En conclusion, nous vous avons gardé de 2 entrepreneurs du changement pour le moins inspirants, Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix et Emmanuel Faber, directeur général de Danone. Ils ont quelque chose à vous dire. Le Social Business est différent du business classique. Le seul et unique objectif du Social Business est de résoudre les problèmes de société. Et c'est en cela que ça le rend plus fort. À partir du moment où la recherche du profit personnel disparaît, alors tout est différent. Tant que vous aurez des dollars dans les yeux, vous ne pourrez voir que des opportunités liées à l'argent. Vous ne pourrez pas voir toutes les opportunités qui existent pour résoudre ces problèmes de société. Une fois que vous enlevez ces dollars de vos yeux, alors vous voyez les choses comme jamais auparavant; et ces opportunités entre business et problèmes de société coincident parfaitement entre elles. C'est très intéressant de voir la pauvreté de cette façon car cela permet de considérer les personnes comme des entrepreneurs. C'est pourquoi chacun peut développer un business social qui permet à toute personne pauvre de développer son potentiel d'entrepreneur. Car ces personnes pauvres ont la même capacité à être entrepreneur que n'importe qui. Cette société ne leur donne juste jamais l'occasion de mettre en oeuvre ce potentiel entrepreneurial. Je pense qu'on s'est graduellement laissé entraîner dans une conception de l'économie qui est complètement caricaturale où la finance, au lieu d'être au service de l'économie et de l'économie au service de la société, a été conçue, pensée, mise en œuvre comme étant à la fois sa source mais aussi son objectif. Et le jour où on a fait ça, inconsciemment, on est rentrés dans une véritable barbarie. Parce que l'économique sans le social c'est une barbarie. Mais à l'inverse, le social sans l'économique, ça peut très vite devenir une utopie, parce que se pose la question de son financement, de sa pérennité, de son insertion dans la vie réelle et d'ailleurs même dans la logique de l'autonomie des personnes. Le social, s'il est conçu comme étant la relation entre un aidant et un aidé, n'est pas en soi un modèle qui doit être pérenne. Or beaucoup d'ONG vivent parce qu'il y a des aidés. Et donc se pose la question pour moi de la réconciliation entre l'économique et le social dans un réglage dans lequel les entreprises devraient et peuvent de mon point de vue délivrer de la valeur sociale autant qu'elles délivrent de la valeur économique, ce qui permet dans la relation même entre les personnes le respect d'une forme de dignité et d'autonomie et l'accession à leur autonomie. Je pense que les exemples d'une forme d'économie plus solidaire plus inclusive ne manquent pas aujourd'hui. On les voit partout, on les voit dans des ONG qui développent des modèles de social business pour pérenniser leurs actions. On les voit dans les pays dits du Sud où beaucoup d'organisations de type social business se sont mises en place, bien entendu Grameen Bank microcrédit, Muhammad Yunus en a été un pionnier absolument éclairant pour le reste du monde, mais même dans les très grandes entreprises. Aujourd'hui, la responsabilité sociale des entreprises, la RSE, s'entend de plus en plus comme stratégiquement la capacité à partager la valeur qu'elle crée et pas seulement à faire des opérations de mécénat à droite ou à gauche. Donc on est dans une vision très intégrative de l'économique et du social dont le degré dépend évidemment de la culture des entreprises, des convictions de leurs dirigeants. Chez Danone, je pense que la culture de l'entreprise, le fait qu'Antoine Riboud en 1972 ait posé un discours extrêmement marquant, novateur à l'époque sur le thème d'un double projet économique et social, cette culture, elle était évidemment prometteuse pour faire émerger des solutions dans notre monde d'aujourd'hui d'économie plus inclusive, plus équilibrée et c'est ce que, avec l'équipe dirigeante de Danone, on a essayé de faire au travers de tout un tas d'initiatives Danone Community, le fonds Danone pour l'écosystème, Lively-Woods, du social business mais aussi, et pour moi c'est même quasiment plus fondamental, le fait que désormais, les 15 000 managers de Danone mondialement ont un système de bonus qui prend en compte non seulement la performance économique mais aussi la performance managériale et la performance sociale et sociétale. À titre personnel, je considère que les dirigeants, et c'est le fruit de mon expérience depuis maintenant quelques années, les dirigeants ont un véritable devoir d'utopie sur ce sujet. On se dit trop souvent que nous n'avons pas de marge de manœuvre, que c'est comme ça, que c'est le marché financier et que c'est la faute aux analystes ou à ce qu'on veut. La réalité, c'est que oui bien sûr, il faut des résultats, il faut être d'ailleurs au rendez-vous des attentes que l'on crée nous-mêmes, c'est sûr, mais en même temps les marges de manœuvre existent. Elles existent au quotidien, elles existent en permanence. Et donc pour moi, mon interrogation permanente c'est ça, c'est comment est-ce que je me place dans les réglages que je suscite, quelles initiatives j'autorise, quels réglages je fais pour que l'économie que nous construisons au travers de Danone soit un peu plus inclusive qu'elle ne l'était auparavant. Et je pense même que, de ce point de vue-là, pour les entreprises cotées, dont on se dit qu'elles sont forcément dans une situation plus compliquée que les autres, ce chemin existe comme nous l'avons fait par exemple avec le fonds Danone pour l'écosystème que nous avons fait voter en assemblée générale. Et ça a été quelque chose que j'ai personnellement beaucoup porté, mais on est arrivés au bout de quelques semaines de travail avec nos grands actionnaires à un accord à 98 pour 100 sur le fait que 100 millions d'euros allaient être consacrés, avec l'accord de nos actionnaires, à ces actions sociales que nous menons en amont et en aval auprès de tous les petits acteurs économiques qui gravitent autour de l'entreprise. Pour moi, c'est ce type d'exemples qui montre vraiment, qui me montre à moi-même d'ailleurs que, dans le bon réglage, avec la construction d'un consensus, on arrive à faire bouger graduellement les choses et c'est ce qui me fait lever le matin.