[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Notre sens moral ne se réduit pas seulement à intérioriser des règles sociales imposées par notre culture ou notre famille. Notre sens moral se fonde sur des raisonnements qui sont issus de notre expérience et qui sont issus aussi de notre capacité cognitive. Pour étudier comment se construit le sens moral chez les enfants, les psychologues proposent des dilemmes moraux, c'est-à -dire des histoires qui sont plausibles, fictives, mais dans ces histoires, il va y avoir des conflits de loyauté. Il va falloir choisir entre sa famille, ses amis ou la loi, ce que dit la loi. Par exemple, je vais vous proposer de lire une situation qui met justement un conflit de loyauté entre sauver sa femme, son ami, versus respecter le droit de propriété. Je vous invite à lire cette histoire. Maintenant que vous avez lu cette histoire, si je vous demande est-ce que monsieur Dupont a eu raison d'agir ainsi ? Est-ce qu'il a eu raison d'aller casser cette vitre et pouvoir obtenir ce médicament qui va sauver sa femme ? Si on interroge la plupart des gens adultes, la grande majorité des personnes interrogées disent oui. C'est-à -dire que quand ils doivent arbitrer entre un conflit de loyauté entre sa famille, le fait de sauver ses proches versus respecter les règles de la société, dans ce cas-là , la plupart des gens disent qu'il a bien fait, ne le condamnent pas. Maintenant, si on suppose que monsieur Dupont fait la même chose, mais ce n'est plus sa femme, mais un ami seulement, proche, mais sans plus. Il ne fait plus partie de sa famille. Là , du coup, quand on interroge les mêmes personnes, le pourcentage diminue. C'est-à -dire que là , on commence à se dire, ce n'est plus ma famille, donc je vais avoir moins de justification parce que je suis moins impliqué, j'ai moins un devoir de sauver ma famille, et là du coup, je vais devoir quand même faire attention à respecter la loi. Enfin, si je vous propose l'exercice de dire, monsieur Dupont, est-ce qu'il a raison, mais alors il ne connaît pas du tout la personne qui a fracassé et brisé la vitre pour aller prendre le médicament, la plupart des gens répondent par la négative, parce que du coup, la plupart des personnes se réfèrent au droit de propriété et disent qu'on ne peut pas enfreindre ce droit de propriété. Donc, on voit bien que face à une situation où il y a un dilemme moral entre différents conflits de loyauté, les personnes vont arbitrer, vont choisir des registres, et en fonction de leur raisonnement, ils vont approuver ce comportement, trouver qu'il est juste ou pas juste. Quand les psychologues proposent ce type de dilemme moral à des enfants de 5 à 14, 16 ans, ils vont analyser en fait le type de réponse et le type de raisonnement qui sont proposés par les enfants. Et là , ils s'aperçoivent qu'en fait, il y a trois grandes étapes. Il y a l'étape qu'on va appeler préconventionnelle, qui correspond à entre 5 et 8 ans ; après, le stade conventionnel entre 8 et 12 ans ; et puis le stade postconventionnel après 12 ans. Dans l'étape préconventionnelle de cinq à huit ans, les enfants utilisent beaucoup comme argument l'impact des conséquences de briser une vitre ou pas. C'est-à -dire que ce qui va leur faire dire que c'est bien ou ce n'est pas bien, c'est est-ce qu'ils risquent de se faire attraper par la police ou non. S'ils ne risquent pas de se faire attraper par la police, c'est bon, ils jugent que le comportement est correct. Donc là , on voit vraiment que ce qui compte, c'est la prégnance perceptive des informations de la situation. Il n'y a pas vraiment de morale de ce qui est bien ou pas bien, c'est est-ce qu'il y a un risque de se faire attraper ou non. Ensuite, quand ils passent au stade conventionnel, à partir de huit ans, là , du coup, ils commencent à prendre en compte les normes sociales de ce qui est bien ou pas bien, mais ces normes sont surtout déterminées par leurs proches, de ce qu'a dit leur parent, leur maître. Si le maître, leur maîtresse, ou leur parent a dit, ce n'est pas bien de voler ou c'est bien de voler, ils vont se fonder, ils vont respecter cette règle, mais cette règle sera fondée sur leurs proches. Donc là , il y aura un conflit de loyauté, mais ils sont capables de se détacher de leurs propres intérêts, des conséquences directes, mais la règle est quand même issue de la famille ou des proches qu'ils estiment. Et ce n'est qu'à partir de 12 ans, quand l'enfant va rentrer en stade postconventionnel, que là , il va véritablement procéder à une autonomie morale et il pourra décider ce qui est bien ou pas bien en fonction des règles générales, indépendamment de ce qu'en pensent leurs amis, leurs parents ou leurs maîtres. C'est qu'il y a des choses qu'ils vont juger correctes, justes, ou des choses qu'ils ne vont pas juger. Et là , de plain-pied, les enfants vont rentrer dans ce qu'on appelle le contrat social, c'est-à -dire cette capacité à dire que pour vivre en société, il y a des règles à respecter, il y a ce qui marche, ce qui ne marche pas, et puis que parfois, il faut arbitrer entre différents types de règles, et qu'en fonction des situations, ils vont apprendre à pouvoir pondérer leur jugement. Plus récemment, les psychologues ont affiné cette façon de voir comment se développe ce sens moral en ajoutant une dimension émotionnelle à tous ces fonctionnements cognitifs. Ils se sont aperçus que face à un dilemme moral, les personnes réagiraient en deux temps, en deux phases successives activant respectivement un système chaud, puis un système froid. Ce système chaud correspondrait à un jugement émotionnel, spontané, automatique, qui ne ferait appel à aucun raisonnement, c'est-à -dire face à ce dilemme moral, il a bien fait, il n'a pas bien fait, je n'ai pas le temps de raisonner, mais j'ai tout de suite mon avis. Et puis, dans un second temps, une fois que j'ai laissé le temps de ma réflexion, de mes types de raisonnements, de réfléchir à la situation, je vais faire appel à un système froid qui va pouvoir me permettre d'émettre un jugement plus logique, plus rationnel sur la situation qui a été proposée dans ce dilemme moral. Et nous verrons que ces deux systèmes, la cohabitation de systèmes est présente à travers les âges, et puis que plus l'enfant va grandir, plus il va être capable justement de mettre en œuvre ce système froid pour pouvoir procéder à des jugements moraux justes. [MUSIQUE] [MUSIQUE]