressait pas du tout, voire ça les rebutait. Donc certains disparaissaient avant même le début de l'atelier. Et deuxièmement, sur les phrases un peu choquantes, c'était problématique parce que si les enfants n'avaient pas ces idées en tête, on pouvait les insinuer et donc avoir un effet contre-productif. Donc on a fini par abandonner cet outil-là pour mettre en place un suivi d'atelier, sur les ateliers qu'on anime en propre, très qualitatif, donc des tableaux remplis par les animateurs où on va travailler à partir de leur ressenti, des verbatim, de ce que les enfants disent. Et d'autre part, avec un proxy, de bilan annuel avec les structures qui accueillent ces ateliers, mais ça ne fonctionne que pour les ateliers qu'on anime en propre qui tendent à devenir marginaux puisqu'on se concentre maintenant sur la diffusion d'outils et la formation. Par quelles étapes sommes-nous passés dans ces réflexions sur la mesure d'impact social? Première, cette histoire de questionnaire qu'on a assez rapidement évacué parce que c'était contre-productif. Toujours ces outils de suivi qualitatif des ateliers. Mais en fait, l'évolution a suivi nos modalités de changement d'intervention. C'est-à-dire qu'on a commencé par animer en propre et maintenant notre enjeu est celui de faire en sorte que les éducateurs se saisissent de ces outils-là. Donc toute la réflexion de ce qu'on mesurait est liée à ces évolutions d'intervention, donc avec cette idée de voir si les outils répondent aux besoins, est-ce qu'ils sont utilisés. La question de la formation, est-ce que ça rassure? Est-ce que ça donne envie? Est-ce que ça permet de se mettre en action? Ce qui n'est pas toujours le cas. Et puis, enfin, ce troisième grand projet sur lequel on se penche aujourd'hui, celui d'aller mesurer de façon plus globale pour faire changer les politiques publiques, avec un enjeu de plaidoyer assez ambitieux, cette étude importante qui va se mener quand même sur deux ans avec deux laboratoires universitaires. Les trois éléments structurant d'une mesure de l'impact social? Je dirais bien se poser la question de pourquoi on le fait. C'est pour quel objectif? Parce que les modalités ne vont pas être les mêmes en fonction des raisons pour lesquelles on mène cette mesure de l'impact. Travailler à la recherche d'indicateurs qui soient pertinents, et ça ça veut dire de bien de se reposer la question de la théorie du changement. Qu'est-ce que je veux faire changer? Qu'est-ce qui relève de moi et qu'est-ce qui ne relève pas de moi? Il est très intéressant en tant que tel, ce processus là. Et troisième élément, mettre en place des procédures adaptées. C'est-à-dire que, ce que j'évoquais tout à l'heure, si les processus de recueil de données sont trop lourds, ou plus lourds que ce que on peut faire effectivement en termes d'action, il y a un moment où ça devient aberrant. Par exemple, moi j'ai un rêve, j'aimerais qu'on arrive à faire des suivis de cohortes d'enfants pour voir ce qu'on a fait changer non seulement après un an, mais aussi à trois, cinq et dix ans. Mais ce sont des études qui sont extrêmement lourdes, complexes à mettre en oeuvre pour suivre les participants, extrêmement onéreuses. Donc, pour l'instant, ça n'a pas de sens pour nous de nous lancer dans un tel chantier. Ça ne veut pas dire qu'on ne le fera pas, mais il faut l'avoir en tête. [MUSIQUE]