[MUSIQUE] [MUSIQUE] Dans la vidéo précédente, je vous proposais de réfléchir à comment valider scientifiquement l'hypothèse que la gym cérébrale avait un effet positif sur la concentration des élèves d'une classe. Nous allons voir comment on peut tester cette hypothèse dans cette vidéo. La première étape quand on a une méthode scientifique, c'est déjà de clarifier de quoi on parle. Là, en l'occurrence, on établit ce qu'on appelle des concepts. Les concepts sont des modèles de la réalité étudiée, du phénomène observé qui permettent de s'accorder sur la réalité dont on parle. Sous-jacent à la gym cérébrale, il y a le concept d'éducation kinesthésique. Ce concept s'appuie sur des résultats de neurosciences qui montrent que plus on fait une tâche qui nous engage cognitivement, et plus le cerveau est activé, et notamment il est activé dans l'ensemble des aires cérébrales. À partir de ces résultats, l'éducation kinesthésique prétend que si on active l'ensemble du cerveau, on aura de meilleures performances cognitives dans des tâches exigeant notamment la concentration. Déjà, on pourrait s'interroger sur la validité de ce concept, c'est-à-dire dans quelle mesure il a déjà été établi dans d'autres recherches, mais on va admettre pour la suite de l'exposé qu'on ne s'interroge pas sur ce concept pour le moment. La deuxième étape c'est de regarder la deuxième partie de l'hypothèse, donc on a une hypothèse que la gym cérébrale facilite les performances cognitives et notamment la concentration. La deuxième partie de l'hypothèse concerne la concentration. La concentration, si vous vous souvenez, en début de ce MOOC on a parlé de focus attentionnel. Le focus attentionnel c'est la capacité que l'on a à porter notre attention à des éléments qui correspondent à nos intentions ou à nos objectifs du moment. Bien sûr, cela se fait au détriment de la perception des éléments autour de la scène. Vous vous souvenez, c'est ce qu'on avait appelé la cécité attentionnelle. On a bien la concentration, ça se rapproche du focus attentionnel, et donc, la question c'est de savoir après comment on mesure cette concentration. Une première réponse pourrait être qu'on utilise une échelle où l'on demande aux personnes de signaler sur cette échelle à quel point ils se sentaient concentrés dans la tâche. Par exemple, est-ce que vous vous sentiez concentré lorsque vous avez fait cette tâche? À quel point vous vous sentiez concentré dans cette tâche, en partant de Très peu concentré à Extrêmement concentré. Ça, c'est une manière de mesurer. On a bien un chiffre sur une échelle. Mais on a là une mesure qu'on appelle subjective, c'est-à-dire que cette mesure passe par l'opinion de la personne qui remplit l'échelle. Et même si la personne est sincère, ce n'est quand même pas une mesure objective. On va parler maintenant de mesure objective, qu'est-ce que ça pourrait être dans cette question. Il existe des tâches qui demandent beaucoup de concentration, beaucoup d'attention. Et par exemple, des tâches qu'on appelle des tâches de barrage, où on a, dans un ensemble d'éléments par exemple, on a un ensemble de B, un grand nombre de B, et on doit trouver les 8 cachés parmi les B. Ce sont des tâches classiques qui demandent beaucoup d'attention. Et donc, il suffirait à ce moment-là de mesurer les performances à cette tâche de barrage pour connaître le niveau de concentration, le niveau d'attention d'une personne. Pourquoi est-ce important d'avoir des mesures objectives plutôt que des mesures subjectives dans une approche scientifique? En fait, on a besoin de mettre en œuvre tout ce qu'on peut pour être capable de réfuter notre hypothèse de départ. C'est-à-dire qu'on doit pouvoir trouver des résultats qui ne vont pas dans le sens de notre hypothèse. Ça, c'est un point important. On y reviendra un peu plus tard dans la suite de ce MOOC. Au départ, nous avons les mouvements de la gym cérébrale, à l'arrivée nous avons une mesure de performance à une tâche de barrage. Est-ce qu'on a tout ce qu'il nous faut pour vérifier notre hypothèse? Il nous manque encore quelque chose qui est ce qu'on appelle la procédure, c'est-à-dire la façon dont on va organiser les tâches à donner aux différents participants et la façon dont on va récolter les données de cette étude. Ici par exemple, il s'agit de se dire comment on va mesurer les performances à la tâche de barrage. Par exemple, on pourrait proposer de mesurer les performances à la tâche avant d'avoir fait les mouvements de gym cérébrale, et puis de faire ces mouvements, et ensuite de mesurer après les performances pour voir si on a une amélioration entre après et avant. Ça, c'est ce qu'on fait classiquement ce qu'on appelle prétest et posttest. Et nous verrons par la suite si c'est suffisant, mais en tout cas, c'est une manière de mesurer les performances objectives avant et après les mouvements. Je voudrais mentionner un élément important, qui est ce qu'on appelle la charge de la preuve. Charge de la preuve, ça signifie que lorsque des chercheurs ont des nouvelles hypothèses, c'est à eux de montrer que ces hypothèses sont meilleures que les hypothèses précédentes. On assiste pas mal en ce moment dans le discours public à une inversion de la charge de la preuve. C'est-à-dire que des personnes arrivent avec une nouvelle hypothèse et demandent aux chercheurs de montrer qu'effectivement, s'ils ne sont pas d'accord, leur hypothèse est fausse, alors qu'eux devraient montrer que leur hypothèse est vraie. Un petit exemple, imaginons qu'un ami me dise qu'il pense que les extraterrestres sont sur Terre, et qu'ils me demandent de prouver que ce n'est pas vrai. Et là, on a tout à fait une inversion de la charge de la preuve, parce que je dois lui prouver qu'on n'a pas d'extraterrestres sur Terre, alors que c'est lui qui devrait me montrer qu'on a des traces d'extraterrestres sur Terre. En conclusion, la méthode expérimentale demande de définir plusieurs éléments : tout d'abord d'identifier la théorie, d'identifier le concept sous-jacent à notre hypothèse ; ensuite d'établir des éléments de preuve qui soient à la fois mesurables et objectifs, c'est-à-dire qui ne dépendent pas de l'opinion ni des chercheurs impliqués, ni des participants de l'étude. C'est ainsi que l'on peut avoir un véritable test d'hypothèse. C'est-à-dire que l'on peut vérifier si les résultats que l'on obtient vont dans le sens de l'hypothèse ou ne vont pas dans le sens de l'hypothèse. [MUSIQUE] [MUSIQUE]