[MUSIQUE] [MUSIQUE] On considère trop souvent, ça a peut-être été le cas dans le passé, la RSE comme un peu la cerise sur le gâteau, un service à part qui fait un peu de cosmétique. Chez BNP Paribas, ce n'est pas du tout comme ça qu'on le fait. Notre ambition c'est vraiment d'aligner notre stratégie, d'aligner l'ensemble de notre business model sur les ODD, donc les objectifs de développement durable de l'ONU et sur l'objectif climatique de l'accord de Paris. On essaie d'entraîner l'ensemble de la banque, l'ensemble de nos activités, soit quotidiennes, soit l'ensemble de nos activités commerciales vis-à-vis de nos clients sur cette stratégie. Ça change vraiment l'intégralité de notre business model. Tout cela, nous l'avons synthétisé dans un texte en 2019. On a sorti en 2019 notre raison d'être qui s'appuie sur un certain nombre de textes antérieurs. On est là pour aider nos clients dans leurs efforts pour faire progresser l'ensemble du monde, et au service du monde dans lequel nous vivons. [MUSIQUE] Ça se décline notamment via une attention constante aux objectifs de développement durable de l'ONU d'une part, et ça passe aussi par notre volonté d'aligner notre portefeuille de crédit sur les objectifs de l'accord de Paris. Nous avons donc pris l'engagement d'aligner notre portefeuille de crédit sur l'objectif de l'accord de Paris. Ça soulève quand même un certain nombre de questions assez pointues, assez difficiles pour savoir comment faire. Déjà, comment mesurer la trajectoire de notre portefeuille de crédit, et après comment mesurer l'alignement de cette trajectoire. Quelles sont les difficultés méthodologiques? Elles sont assez multiples. Premier point, accession aux données. Deuxième point c'est traitement de ces données. Troisième difficulté c'est : ça veut dire quoi alignement avec l'objectif de l'accord de Paris? On a la vision globale, on a la quantité maximale admissible de CO2 qu'on peut se permettre d'émettre pour respecter la limitation du réchauffement climatique, mais comment décliner ça secteur par secteur, pays par pays? Pour essayer de répondre à toutes ces questions, on s'est associés avec un certain nombre d'autres banques. En 2018, on a signé avec cinq autres banques internationales l'accord de Katowice, du nom de la COP qui s'était passée à Katowice en Pologne. Dans cet accord de Katowice, on s'est engagés à développer des méthodologies justement, des méthodologies de mesure de l'alignement de notre portefeuille de crédit. On travaille avec un think tank, 2 Degrees Investing, qui nous aide dans cette méthodologie. On travaille avec eux pour avoir une approche sectorielle, parce que sinon, on prend on portefeuille de crédit, on sort de plein de secteurs, on sort de plein de pays et on va seulement sur les secteurs les moins émetteurs et on baisse l'empreinte carbone de notre portefeuille de crédit. Mais pour nous, ce n'est pas pertinent. Faire la transition énergétique sans le secteur énergétique par exemple n'a aucun sens. Forcément, le secteur énergétique est un secteur qui pour l'instant est assez émetteur de gaz à effet de serre. Notre objectif c'est de travailler avec ce secteur pour qu'il soit de moins en moins émetteur, pour qu'il aille dans la direction de l'accord de Paris. Donc on travaille secteur par secteur, et secteur par secteur on regarde si notre portefeuille de crédit dans ce secteur donné va dans la direction que nous fixe l'accord de Paris. Pour ça, on s'appuie sur un certain nombre de scénarios climatiques. Le scénario qu'on privilégie pour l'instant pour un certain nombre de raisons c'est le scénario SDS, Sustainable Development Scenario de l'AIE, l'Agence internationale de l'énergie. Ce scénario a été pensé pour être compatible avec l'objectif de l'accord de Paris. Et donc on le regarde secteur par secteur et on compare notre portefeuille de crédit secteur par secteur avec ce scénario secteur par secteur. [MUSIQUE] [MUSIQUE] Un autre volet de notre réflexion sur notre stratégie et notre business model en lien avec les enjeux climatiques est bien encadré par l'exercice de la TCFD, la task Force on Climate-related Financial Disclosures. C'est une task force qui émane du FSB, le Financial Stability Board au niveau mondial, qui vise à faire en sorte que la stabilité financière au niveau mondial soit préservée. Ils ont estimé qu'un enjeu systémique majeur sur la stabilité financière mondiale était posé par le problème du climat, et donc ils ont donné des recommandations pour prendre en compte au niveau des entreprises et des institutions financières les risques et les opportunités liés au climat. On a publié notre premier rapport TCFD début 2020. En suivant ces recommandations, on suit l'ensemble de nos risques et nos opportunités liés au climat, donc des risques physiques, montée des eaux, événements climatiques extrêmes, ou des risques de transition, donc changement des réglementations ou changement des modes de consommation des consommateurs, pour prendre en compte tous ces enjeux du changement climatique. [MUSIQUE] [MUSIQUE] SBTI, c'est Science Best Target Initiative, qui est une initiative mondiale visant à engager les grandes entreprises à se fixer des objectifs en ligne avec l'accord de Paris. Le gros point fort de cette initiative c'est qu'elle est très bien jouée, en termes notamment de communication, sachant que la communication sur ces sujets est très importante. Elle a réussi à embarquer dans son initiative un certain nombre de grandes entreprises. Je crois qu'on est à quasiment 930 entreprises actuellement qui se fixent, sous son égide et sa responsabilité, des objectifs climatiques en lien avec l'accord de Paris. Ça se passe comment? En gros c'est : l'entreprise qui est intéressée par l'initiative signe une lettre d'engagement. Et après cette lettre d'engagement, l'entreprise a deux ans pour se fixer des objectifs climatiques en ligne avec l'accord de Paris et se faire valider ces objectifs par le SBTI. Ça permet d'engager un dialogue sur ces objectifs et faire valider ces objectifs par une initiative qui est reconnue au niveau mondial. Ça, c'est le côté très positif. Après, j'émettrai deux bémols sur cette initiative. Premier bémol : je prêche un peu pour ma paroisse mais il y a certains secteurs qui sont plus difficiles à traiter que d'autres, pour des raisons qui sont extérieures à l'initiative. Mais typiquement, dans le domaine financier et bancaire, on est, je crois, une cinquantaine d'institutions financières pour l'instant à nous être engagés à se fixer des objectifs et aucun de nous n'a encore d'objectifs validés par le SBTI parce que le SBTI n'a pas de méthodologie pour valider les objectifs propres à l'industrie financière. Deuxième bémol qui est plus de fond c'est l'objectif même et le nom qu'ils se sont donnés. Il part du principe que la science peut fixer des objectifs climatiques. Je suis convaincu que ce n'est pas possible. Pourquoi? La science peut donner un objectif global au niveau mondial. En effet, la science peut dire : si on veut limiter le changement climatique à bien en-dessous de 2 degrés voire 1,5 degré, ça veut dire que l'humanité ne peut pas émettre plus de tant de tonnes de CO2 d'ici 2050, d'ici 2100. Il y a des incertitudes, il y a plusieurs modèles, mais en gros, la science peut à peu près donner un objectif global. L'étape d'après, il y a forcément une dimension éthique, une dimension politique qui intervient : Comment répartir cette enveloppe entre différents acteurs? Comment dire que le secteur aérien pour les transports, on le limite à tel niveau? Qui peut décider du droit à faire du tourisme ou pas? De même, qui peut répartir cette enveloppe entre différents pays? Qui peut dire : les Indiens ont droit à tant et les États-Unis ont droit à tant? Qu'est-ce qu'on prend en compte? L'objectif final? Le fait que les États-Unis ou l'Europe, on a énormément émis par le passé? On arrive forcément à des dimensions éthiques qui ne peuvent pas être fixées uniquement par la science. C'est important de garder ça en tête parce que cette enveloppe, ce gâteau qu'on va se répartir, il y a une partie qu'on peut répartir sur la base de données purement scientifiques, mais il y a forcément un moment une dimension éthique, une dimension politique qui doit rentrer en ligne de compte pour faire cette répartition de l'effort. [MUSIQUE] [MUSIQUE]