[MUSIQUE] L'avenir est-il écrit? Dans la vidéo précédente, nous vous explicitions l'ampleur de la tâche, notamment au niveau français. Il nous semble important de comprendre aussi l'inertie climatique. Je vais utiliser une image : je suis dans un camion qui roule à pleine vitesse, je freine. Je vais parcourir une certaine distance entre le moment où j'ai commencé à freiner et le moment où je suis à l'arrêt. Pour le climat, c'est un peu pareil. Si demain matin l'humanité arrêtait complètement d'émettre des gaz à effet de serre, la température moyenne du globe continuerait d'augmenter pour environ 10, 20 ans et les eaux continueraient de monter sur plusieurs centaines d'années. Évidement, il vaut mieux faire baisser les émissions dès que possible, mais ce que nous disent les climatologues et les océanologues, c'est qu'il faut se préparer à un climat qui change. Les scientifiques ne connaissent pas tous les détails mais ils ont une idée des tendances. Alors, doit-on attendre les bras croisés en se disant que de toute manière l'avenir est écrit, que le climat va changer? Bien au contraire, nous dit Valérie Masson-Delmotte, une climatologue reconnue. Chaque demi-degré compte, chaque année compte, chaque choix compte. Parce que nous participons toutes et tous au changement climatique et que nous allons toutes et tous devoir nous y adapter, bien que dans des proportions différentes dans les deux cas. Nous sommes toutes et tous en capacité de faire notre part à différentes échelles. En parlant de ces thématiques un ami me disait : c'est vertigineux ! Oui, car jusqu'à présent nous vous avons présenté le problème en des termes sur lesquels vous n'avez que peu de prise directe. Cela participe à ce que, en général, à ce stade de nos présentations, notre audience peut-être traversée par toute une série d'émotions : peur, colère, angoisse, excitation, tétanie, déni. Vous avez ici un nuage de mots tirés d'une étude de terrain sur les émotions face à la question écologique. Les personnes interrogées parlent notamment de peur du futur, de tristesse face à la perte des autres vivants, colère contre soi, colère contre les autres, excitation face aux changements à venir et à la créativité, l'élan collectif qui va être nécessaire. Dans d'autres enceintes, on parle aussi de déni et de ses variations : ce n'est pas mon problème, ce n'est pas un problème, c'est vous le problème, ou la technologie, la main invisible du marché va nous sauver. Ces émotions, elles sont toutes légitimes. Une émotion, c'est une réaction automatique, vous ne la contrôlez pas. Elle vous donne une indication sur vos besoins, elle peut donc vous être utile. La tristesse sert par exemple à nous ralentir pour prendre le temps de se dire que quelque chose a changé, que quelqu'un est parti, et pour aller de l'avant. Avoir des émotions, c'est être en vie! D'ailleurs, la racine d'émotion c'est le latin emovere, mettre en mouvement. Notre propos n'est pas d'apprendre à être zen face à l'effondrement des écosystèmes mais bien d'être à la fois en paix et actif. En somme, nos émotions nous donnent l'énergie nécessaire pour agir. OK. Mais comment? À quelle échelle? En rendant plus spécifiques les questions qui se posent, vous allez commencer à avoir des leviers d'action que vous pourrez actionner. Cela va vous aider, nous le souhaitons, à agir. Dans ce MOOC, nous allons surtout parler des entreprises. En toute fin, nous avons tout de même souhaité vous donner des ordres de grandeur sur ce que vous pouvez faire à l'échelle individuelle, dans votre cellule familiale ou avec des amis. Spoiler alerte, ces actions individuelles sont nécessaires mais pas suffisantes. Pour rendre réelles les trajectoires présentées par Alain Grandjean, nous allons avoir besoin de changement collectif. Avant de vous parler uniquement des entreprises, un mot sur le niveau politique. Vous avez sans doute compris que le rythme de transformation pour décarboner notre société est très élevé et que par ailleurs, il faut prendre en compte un changement du climat sur le long terme. Ces changements-là, une économie de marché pour participer à résoudre le problème, a besoin d'une nouvelle règle du jeu. De notre point de vue, cela va être la tâche principale de notre démocratie, imaginer de nouvelles règles de vie en société. Qu'est-ce qui va devenir obligatoire, interdit, réglementé, autorisé? Quels mécanismes d'incitation, d'aide, de compensation, d'accompagnement? Un chantier passionnant dans lequel vous pouvez vous impliquer, dans des partis politiques, des think tanks, des associations et pourquoi pas en tant qu'élu! Après cette courte parenthèse, recentrons-nous sur le secteur privé. Du point de vue d'une entreprise, par exemple internationale, regardons comment le problème se pose. Voici une vue schématique des émissions dans le monde avec le passé en noir et deux scénarios futurs. La courbe du haut, on pourrait l'appeler destruction as usual. Dans l'ancien temps on parlait de business as usual. On continue comme avant, il n'y a pas de limite de ressource, pas de nouvelle maladie, le climat continue de changer, nous sommes soumis à de plus en plus de catastrophes dites naturelles avec des conséquences socio-économiques de plus en plus graves. La courbe du bas, c'est un monde bas carbone, qu'il soit anticipé ou subi. Anticipé si nous choisissons de sortir des énergies fossiles ou bien subi si nous rencontrons des problèmes d'approvisionnement. En fait ces deux courbes, ce sont des vues de l'esprit. Il est probable que nous ayons un mélange des deux ou qu'en tout cas ces scénarios ne s'expriment pas à l'identique de par le monde. Vous voyez que dans les deux cas, on peut s'attendre à des changements drastiques de comportements, de modes de vie, de priorités d'achats et de fonctionnement de notre société. Une entreprise qui souhaiterait assurer sa pérennité doit prendre en compte ces tendances de fond. Voici des questions pour attaquer une réflexion. Comment contribuer activement à la baisse des émissions et la régénération des écosystèmes? Comment se préparer à un climat qui change déjà? À quoi vont ressembler mes produits, mes services demain? Est-ce que l'entreprise peut être tenue comme responsable de quelque chose? Par exemple par manque de vigilance sur ces sujets? Ces questions évidement, elles en appellent beaucoup d'autres. Cependant, elles rassemblent ce qu'on appelle les risques et opportunités de transition, les risques et opportunités physiques. Elles ont le mérite de cadrer notre propos et nous allons les détailler et les illustrer dans les prochaines séquences. Alors, non, l'avenir n'est pas écrit. [MUSIQUE]