[MUSIQUE] [MUSIQUE] Nous venons d'analyser le biais de confirmation. Cela amène à nous poser une question : pourquoi ce comportement est-il aussi systématique et aussi fréquent? Pour répondre à cette question, nous allons explorer une autre notion de psychologie, qui est la notion de dissonance cognitive. Qu'est-ce que la dissonance cognitive? Dans une situation, nous pouvons nous retrouver en contradiction avec nos attentes, avec nos désirs, avec nos objectifs, avec nos croyances, avec nos convictions. Et dans ces situations de contradiction, cela provoque une tension. L'être humain n'aime pas se sentir en contradiction avec lui-même. On dit qu'il est dans une situation de dissonance. Ce phénomène de dissonance cognitive a été mis en évidence par un psychologue social, Leon Festinger, à la fin des années 1950 dans un célèbre article paru en 1957. Que fait l'être humain lorsqu'il est en situation de dissonance cognitive? Il va chercher à réduire cette dissonance cognitive. On dit qu'il va chercher de la consonance cognitive. Et comment réussir à surmonter ces contradictions? Comment réussir à diminuer la tension que l'on ressent? Assez souvent, cela va être en changeant ses objectifs, en se persuadant que ce que l'on désirait n'était pas vraiment notre désir profond. Et de cette manière, on va créer de la consonance. On dit de la réduction de la dissonance cognitive, c'est-à-dire du fait de créer de la consonance cognitive, qu'il s'agit d'un mécanisme de défense. Il s'agit d'un mécanisme de défense parce qu'il nous protège d'une certaine souffrance. Et en cela, il est certainement bénéfique. Mais ce mécanisme de réduction de la dissonance cognitive peut aussi avoir des effets induits. Par exemple, il peut nous conduire à renoncer à des aspirations profondes qui sont les nôtres. Également, c'est un mécanisme qui ne nous pousse pas à évoluer, car il nous pousse à nous conforter au maximum dans nos croyances premières. Il explique aussi pourquoi une personne peut continuer à fumer tout en sachant que c'est très nocif pour sa santé, ou souvenir une équipe de sport en sachant qu'elle n'a aucune chance de gagner, ou encore terminer le pot de mousse au chocolat à minuit alors qu'elle est en plein régime. Ce phénomène de dissonance cognitive est déjà décrit dans une fable antique, la fable du renard et des raisins, qui a été reprise plus tard par Jean de La Fontaine. Dans cette fable, un renard veut à tout prix manger des raisins. Il se démène le plus qu'il peut pour les attraper mais il échoue systématiquement. Et à la fin, lorsqu'il se rend compte que c'est peine perdue, il dit : De toute façon, je n'en voulais pas. Ces raisins étaient aigres. Comme on le voit, cette fable incarne ce mécanisme psychologique qui conduit en fait à dénigrer notre désir si nous avons échoué à l'assouvir. C'est une situation extrêmement commune et on peut facilement l'observer autour de soi. Par exemple, quelqu'un qui, à l'issue d'un entretien d'embauche, n'a pas été retenu pourra être tenté de dénigrer l'entreprise et de se dire que finalement c'est aussi bien qu'il n'ait pas eu ce poste. Ou un homme politique qui a perdu une élection va pouvoir se dire :! Grâce à cette défaite, je vais pouvoir acquérir une nouvelle dimension et enfin avoir un destin à la mesure de ce que je suis. Est-ce que l'essor du numérique a des conséquences par rapport à ce phénomène de dissonance cognitive? Nous sommes tous entourés, avec les réseaux sociaux, d'opinions qui vont dans le même sens que les nôtres. Nous lisons des posts qui sont convergents avec nos idées. Nous échangeons avec des personnes qui partagent aussi nos opinions. Comme on le voit, cette situation ne nous met quasiment jamais face à des croyances qui vont heurter nos opinions. Au contraire, elles ont tendance à renforcer systématiquement notre façon de voir le monde. Et ainsi, nous maintenons notre consonance cognitive, mais en même temps, il s'agit d'un frein pour évoluer. Ainsi, cela nous conduit dans une spirale dans laquelle nous allons renforcer nos propres croyances. Nous allons devenir partiaux, d'autant plus que le mécanisme de consonance cognitive va nous conduire à occulter toutes les informations qui ne vont pas dans le sens de nos croyances. Ainsi, c'est une technique bien connue par les personnages publics que d'affirmer très fort quelque chose, et de faire suivre cette affirmation immédiatement après d'une affirmation opposée. Chacun dans le souhait de maintenir sa consonance cognitive et sous l'effet du biais de confirmation, va être avant tout attentif à la part de l'opinion qui rencontre la sienne propre et va occulter la partie de discours qui ne lui convient pas. Prenons l'exemple de la phrase suivante : Je soutiens inconditionnellement l'enrepreneuriat car c'est une manifestation essentielle de la liberté humaine et c'est de cette manière que chacun peut construire de grandes choses dans sa vie. En même temps, il est essentiel que cette liberté ne se fasse pas au détriment de ceux qui choisissent de ne pas entreprendre. l'État doit prendre soin de tous, y compris des plus fragiles. Et l'activité économique doit être strictement encadrée afin que tout le monde soit protégé. Comme vous le voyez, si vous êtes un fervent partisan de l'enrepreneuriat, vous allez vous trouver en parfait accord avec cette phrase, ou en tout cas avec une partie de cette phrase. Et en revanche, si vous trouvez crucial que l'État soit très interventionniste et puisse protéger les plus démunis, là encore vous trouverez une pleine résonnance. Alors, comment faire pour dépasser les limites du biais de confirmation sans pour autant souffrir de dissonance cognitive? On peut envisager deux pistes. Une première piste est de chercher volontairement à s'exposer à des informations qui ne vont pas dans le sens de nos croyances. En faisant de la sorte, c'est une manière de faire évoluer nos idées, soit de les renforcer en étant mieux informé parce qu'informé également des opinions qui ne sont pas les nôtres, soit pour raffiner nos points de vue en intégrant des informations qui, au départ, nous étaient inconnues. Une deuxième posture est de chercher à envisager une même situation sous une diversité de points de vue. Au lieu de considérer qu'il y a une croyance qui est la nôtre, une conviction qui est la nôtre et qui est finalement la seule manière de penser cette situation, on peut tout à fait construire soi-même des interprétations alternatives, et ces interprétations alternatives, en évaluer l'intérêt, la pertinence, ce en quoi finalement elles peuvent aussi rencontrer des idéaux qui sont plus profonds en nous. Derrière cette manière d'envisager la possibilité de voir une situation dans une diversité de manières, il y a le phénomène de flexibilité cognitive, que nous serons amenés à étudier plus en profondeur durant ce cours, en particulier lors de la cinquième semaine. [MUSIQUE] [MUSIQUE]