[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Parfois nous, adultes, nous sommes étonnés de la réaction de nos compères ou de nos collègues ou de notre famille, on ne comprend pas bien pourquoi ils réagissent de cette façon ou l'autre. Et pour mieux comprendre leur réaction, il faut mentalement essayer de se mettre à leur place, et d'avoir une idée, de se représenter toutes les contraintes qui font qu'ils ont pu décider de réagir de telle ou telle façon. Et parfois, avec cet exercice mental de se mettre à la place de l'autre, on comprend mieux la réaction de la personne qui est en face de nous. Cette capacité à se mettre à la place des autres va émerger progressivement au cours du développement. C'est quelque chose qui n'est pas du tout aisé, et les psychologues ont proposé tout un tas de tâches pour essayer de mieux comprendre comment cette capacité à se mettre à la place des autres, appelée théorie de l'esprit, va progressivement émerger au cours du développement. Par exemple, déjà autour de 14, 15 mois, un enfant qui voit quelqu'un qui est en train d'avoir des problèmes, n'arrive pas à ouvrir une porte, qui a fait tomber un objet ou qui sollicite quelque chose et qui ne l'obtient pas, eh bien spontanément il est capable d'inférer qu'il a besoin qu'on lui ouvre la porte, qu'on lui ramasse un objet, qu'on l'aide. Donc déjà c'est un premier indicateur de cette compréhension de la situation. Après, les psychologues ont proposé de nombreuses tâches. Un tâche qui est très connue consiste à demander à un enfant qui vient dans une salle, on le fait asseoir et là on lui propose une boîte de smarties, un bonbon très connu. Et puis, on lui demande d'ouvrir cette boîte de smarties. Et quand il a trois ans, il ouvre la boîte et là, qu'est-ce qu'on a fait? À la place des smarties, on a mis des raisins. Et qu'est-ce qui se passe? L'enfant dit, je suis étonné, d'habitude ce sont des smarties, bon, et là je vois des raisins. On lui demande s'il connaît les raisins, il comprend la situation. Et puis là on lui dit, bon maintenant imagine, je présente la même situation à quelqu'un d'autre de ton environnement, à ta maman ou à ton papa, et là maintenant, je lui donne la même boîte que tu as, la boîte de smarties, mais à l'intérieur avec des raisins. À ton avis, qu'est-ce qu'elle va penser, est-ce qu'elle va penser qu'il y a des smarties, ou des raisins? Et là, les enfants de trois ans disent, pour la plupart, que l'adulte, ou n'importe qui d'autre, va penser avoir des raisins. Pourquoi? Parce que là, il y a une prégnance des informations perceptives. C'est-à-dire que ce qu'il a dans la tête, ce qu'il pense, tout le monde pense la même chose. Donc, automatiquement, lui, il sait qu'il y a des raisins, donc la personne qui sera confrontée à cette situation pensera qu'il y a des raisins aussi. Il n'est pas capable de faire ce qu'on appelle la théorie de l'esprit ; il n'est pas capable de se mettre à la place de l'autre, qui ne sait pas qu'il y a un piège, en fait. Et puis, deux ans plus tard, si on propose la même situation à un enfant, eh bien là, l'enfant va dire, ce n'est pas normal. Et si je lui dis, alors si quelqu'un d'autre vient, à ton avis, qu'est-ce qu'il va penser? Automatiquement, il va dire, forcément, c'est une boîte de smarties, donc il devrait penser que dedans, normalement, il y a des smarties. Et là il est capable de faire la théorie de l'esprit. Donc ce changement développemental est assez incroyable, et très important ; et on voit que cette capacité va se mettre en place progressivement et qu'elle va être essentielle pour comprendre et agir dans un environnement social, où tout un tas d'autres personnes dans son environnement ont forcément des idées, des pensées, des intentions différentes des siennes. Il faut aussi se dire que, selon les tâches qu'on propose, les psychologues ont inventé tout un tas d'autres tâches, on montre que cette capacité à se mettre à la place des autres, elle va émerger plus tardivement ; et si la tâche est extrêmement compliquée, du coup se mettre à la place des autres, il va falloir attendre six, sept, huit ans pour qu'on soit vraiment capable de se mettre, mentalement, dans la même disposition d'esprit que la personne qui est face à cette tâche très complexe. Quoi qu'il en soit, cette capacité est vraiment essentielle, elle va progressivement émerger et elle va être essentielle tout au long du développement. Il est aussi important de noter que cette capacité à se mettre à la place des autres est très importante pour différencier ce qui relève du mensonge, de la plaisanterie. On sait que les jeunes enfants, vers cinq, six, sept ans, ne comprennent pas trop les plaisanteries, ils n'aiment d'ailleurs pas du tout, c'est très difficile de comprendre pour eux une blague. Et puis, à partir de sept, huit ans, grâce à cette capacité de se mettre à la place, de comprendre le point de vue de l'autre, ils vont pouvoir comprendre davantage tout ce qui est blague, et bien différencier ce qui relève de la plaisanterie et du mensonge. Pour les parents, il est très important d'accompagner le développement de cette capacité. Il existe tout un tas d'activités de la vie quotidienne, d'activités ludiques, qui aident l'enfant à développer cette capacité à se mettre à la place des autres. Par exemple, on peut l'aider en jouant avec différents rôles. Par exemple, chaque fois, en proposant différents personnages dans une même histoire, et à chaque fois en les entraînant à se dire, à ton avis, tel personnage, il pense quoi de la situation, quel est son point de vue? Et en changeant les points de vue de chaque personnage, en essayant de rentrer dans la tête, mentalement, du point de vue de chaque personnage, l'enfant apprend que, chaque personnage, pour une situation donnée, peut penser différemment parce qu'il n'a pas les mêmes informations, il n'a pas la même personnalité, il n'a pas les mêmes objectifs. Et cet entraînement à se mettre à la place des autres, à travers différents personnages fictifs, à travers différentes histoires, est un très bon moyen pour aider l'enfant à développer sa théorie de l'esprit. Il est aussi très important de l'aider à expliciter toutes les conditions qui font que, pourquoi à cet instant-là, l'enfant pense cela ou va faire cela. C'est-à-dire de l'aider à expliciter quelles sont ses contraintes, son point de vue, qu'est-ce qu'il a vu, qu'est-ce qu'il a pensé, quel est le degré d'information qu'il a sur l'histoire, et que du coup, il pense que, forcément, il ne peut dire que ça. Et grâce à cette explicitation, à cette verbalisation, l'enfant va comprendre que, à un instant donné, dans une situation donnée, un personnage ne pourra penser que cette chose, et sera conduit à émettre ce comportement qui est différent de, moi, mon comportement que j'aurais émis, parce que je n'ai pas le même degré d'information sur cette histoire. Enfin, il est très important de développer tout un tas d'activités collectives. On sait qu'en crèche, ou en colonie de vacances, quand on joue à plusieurs, quand on développe des jeux de coopération, des jeux de communication, forcément l'enfant va devoir prendre en compte le point de vue des autres. Et on sait que plus les enfants vont participer à des tâches collectives, à des tâches coopératives, plus ils seront aidés à comprendre le point de vue de l'autre. Et plus on comprend le point de vue de l'autre, plus ça nous est facile d'avoir de bonnes interactions avec notre environnement. [MUSIQUE] [MUSIQUE]