Je suis né en Algérie mais dans la partie plutôt sud, c'est-à-dire
saharienne. On peut dire que je suis beaucoup plus Saharien d'une ascendance plutôt nomade que sédentaire. Dans une petite oasis du sud, une petite oasis à côté de Béchar, proche de la frontière marocaine. Et c'est là que je suis né en 1938, voilà. Et à l'époque c'était une cité tranquille, sans grande histoire sauf que tout a été bouleversé parce que les Français, quand ils sont venus, ont découvert du charbon, de la houille. Ce qui fait que cette cité, qui était une cité traditionnelle tranquille, est devenue très effervescente parce qu'il a fallu extraire du charbon, beaucoup de gens sont allés se faire embaucher et mon propre père qui était un forgeron, un musicien, un poète a été aussi dans l'obligation pour gagner, nourrir sa famille, de se faire embaucher aussi à la mine comme conducteur de locotracteurs, voilà l'histoire; un grand bouleversement dans notre petite cité. Et à ce moment-là, malheureusement je perds ma mère, j'avais à peine 4 ans. Et mon père soucieux de mon avenir, disant que désormais la logique de la vie sera entre les mains des Occidentaux et des Européens, et bien il m'a confié à un couple, une institutrice et un ingénieur, pour être éduqué, en quelque sorte, voilà. Dans la nouvelle logique, la nouvelle civilisation si on peut dire, mes parents adoptifs, donc, ont essayé de m'instruire, ils se sont déplacés vers la ville d'Oran, donc je les ai suivis, ensuite je me suis trouvé à Oran où j'ai fait divers métiers, dont celui d'employé de banque, et puis prothésiste, j'ai fait de la prothèse, enfin c'est des petits métiers. Et dans l'ambiance générale de la violence algérienne, bah j'ai dû quitter l'Algérie et je suis arrivé à Paris, dans le microcosme Parisien. Je m'interrogeais beaucoup sur la condition humaine, beaucoup, sur la condition humaine dans la modernité. Et cette condition humaine à la modernité, à tort ou à raison, je l'ai considérée comme de l'esclavage salarié, c'est-à-dire que je devais troquer toute mon existence contre un salaire. Et ça, ça m'a paru quand même chèrement payé, exorbitant. Et en fait, on était dans un monde répétitif, dans le monde où les gens refont toujours les mêmes choses et dans ce microcosme qui me paraissait enfin laborieux mais pour quelle finalité finalement, sinon simplement mériter d'un d'avoir sa gamelle, quoi, c'est tout. Il y avait rien d'exaltant. Et donc c'est la raison pour laquelle, bah j'avais rencontré une jeune fille dans le même établissement. Et comme il se trouve qu'on avait une convergence d'idées et d'esprit, on a décidé à retourner la terre en Ardèche en disant, ça, ça serait bien. Nous avons donc décidé de ressaisir notre existence et de lui donner une orientation logique, quelque chose et puis aussi se rapprocher de la nature parce que ça me paraissait quand même un gros sacrifice que d'être uniquement dans un monde artificiel, dans un monde de béton et dans un monde artificiel alors que la vie est là et qu'on n'est pas présent pour la déguster, les oiseaux chantent pour rien, y a personne, les arbres poussent, les fleurs sont là, y a personne pour admirer parce que tout le monde est concentré à œuvrer, à besogner dans une espèce de confinement urbain qui me paraissait contre nature, voilà. Et donc une fois venu à la campagne, ben il a fallu que j'apprenne l'agriculture parce que je ne connaissais rien de l'agriculture. Et j'ai donc appris l'agriculture par des cours dans une maison familiale et en même temps comme ouvrier agricole. Et c'est là que ça a été le grand déclic, c'est-à-dire quand j'étais ouvrier, la pratique agricole révélée avec l'usage massif du poison, ceux qu'on met dans la terre, ceux qu'on projette dans l'environnement, la condition des animaux confinés à produire des œufs, des protéines, des machins, etc. , l'industrialisation de l'agriculture avec cette option terrible, c'est produire et détruire en même temps, on peut pas produire sans
détruire. J'ai dit mais quand même, on ne peut pas demander à la terre de nous nourrir, alors que c'est elle qui nous nourrit et en même temps la détruire et l'empoisonner, c'était complètement illogique d'avoir un système qui produit et détruit en même temps. Donc c'est là où ça a été pour moi la révélation concernant ce que veut dire l'agriculture industrialisée, c'est-à-dire l'agriculture qu'on a essayé de mettre à jour de l'industrie et on a donc industrialisé l'agriculture. Le paysan, dans sa noblesse de paysan, est devenu un exploitant agricole et donc il avait été blessé depuis longtemps de sa condition paysanne et il voulait se mettre à jour du monde moderne, je ne suis pas un attardé, un plouc, etc. , sauf que quand y a rien à manger dans les villes, tout le monde se souvient qu'il a un cousin à la campagne. C'est (inaudible) parce que c'est lui qui tient la vie, c'est tout, mais il la tient mal à partir du moment où il la tient très mal s'il (inaudible), s'il pollue, s'il détruit et c'est (inaudible) très mal parce qu'il détruit. Mais le vrai paysan respectueux de la vie, respectueux de la terre, et bien il a un rôle social majeur, je dirais même prioritaire
absolu. Et c'est pour ça que bon, j'ai découvert qu'il y avait la biodynamique, qu'il y avait des possibilités de travailler la terre en la respectant, en
l'aimant, que la notion de terre mère, pour moi c'était pas une métaphore, c'est une réalité parce que c'est cette terre-là qui nous nourrit. Et cette terre, il faut la respecter, faut pas la détruire, et c'est comme ça que petit à petit de la biodynamique je suis allé vers l'agriculture bio, et puis à ce moment-là, on rentre dans une tout autre logique, c'est-à-dire au lieu de détruire, on rentre en coopération. Le livre qu'on vient de publier avec Jean-Marie Pelt part sur cette idée de coopération où quand on fait la rétrospective sur comment la vie s'est installée sur la planète, et bien on se rend compte que tout a coopéré, les microbes, tout a coopéré pour que la vie elle vienne. Et ensuite quand l'être humain est arrivé, eh ben il a instauré la dualité, dualité de l'humain contre l'humain, dualité de l'humain contre la nature et donc cette dualité, malheureusement il y a qu'à regarder les informations aujourd'hui, toute la planète est pleine de cette dualité, l'humain est contre l'humain, l'humain est contre la nature, on fait le bilan des dégâts faits sur la vie à laquelle nous devons la vie évidemment, ça nous amène à comprendre qu'aujourd'hui, est-ce que l'être humain a besoin de la nature, la réponse est oui, est-ce que la nature a besoin de l'être humain, la réponse est non, à bon entendeur salut, voilà, si on n'a pas compris ça, on n'a rien compris du tout.