[MUSIQUE] [MUSIQUE] Vous venez de tenter de donner une définition personnelle de la connaissance. Pas facile, n'est-ce pas? Nous allons voir comment la philosophie peut nous aider à répondre à cette question, et comment cela nous aide par rapport à la question d'exercer son esprit critique. La branche de la philosophie qui s'intéresse aux connaissances est l'épistémologie, qui vient du grec epistémè, connaissance, et lógos, étude. L'épistémologie fait une différence fondamentale entre ce qu'on appelle les croyances et les connaissances. La philosophe Gloria Origgi définit les connaissances comme un sous-ensemble des croyances sociales qui ont été soumises à des procédures de validation. Ces procédures de validation sont elles-mêmes discutées et validées par des communautés d'experts, comme les communautés scientifiques. Par exemple, les statistiques, sur lesquelles se basent les décisions politiques, sont établies par des instituts spécialisés et ont été soumises à des procédures de validation, et sont reconnues de façon large par la société et les experts. Les connaissances scientifiques, de même, sont soumises à des procédures de validation qui sont souvent propres au domaine, même si certains éléments généraux, comme nous le verrons dans la suite de ce MOOC, sont partagés entre les communautés. D'autre part, il y a les croyances, qu'elles soient individuelles ou collectives, qui reflètent notre compréhension du monde. À l'inverse des connaissances, ces croyances ne sont pas soumises à des procédures de validation. Il suffit qu'une personne y croie pour que ces croyances aient une validité pour cette personne. Prenons un exemple. Imaginons que Jim ait eu une mauvaise expérience avec les personnes avec les yeux bleus. Jim aura tendance à penser que toutes les personnes avec les yeux bleus ne sont pas fiables ou ne peuvent pas être des personnes de confiance. Pourquoi est-ce si important de faire la différence entre croyances et connaissances? Reprenons le cas de Jim. S'il n'aime pas les personnes aux yeux bleus, il n'aura pas de petite amie ou d'amis aux yeux bleus parce qu'il n'aura pas confiance. Ça ne va juste affecter que sa vie personnelle. Mais imaginons que Jim soit aussi impliqué dans le recrutement de futurs collaborateurs d'une entreprise. Jim aura tendance à penser que les personnes avec les yeux bleus ne sont pas fiables et ne doivent pas être engagées. On voit déjà que les influences de ses croyances vont au-delà de sa propre vie, mais engagent les autres personnes. On peut imaginer aussi dans le domaine de la santé. Dans les années 80, il y a eu beaucoup de difficultés de communication autour du sida, parce qu'il y avait une croyance selon laquelle le sida touchait pratiquement exclusivement les drogués et les homosexuels. C'était une croyance qui faisait que les messages de prévention passaient très mal auprès du public. Il a fallu de nombreuses campagnes et de nombreuses statistiques qui montrent que tout le monde était touché pour faire évoluer cette croyance. Un des éléments importants de distinction entre les connaissances et les croyances, ce sont les procédures de validation. Un élément important est donc la confiance que la société accorde à ces procédures de validation, et aux institutions qui en sont garantes. C'est exactement le problème que l'on rencontre dans la société actuelle. Il y a une crise de confiance envers les institutions politiques ou les institutions scientifiques, et même les médias que l'on appelle maintenant traditionnels. Cette méfiance va faire que les citoyens mettent en question les procédures et les faits rapportés par ces institutions et se tournent vers des médias dits indépendants. Indépendants de quoi, on ne sait pas, mais cela suggère que les autres médias, ou les autres institutions sont dépendantes, sont influencées par des pouvoirs obscurs ou des pouvoirs politiques. En 2017, j'ai conduit un sondage dans un de mes cours de troisième année de bachelor universitaire. J'ai demandé si les étudiants pensaient que les Américains étaient vraiment allés sur la Lune en 1969. Les réponses sont que 60 % pensent que oui, 12 % pensent que non, et le plus étonnant c'est que 29 % disent ne pas savoir. Qu'est-ce que révèle ce sondage? Ça révèle que même cette information, les Américains sont allés sur la Lune, l'humain est allé sur la Lune, n'est pas considérée comme une connaissance valide telle qu'on l'a définie précédemment. Pour conclure cette vidéo, il est important de positionner une information qui nous arrive comme soit une connaissance validée selon des procédures de validation reconnues, soit comme une croyance d'un individu ou d'un collectif. C'est cette distinction qui nous permet également de prendre des décisions collectives, des décisions sociales ou politiques. Nous verrons dans la suite de ce MOOC, comment distinguer connaissances et croyances, lorsqu'une nouvelle information nous parvient, sans nécessairement être spécialiste du domaine. [MUSIQUE] [MUSIQUE]