[MUSIQUE] [MUSIQUE] L'une des fonctions principales des acteurs financiers que sont les banquiers, les investisseurs, les gestionnaires d'actifs est d'allouer des fonds aux acteurs économiques, que ce soit sous forme de prêts ou de capitaux propres. Cette allocation se fait toujours en prenant en considération à la fois le rendement espéré et les risques financiers pris. C'est ce qu'on appelle le couple rendement/risques. Des rendement attendus plus élevés sont liés à des risques plus élevés. Le changement climatique et l'ensemble des actions pour le limiter conduisent à faire évoluer fortement les risques et les rendements de la finance, les deux termes de ce couple, donc à faire évoluer les arbitrages financiers, et plus profondément les stratégies. Exposons d'abord les risques liés au changement climatique en suivant la classification introduite en 2015 par Mark Carney qui était alors président du conseil de stabilité financière du G20. Si le changement climatique se poursuit, l'ensemble des activités économiques seront exposées à des risques physiques : canicules, inondations, tempêtes, nouvelles maladies etc. Ces risques concerneront les femmes et les hommes, mais aussi bien sûr les activités économiques et les biens matériels dont elles dépendent. Des bâtiments, des usines, des réseaux routiers, ferroviaires ou électriques, toutes les activités seront touchées. Si le changement climatique est maîtrisé, ça veut dire l'inverse : que les activités carbonées auront été arrêtées ou transformées. Ces activités sont exposées à un risque de transition d'autant plus fort que la transition est menée rapidement. Leurs dirigeants seront également exposés à un risque juridique de responsabilité, du fait que des victimes du changement climatique pourraient se retourner contre eux. Nous ne reviendrons pas sur ce point ensuite. La prise en considération de ces risques doit conduire le secteur financier à faire évoluer l'allocation des capitaux en limitant leur exposition aux risques de transition et en s'assurant que les entreprises ou projets exposés aux risques physiques prennent les mesures pertinentes, à temps pour s'y préparer et y faire face. En termes financiers, toutes les classes d'actifs ayant un sous-jacent physique sont concernées : les actions, les obligations, l'immobilier, les infrastructures, les matières premières. Comment s'y prendre? La première des actions à mener c'est d'identifier ces risques. C'est pour cela que Mark Carney a impulsé un groupe de travail, la Task Force on Climate-related Financial Disclosures, TCFD, visant à proposer aux entreprises un cadre de déclaration de leurs risques climatiques. Ce cadre permet aux entreprises de clarifier la présentation des risques et la manière dont elles y font face, facilitant ainsi la perception et la décision des financiers et des banquiers. En synthèse, il comporte quatre volets : la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques, les indicateurs et métriques utilisés. Ces quatre piliers montrent que la question climatique va devenir centrale dans le management des entreprises. Le cadre de la TCFD est de plus en plus utilisé par exemple en France dans les entreprises du CAC40. La Commission européenne a lancé un travail de même nature pour faire évoluer ses directives sur le reporting extra-financier. Ces impulsions conduisent les investisseurs institutionnels, les gestionnaires d'actifs, les banquiers à demander plus d'informations sur les risques de transition, et notamment sur l'impact carbone des activités financées mais aussi sur les risques physiques. Dès lors, il serait possible dans certains cas de réaliser de nouveaux arbitrages en réduisant dans leurs portefeuilles de titres de prêts la part relative des activités les plus exposées à l'un ou l'autre de ces risques. C'est ainsi par exemple que plusieurs banques françaises ont annoncé qu'elles ne financeraient plus de centrales à charbon. La deuxième des actions à mener consiste à orienter différemment sa politique de financement. Ce qu'on appelle l'investissement socialement responsable existe depuis des décennies. Il peut prendre plusieurs formes : l'exclusion de certains secteurs, la prise en considération dans l'analyse des informations extra-financières et des mesures prises au plan ESG, environnemental, social et sociétal et gouvernance, l'activisme actionnarial [INCOMPRÉHENSIBLE] visant à faire pression sur les dirigeants. Le poids de l'ISR, investissement socialement responsable, a crû dans les dernières années. Il connaît aussi une nouvelle forme appelée investissement à impact. Il s'agit pour l'acteur financier de faire un pas de plus en privilégiant dans son allocation les activités en fonction de leur impact positif sur le climat. Une des manières les plus exigeantes pour faire évoluer l'allocation de ces fonds pour un investisseur est d'aligner son portefeuille sur une trajectoire à 2 degrés. Ainsi, il participe à la préparation de l'économie de demain. Des méthodes sont développées aujourd'hui pour l'aider à réaliser cet alignement. Les banques, quant à elles, vont devoir également faire évoluer l'orientation de leur activité de prêts dans la même direction. On voit donc que les acteurs financiers peuvent intégrer dans leur stratégie la nouvelle donne que constitue le changement climatique, tant en termes de gestion de risques que de réallocation de leur portefeuille. Ce mouvement reste néanmoins encore insuffisant. Mark Carney a théorisé la difficulté centrale sous le vocable de tragédie des horizons. Les risques liés au changement climatique sont encore aperçus comme trop lointains pour peser suffisamment dans les calculs financiers. Il appartient donc à la puissance publique, garante de l'intérêt général donc de l'intérêt des générations futures, d'intervenir, soit dans l'économie réelle via des taxes et des réglementations, soit dans la sphère financière pour que les acteurs financiers aient plus d'incitations à agir. [MUSIQUE] [MUSIQUE]