Passons maintenant du numérateur, les ressources, au dénominateur, la question des habitants. Ici je voudrais faire la distinction entre les enjeux spécifiques à un stade de vie particulier, par exemple ceux liés à l'enfance, et ceux plus transversaux, par exemple l'immigration. Commençons par les enjeux spécifiques à un stade de vie. Grossièrement on peut distinguer six stades de vie dans les pays riches, un tous les quinze ans, qui correspondent à trois états différents, les trois couleurs sur le schéma. Le premier stade est celui de l'enfance, de 0 à 15 ans, qui est caractérisé par un état de dépendance vis-à-vis de ses parents. Ensuite vient la jeunesse, de 15 à 30 ans, qui est le premier état de liberté. De 30 à 45 ans puis de 45 à 60 ans viennent les deux stades liés à l'état de production, la vinification, puis la maturité. Ensuite revient l'état de liberté de 60 à 75 ans avec la fameuse retraite dite "active", puis enfin les années à partir de 75 ans marquent le retour à un état de dépendance. Même si nous ne la suivons pas complètement, cette description est utile pour situer quelques enjeux spécifiques à des stades de vie et vous donner des pistes d'engagement possibles. Commençons par la période de 0 à 15 ans. C'est là que les enjeux d'alimentation, d'éducation et de familles monoparentales sont sans doute les plus importants. Citons par exemple comment la Croix Rouge s'est engagée avec Danone dans le projet Malin pour contribuer à améliorer l'alimentation et les comportements alimentaires des enfants de moins de 3 ans vivant dans des familles en situation de fragilité sociale ou économique. Voilà un beau projet co-créé, qui devrait être de nature à vous inspirer. C'est entre 15 et 30 ans que viennent généralement les enjeux liés à l'éducation et l'orientation scolaire, et ceux liés à la drogue ou à l'éducation sexuelle. Citons l'exemple de l'association Fleur de bitume, présente dans des écoles de commerce, des écoles d'ingénieurs et dans des universités pour aider les jeunes issus de milieux défavorisés. À HEC, c'est déjà la plus grosse association en termes de nombre d'étudiants impliqués, mais on pourrait faire tellement plus. Les enjeux liés au stade de production pour les périodes de 30 à 45 ans, puis de 45 à 60 ans, concernent par exemple la question de la mobilité, du chômage ou du surendettement. Dans de très nombreuses régions de France, l'ONG Crésus joue un rôle fondamental pour prévenir et résoudre les situations de surendettement, en partenariat avec différentes banques et associations. Gageons que pour la seule Île-de-France, les 65 bénévoles seraient ravis de recevoir des renforts. En ce qui concerne la lutte contre le chômage, il est intéressant de s'arrêter un instant sur l'insertion par l'emploi, avec Laurent Laïk, directeur général du groupe La Varappe, spécialisé dans les services d'insertion par l'emploi. "Alors, la problématique à laquelle on doit répondre, en tout cas nous, dans les entreprises d'insertion, elle est à l'échelle de la France très simple. Aujourd'hui vous avez presque 8 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté, c'est-à-dire, je n'ai pas les chiffres exacts, mais en dessous de 700 euros par mois, et plus de 5 millions de gens qui ne travaillent absolument pas. Et donc, dans ce monde-là, on a des gens qui sont très éloignés de l'emploi, c'est-à-dire des personnes qui n'ont plus travaillé depuis deux ans, trois ans, même des fois c'est un an, et qui vont cumuler un certain nombre de difficultés, sociales, de santé, de corps, de compétences, de qualification, etc. La question pour nous, entrepreneurs sociaux, quand on entreprend pour le travail, c'est de dire qu'est-ce qu'on peut, comment on va permettre à ces personnes de s'en sortir par elles-mêmes, et comment on va apporter à la société une solution qui soit une solution pérenne et durable pour les territoires sur lesquels on intervient. Et donc l'option qu'on prend, nous, dans les entreprises d'insertion, c'est de dire que, a priori, nul n'est inemployable. On dit, nous : on doit tenter la chance pour chaque individu. Et donc, pour que ça fonctionne, il faut qu'on regarde les gens quand on les embauche comme s'ils savaient travailler normalement, et faire en sorte de leur donner des travaux qu'ils sont capables de faire, et puis de les faire progresser. Et on s'aperçoit que, en utilisant le modèle de l'entreprise, c'est le modèle de l'entreprise et probablement, en tout cas pour nous, le meilleur modèle pour insérer dans la vie active des gens. Et c'est celui qui permet aussi l'ascenseur social, parce que c'est parce qu'on a un travail à temps plein, parce qu'on se professionnalise et qu'on arrive à gagner, année après année, un peu plus d'argent, que l'ascenseur social pour la société, pour la famille, va pouvoir s'opérer. Et donc, notre modèle entrepreneurial, il est entièrement basé sur le fait que l'entreprise doit être le lieu de l'insertion, et l'entreprise ne peut pas fonctionner qu'avec les numéros un. On part du principe qu'on ne peut pas avoir deux types de sociétés : la société pour ceux qui savent travailler, et la société pour ceux qui ne savent pas travailler et qui donc doivent vivre de l'aide sociale, de l'assistanat, etc. Donc, le modèle entrepreneurial chez nous et la façon dont on approche les problèmes de société, c'est de dire non à l'assistanat. Rendons les gens autonomes. Et pour ce faire, on a besoin des entreprises, on a besoin des entrepreneurs, on a besoin de salariés classiques, on a aussi besoin de l'État avec ses financements, c'est évident. Moi, mon métier c'est l'insertion par l'emploi. Donc on a des entreprises, on développe des prestations. Mais on peut aussi insérer les gens par le sport, par la lecture, par la culture. J'ai même connu des gens qui amènent des personnes en difficulté faire des treks à l'autre bout du monde, et puis ça transforme les gens. Et donc ça veut dire que pour un entrepreneur, en fonction de ce qu'il est vraiment au fond de lui, de sa formation initiale et de la façon dont il veut intervenir dans la société, ou agir ou avoir un impact sur cette société, il y a une diversité très large de modalités pour faire de l'insertion. " Enfin, pour les seniors, les questions du vieillissement, de l'isolement ou la dépendance deviennent prééminentes. Pour répondre à ces enjeux, le groupement associatif Siel Bleu a mis en place des programmes utilisant l'activité physique adaptée comme outil de prévention pour les personnes âgées et en perte d'autonomie. Il s'agit par exemple de mettre en place des cours de sport adaptés dans les maisons de retraite. Ce groupe se développe à l'international et il compte aujourd'hui 400 salariés, dont par exemple des professeurs d'éducation physique. Pourquoi ne pas les rejoindre ? Nous arrivons maintenant aux enjeux transversaux qui touchent les populations à tous les stades de vie. Nous allons illustrer des solutions à ces enjeux avec deux exemples. Tout d'abord l'immigration. À tout âge, les populations peuvent être touchées par cet enjeu, et notamment dans le cas des réfugiés politiques, climatiques, etc. L'entreprise sociale Singa France accompagne les réfugiés dans leur intégration socio-économique en utilisant des dispositifs innovants pour multiplier les interactions avec la société d'accueil. Une centaine de bénévoles sont mobilisés chaque semaine, et Singa France commence à se développer en région et à l'étranger. C'est un projet à suivre, dans lequel il peut être intéressant de s'impliquer. Ensuite, un autre enjeu transversal est l'exclusion, avec en France 8 millions de personnes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Pour lutter contre cela, le réseau Andes a créé des épiceries solidaires qui apportent une alimentation saine et accessible aux personnes en situation de précarité. En France, près de 300 épiceries font aujourd'hui partie du réseau Andes, qui a d'ailleurs développé en parallèle cinq chantiers d'insertion liés à l'approvisionnement de ces épiceries. Voilà un bel exemple de réponse efficace à l'enjeu transversal de l'exclusion. Après le numérateur, les ressources, et le dénominateur, la population, il convient maintenant de s'attaquer à la troisième question, celle de la croissance des inégalités en ce qui concerne le ratio de ressources par habitant. Voyons quelles initiatives peuvent être prises pour que ce ratio ne diverge pas trop. Les initiatives peuvent, selon les sensibilités, être menées des deux côtés, du côté de ceux qui ont d'énormes ressources et du côté de ceux qui sont les moins bien lotis. Comment s'attaquer aux citoyens qui possèdent des richesses démesurées, si c'est cet aspect des choses qui vous motive le plus ? L'activisme politique peut être de rigueur ici. À côté de cette réaction somme toute classique, nous pouvons citer le mouvement Occupy Wall Street qui a été lancé en 2011 aux États-Unis pour dénoncer les abus du capitalisme financier. Il est important d'avoir conscience du pouvoir des mouvements citoyens pour faire changer les choses. Mais arrêtons-nous maintenant sur les initiatives qui luttent contre la croissance des inégalités auprès des populations ayant très peu de ressources. Une première initiative intéressante est une entreprise sociale nommée Voisin Malin, qui agit pour la réduction des inégalités dans les quartiers difficiles. Cette association française met en place un porte-à-porte innovant, où des voisins formés vont s'adresser à d'autres voisins pour les aider et les conseiller sur différents sujets tels que leur consommation d'énergie ou d'eau. Ainsi l'activité de cette association permet de lutter contre le développement croissant des inégalités de richesse et d'accès à différents services entre les habitants des quartiers difficiles et le reste de la population. La deuxième initiative va être présentée par Gilles Vermot Desroches, directeur du développement durable chez Schneider Electric. Il va vous expliquer comment son entreprise lutte contre les inégalités d'accès à l'électricité dans les pays en voie de développement. "Schneider Electric a l'ambition de former un million de personnes d'ici 2025 dans ces pays pour qu'ils puissent être des acteurs de l'énergie. La deuxième ambition, c'est de faire en sorte qu'un certain nombre de ces personnes ou d'autres puissent créer des entreprises, parce que, au fond, sans l'entreprise, il n'y aura pas ce progrès. Sans l'entreprise, celui qui a inventé un vaccin, celui qui a inventé la roue, et qui n'a pas pris le risque de transformer en entreprise pour que d'autres puissent l'acheter, n'aura pas… aura fait avancer les choses évidemment, mais on a besoin de cette deuxième partie, donc il faut de l'investissement. Une Schneider est créée en fonds d'investissement pour accompagner ceux qui créent des entreprises comme ça. Et puis des solutions nouvelles. Je peux en montrer une, par exemple celle-là, elle est individuelle. C'est cette lampe, rechargée avec un petit panneau photovoltaïque, qui peut éclairer toute la nuit. Elle permet aussi de recharger son téléphone portable. Parce que, en Afrique ou en Asie, les deux besoins, un peu différents suivant les gens, c'est la communication avec le téléphone portable, et c'est l'éclairage. Ça c'est important, ça c'est personnellement, ça c'est pour sa
maison. Il y a beaucoup de solutions. Et en plus elle est incassable. Voilà, ça c'est une solution. Schneider la vend. Avec le panneau photovoltaïque, c'est entre 20 et 30 euros quel que soit l'endroit où on est dans le monde. Ça peut paraître beaucoup comme ça, mais ça fait diminuer quasiment de moitié le coût de l'énergie pour ceux qui n'ont pas accès à des produits comme ça, qui achètent du kérosène, et donc ce n'est pas bon pour la planète non plus, ou des substituts ou des produits de mauvaise qualité qui au bout d'une semaine seront abandonnés. Ou bien des solutions plus collectives qu'on appelle des solutions off-grid de réseaux pour des villages, qui permettent d'avoir un peu d'éclairage public, pour avoir une vie sociale collective, ou pour aussi avoir plus de sécurité, c'est aussi important dans ces lieux-là. Un lieu public sanitaire, avec un frigo, avec un congélateur. Pourquoi pas un ordinateur pour l'école ? Et puis des recharges de batteries ou un réseau pour tous les gens. Voilà, de manière très importante, il y a un enjeu capital dans l'accès à l'énergie dans les milieux ruraux. C'est que, quand on parle de la croissance de la population entre 2020 et 2050, la moitié de la croissance de la population est en Afrique. Certes, la moitié va aller dans les villes, et il faut travailler assez vite. Ils viennent des grandes mégalopoles. Mais si on n'apporte pas l'énergie à la campagne, là où il restera quand même de 1,5 à 2 milliards d'habitants, alors d'abord ils seront plus nombreux à être en exode vers les villes, et donc en pauvreté dans les banlieues des villes, moins nombreux à s'occuper de la culture, de la production agricole, et au fond à vivre en harmonie dans des lieux où il est important qu'il y ait des gens qui vivent en harmonie. Dans ces pays-là, l'agriculture est le bon et le meilleur des moyens pour vivre. "