[MUSIQUE] [MUSIQUE] Vous venez de faire un petit quiz qui vous demandait de reconnaître différents biais cognitifs. Nous allons voir dans cette vidéo le biais d'ancrage, qui est un biais assez étonnant qui influence nos décisions de la vie de tous les jours. Imaginons, si je vous pose la question : est-ce que vous pensez que le nombre de voitures grises en Europe est supérieur à 50 %? Je vous laisse réfléchir à la réponse. Et maintenant, si je vous demande quel est d'après vous le pourcentage de voitures grises en Europe? Il y a des chances que dans cette situation-là votre réponse avoisine les 50 %. Par contre, si je vous avais demandé d'abord « est-ce que vous pensez que la proportion de voitures grises est supérieure à 10 % », votre réponse à la deuxième question allait probablement tourner autour de cette valeur de 10 %. C'est ce qu'on appelle le biais d'ancrage. C'est-à-dire, la valeur donnée au début d'une explication constitue une ancre, une valeur à partir de laquelle on va baser nos estimations. Mais pourquoi une valeur qui est donnée en début d'explication influencerait-elle à ce point notre estimation? C'est cette question qu'ont explorée les psychologues Tversky et Kahneman dans les années 1970. Ils ont remarqué que dans la vie quotidienne, on était relativement mauvais à estimer les chiffres, les statistiques et les probabilités. Ils ont répliqué les situations de types des voitures grises en Europe et ils ont pu montrer ce biais d'ancrage et d'ajustement, qui fait que l'on utilise l'information qui nous est donnée pour estimer la réponse à la question qui suit. Il faut dire que ce biais intervient lorsqu'on n'a pas d'informations à notre disposition. La situation est incertaine. À moins d'être au courant sur les proportions de voitures, on n'a aucune idée de la réponse. Et donc, la valeur qui nous est donnée va être la seule information que nous pouvons utiliser pour estimer la proportion de voitures grises. Ce qui est intéressant c'est que ce biais est très fort et il est totalement inconscient. On n'a pas du tout conscience de cette influence. Et en plus, il peut même survenir si l'information donnée au début de l'explication n'a aucun rapport avec le sujet traité après. Par exemple, si je vous avais demandé si la proportion de forêts en Europe était supérieure à 50 %, ça aurait eu le même effet. Ce biais d'ancrage semble assez dysfonctionnel. Comment lutter contre ce biais? Déjà, il faut rappeler que les biais cognitifs ne sont pas uniquement dysfonctionnels. Ils sont aussi très utiles. Lorsqu'on est dans une situation incertaine ou que l'on n'a pas beaucoup d'informations, ils nous permettent de réagir à des situations où l'on doit prendre des décisions. Ces mécanismes s'appellent les heuristiques. Ce sont des opérations mentales rapides, intuitives, automatiques, qui nous permettent de prendre des décisions et de réagir en l'absence de certitude sur la situation. À l'opposé, nous avons les raisonnements formels, où là, on va appliquer un raisonnement logique sur des données que nous avons vérifiées. Les heuristiques sont utiles aussi parce que ce sont des mécanismes relativement économiques du point de vue cognitif, puisqu'ils sont automatiques. Et c'est tout à fait possible de fonctionner de cette façon lorsqu'on est, par exemple, à un dîner et que l'on des discute des proportions de voitures de chaque couleur en Europe. L'information n'a finalement pas énormément d'importance. Mais évidemment, lorsque l'on est dans des situations, si par exemple je suis vendeuse de voiture, alors là, l'information aura plus d'importance puisque j'ai besoin de connaître la véritable proportion de voitures grises. Et dans ces cas-là, je vais donc appliquer un mécanisme de raisonnement plus lent, plus coûteux, qui va me demander aussi de me baser sur des informations fiables pour apporter une réponse que je peux considérer comme valide. Le biais d'ancrage illustre ces mécanismes cognitifs rapides, ces heuristiques qui nous permettent de prendre des décisions en l'absence d'informations certaines, ou alors avec des informations incomplètes, ce qui est très utile dans les situations de la vie quotidienne. Mais ce biais peut aussi amener à faire des erreurs d'estimation, ce qui peut être assez grave lorsqu'il s'agit de décisions importantes, comme par exemple notre attitude par rapport à des discours politiques partisans. Et je suis sûre que vous vous demandez quelle est la proportion de voitures grises en Europe. Je vous laisse chercher la réponse sur Internet. [MUSIQUE] [MUSIQUE]