[MUSIQUE] [MUSIQUE] Le changement climatique est vecteur de risques et d'opportunités majeures pour les entreprises, comme le soulignent nos amis de Carbone 4. Ces risques sont de deux types. Les risques de transition qui affectent le business model des entreprises, et les risques physiques qui eux ont trait à l'évolution des aléas climatiques et à la vulnérabilité de l'entreprise par rapport à ces aléas. Vous avez pu le voir, les grands groupes en sont bien conscients, et aussi bien Saint-Gobain qu'Essilor veillent à identifier leur exposition aux différents risques liés au climat. C'est dans ce sens qu'Essilor a développé son Climate Risk Model, pour évaluer les risques auxquels ses installations seront confrontées en 2030 et 2050. Cette question des risques physiques est de longue date une préoccupation des vignerons champenois, producteurs de Champagne, car c'est finalement leur lot quotidien, et un enjeu qui se trouve au coeur de leur activité de façon ancestrale, ainsi que le rappelle Pierre Naviot. Cette importance de se projeter dans l'avenir à 20 ou 30 ans prend encore plus de sens à l'aune des déclarations des Pierre-André de Chalendar : les usines pour être net carbone en 2050 seront construites en 2030. Comme le notaient les consultants de Carbone 4, cette échelle de temps long n'est pas encore naturelle dans la réflexion stratégique des entreprises, mais elle le devient de plus en plus. C'est dans cette optique par exemple, que Saint-Gobain a établi des prix internes du carbone pour prendre en compte dans les calculs de rentabilité l'impact climatique. Et si ce prix est de 30 euros par tonne pour les investissements qui ont vocation à voir le jour à court et moyen terme, il est de 100 euros par tonne pour les projets de R&D. On observe des choix similaires chez Essilor avec la mise en place de la Sunstainability Score Card, qui permet de favoriser des projets plus vertueux sur le plan environnemental et donc climatique. On voit donc dans ces choix la place croissante que prend le climat dans les décisions business avec pour maître mot aussi bien chez Saint-Gobain que chez Essilor, l'enjeu de décorréler la croissance de l'activité de l'empreinte environnementale qui lui est associée. Ce maître mot n'est pourtant pas partagé partout. Certains experts comme les consultants de Carbone 4 mettent en avant les limites de cette approche trop dépendante de l'innovation technologique encore incertaine. Ils prônent une approche dite de régulation et de sobriété qui s'appuie sur une moindre consommation des ressources de la planète. Cette décorrélation au carbone croissance, même en faisant abstraction des objections portées par certains courants écologiques, n'est pas simple à mettre en oeuvre. Yann Lepoutre met ainsi en avant dans le domaine des Clean Tech la difficulté des entrepreneurs à faire accepter une solution environnementale performante, si celle-ci coûte plus cher que son alternative poluante. La tragédie des biens communs décrite par Garett Hardin est toujours bien présente au XIXe siècle. On retrouve ce même type d'idée avec Saint-Gobain. Il faut changer les conditions de la compétitivité entre solution carbonée et solution décarbonée. Cela passe inévitablement par la mise en place d'un prix du carbone, et ceci à un niveau significatif. Les pouvoirs publics ont donc un rôle majeur à jouer pour rendre les solutions décarbonées attractives financièrement. On retrouve là l'idée de taxe carbone présentée dans le module 1. Un des plus grands enjeux de la transition énergétique sera de décarboner la production électrique. Comme le mentionnait justement Pierre-André de Chalendar, la France a la chance de par sa politique énergétique nucléaire décidée dans les années 60-70 de bénéficier d'une électricité très bas carbone et bon marché. or ce n'est pas le cas de l'Allemagne par exemple, dont le mix énergétique est encore très dépendant du charbon. Cette idée de décarbonisation de l'énergie va mobiliser de nombreux acteurs comme l'indiquait la présentation de Laurence De Carlo sur les Community Energy au Royaume-Uni. Les enjeux sur la transition énergétique invitent don in fine à un changement de paradigme aussi compliqué à accepter qu'à mettre en oeuvre. Et l'histoire que nous raconte Michel Drappier est à cet égard symptomatique et emblématique. Il a été très difficile pour son père de comprendre que les fondements de sa réussite économique pendant les 30 glorieuses, c'est-à-dire les tracteurs à essence, les pesticides, les cuves en inox, ne permettraient plus de répondre aux enjeux actuels. Ce qui s'est joué dans cette exploitation familiale se joue dans tous les conseils d'administrations des entreprises actuelles. Ce changement de paradigme, c'est aussi le changement pris par l'ESSEC avec la stratégie Together For Change que nous présente ma collègue Anne-Claire Pache, les engagements ambitieux pris par notre école. Si le changement est bien accepté dans les esprits, sa mise en oeuvre suscite son lot de défis. Par exemple, comment concilier d'un côté la nécessité de l'ouverture à l'international qui passe par des déplacements et des mobilités à l'étranger, et de l'autre l'ambition de diminuer drastiquement le bilan carbone de l'école qui est précisément principalement constitué par ces déplacements à l'étranger. On voit bien que nombre de solutions n'ont pas encore été développées et que beaucoup reste à faire. Mais il ne faut pas perdre espoir, Yann Lepoutre nous montre que la Clean Tech a de beaux jours devant elle, quand à Michel Drappier et la Champagne, on se rend compte que son engagement, leur engagement envers le climat paie. La borne de rechargement électrique Tesla qui faisait doucement sourire ses employés est maintenant utilisée par certains d'entre eux. Enfin, pour revenir à l'ESSEC, si beaucoup reste à faire, l'école se dote d'outils constitutionnels ouverts à toutes les parties prenantes majeures afin de construire les solutions de demain. C'est également cette même démarche de co-construction qui a été retenue par le CIVC et aujourd'hui mise en oeuvre comme le précise Pierre Naviot. Les grandes entreprises ont de plus en plus tendance à s'engager sur le sujet, pour Saint-Gobain les produits et services en lien avec le climat vont représenter plus de 60 % de son portefeuille, nous rappelle Pierre-André de Chalendar. Ce pivot stratégique qu'opère un certain nombre d'entreprises vers une meilleure prise en compte du climat dans leur façon de fonctionner sera-t-il suffisant pour inverser la tendance? Eh bien seul l'avenir nous le dira. Ce qui est clair, c'est que l'urgence est bien identifiée et que les bonnes volontés se mobilisent. [MUSIQUE]