L'exposé des problèmes était long. Il justifie la notion de Ticket for change et de devenir entrepreneur du changement. La sévérité de la situation que nous venons de décrire peut donner lieu à deux types de comportements inadéquats. Le rejet du message d'abord : "Ce n'est pas vrai !" C'est sans doute cela que veut dire "regarder ailleurs". Mais où est le ailleurs quand il s'agit de la planète tout entière ? L'autre comportement résiderait dans le pessimisme et/ou la résignation : "À quoi bon ? N'est-il pas trop tard de toute façon ?" Ces deux comportements sont clairement mortifères. "Le pessimiste se plaint du vent, l'optimiste espère qu'il va changer, le réaliste ajuste les voiles. " J'aime bien cette citation d'un auteur américain, William Arthur Ward. Ajustons donc les voiles tous ensemble. Au préalable, reconnaissons deux choses : un, nous ne savons guère ce qui va se passer. Deux, nous ne pourrons pas tout faire tout seuls. Et ça tombe bien, nous ne sommes pas tout seuls. Premièrement, reconnaissons-le, nous ne savons pas exactement de quoi le futur sera fait. C'est là que l'art de la prospective, c'est-à-dire de l'imagination des mondes possibles et de signaux encore faibles, prend toute son
importance. Le témoignage suivant de Matthieu Baudin explique l'intérêt de la démarche prospective. Écoutons-le. "Donc un signal faible, c'est un fait porteur d'avenir. C'est quelque chose qui est infime aujourd'hui mais qui pourrait avoir des conséquences telles que ça remet en cause même le système. Un exemple : aujourd'hui, on voit que de plus en plus de talents, parmi les jeunes, n'ont pas envie de prendre la carrière du salariat. Ils sont en freelance, ils sont en groupe, en coopérative, en ce qu'on
veut. Ça peut changer l'organisation même du travail telle qu'on l'a imaginée. Si on fait un peu de rétro-prospective, on s'imagine que le salariat ça n'a que 150 ans, que ce qu'on pense être de l'innovation et de l'avant-garde, c'est finalement un retour à une forme d'essentiel qu'on a connu bien avant cette période un peu historique de la Révolution industrielle. Donc le fait porteur, c'est à la fois quelque chose qui pourrait se qualifier en signal fort, et éventuellement en rupture, et à la fois c'est des choses aussi, des réminiscences de choses qu'on a déjà connues, parce qu'on est dans une phase aussi assez intéressante, où on est dans une ultra technologie qui nous permet de tout révolutionner, cette vague du numérique qui nous fait tout repenser, et un retour à l'essentiel. Quand on angélise autant le couchsurfing par exemple, c'est de la location de canapé de particulier à particulier. Mon grand-père, lui, il disait que c'était de l'hospitalité. Donc, ce qui est excitant en cette période dans laquelle on vit actuellement, c'est qu'il n'y a pas un seul champ, pas une seule discipline, pas une seule corporation qui n'est exempt d'une profonde introspection, c'est-à-dire que le numérique, cette phase majeure de l'humanité, est en train de tout traverser. On ne peut plus faire du journalisme comme avant, on ne peut plus figer sur un papier quelque chose qui est déjà en mouvement, on ne peut plus enseigner comme avant, quand on a dans la poche toute la connaissance cumulée du monde à disposition, avec six heures de batterie. C'est donc l'expérience de la connaissance qui est plus importante que la connaissance elle-même. On ne peut même plus fumer comme avant, avec la clope numérique. Donc on est vraiment dans un profond questionnement, chamboulement. Certains y voient un peu de tristesse. Moi j'y vois énormément d'opportunités, parce qu'on peut tout réinventer. Et on a cette liberté historique de pouvoir tout réinventer. Et quand je dis tout réinventer, ça veut dire une exigence impérieuse d'expérimenter, avec une philosophie qu'on porte à l'institut, qui est : Au pire ça marche. " Deuxièmement, reconnaissons que nous ne sommes pas seuls dans cette entreprise. Bien que ça ne soit pas le sujet de ce MOOC, les réponses sur le plan macro existent. Ainsi une partie de la réponse peut être politique, avec l'intervention des gouvernements et organisations internationales. La conférence sur le climat à Paris en décembre 2015 est un rendez-vous important à ce sujet. Une autre partie de la réponse sera technologique, chaque crise offrant autant d'opportunités de développement pour les entreprises. Nous aurons l'occasion d'y revenir. Une autre partie encore relève de l'éducation des jeunes générations. Je ne sais pas si vous souscrivez à cette position, mais je suis assez stupéfait par les thèmes qui sont enseignés à l'école, sur le cycle de l'eau, les problèmes environnementaux ou les enjeux
sociétaux. Il y a là clairement une source d'espérance. Enfin une partie de la réponse est, elle, plus philosophique. Elle donne des indications précieuses sur la nécessaire reconstruction de la maison. Quel genre de société voulons-nous ? Que mettre à la place des incendies ? À ce sujet, je vous conseille vivement de vous procurer un petit bijou de 39 pages, au prix modique, Le Manifeste convivialiste, aux éditions Le Bord de l'eau, qui est comme son sous-titre l'indique une déclaration d'interdépendance coécrit par plus de 50 personnalités françaises et étrangères. Interdépendance des hommes les uns avec les autres, interdépendance des hommes et de la nature. Le problème fondamental que nous avons à résoudre, la mère de toutes les menaces comme il est dit dans ce livre, est d'apprendre à gérer la rivalité et la violence entre les êtres humains. L'objectif est de se tourner vers le convivialisme, qui est défini comme "les principes qui permettent aux êtres humains à la fois de rivaliser et de coopérer, dans la pleine conscience de la finitude des ressources naturelles et dans le souci partagé du soin du monde". Un début de route est tracé ici, même si nous avons encore un peu de chemin à faire.