[MUSIQUE] Nous avons donc besoin de nous approprier les objets pour nous construire, pour exister, comme disait l'autre, il y a des bouts de choses en nous et des bouts de nous dans les choses et on va voir que dès l'enfance, les objets servent à dire qui nous sommes. Vous avez certainement déjà assisté à une dispute entre deux enfants qui veulent absolument s'approprier un objet et ne le lâcheraient pour rien au monde. Vous allez voir que la guerre des objets fait partie intégrante du développement de l'enfant. [MUSIQUE] >> Au départ, l'enfant pense naturellement que tout lui appartient. >> Quand l'enfant apprend à marcher, souvent on commence à déplacer les objets pour qu'il ne puisse pas avoir accès. L'enfant apprend que ces objets-là ne sont pas pour lui. >> Ce n'est que quand il rentre en interaction avec les autres qu'il découvre que des règles existent. Selon les spécialistes, 80 % des conflits entre enfants tournent autour de la propriété. >> Il y a des formules verbales, ça c'est plus explicite, que les adultes utilisent tout le temps pour signifier à l'enfant que certaines choses sont à lui et certaines choses ne sont pas à lui. Les jouets de la crèche ne sont à personne, ils sont à tout le monde. Ils sont aux enfants qui viennent jouer à la crèche. Ça c'est à lui parce que c'est sa maman qui lui a donné. Il faut lui laisser parce qu'il en a besoin sinon il est triste. C'est le cas du doudou. Les ciseaux, on ne les donne pas aux enfants, ils se font mal, c'est pour les adultes. Donc là, à travers toutes ces associations plus ou moins régulières, plus ou moins stables, l'enfant apprend que des catégories d'objets peuvent être appropriées, peuvent être à son usage, à sa disposition et d'autres sont complètement exclus. >> En même temps que le sens de la propriété, l'enfant doit apprendre les règles du partage et là ça se complique encore un peu plus. Avec l'aide de notre psychologue, nous avons reproduit une expérience mise sur pied par le chercheur genevois Philippe Rochat. Elle nous permet de comprendre à quel âge l'enfant arrive à se décentrer et commence à partager. Pour commencer, nous avons proposé à des enfants de trois ans de partager entre eux et Raffaella six biscuits posés sur la table. Comment vont-ils répartir les petits gâteaux? >> Tu peux tous les partager. Je te laisse faire. Vas-y. [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Drôle de répartition. Pas très partageurs les tout petits. >> Super, parfait. Tu as fini? À trois ans, c'est l'âge où l'enfant, il est encore très concret, très lié à son action concrète immédiate. L'objet avec lequel, qu'il protège, qu'il veut garder pour lui, ça lui permet d'être actif dans le monde et donc de découvrir toutes ses possibilités d'action, son territoire d'action, on va dire comme ça et céder son propre objet ou céder un objet qu'il a approprié, dont il a pris possession, c'est un peu de devoir céder cet espace d'action, ce à quoi il n'est pas prêt parce que c'est ce qui lui permet de se définir, d'être à cet âge-là. >> Tu peux t'asseoir ici. >> Nous proposons ensuite le même exercice à des enfants de cinq ans. [MUSIQUE] Vont-ils être plus généreux avec Raffaella? >> Tu aimes les biscuits? >> Oui. >> C'est toi qui vois, c'est toi qui décide. [MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Toi, tu peux avoir ces trois biscuits. >> OK. Alors tu peux les mettre >> Beaucoup plus équitable. >> dans mon assiette, dans ma boîte. À cinq ans, ce qu'on partage c'est le plaisir d'être ensemble à travers l'objet. L'objet devient l'outil, le moyen qui permet de partager ce plaisir d'être ensemble et on peut être vraiment ensemble et pas dans des activités parallèles comme celles que l'on voit à trois, quatre ans parce qu'on fait des choses différentes mais sur le même objet. Par exemple, dans le cas des biscuits, on va partager le moment de manger ces biscuits et donc, moi, j'aurai ce plaisir comme toi tu aura ce plaisir et c'est ça que l'on partage. >> Et que se passe-t-il lorsque le nombre d'objets à partager est indivisible? >> Il reste une chose dans l'assiette. C'est pour toi ou pour moi? [MUSIQUE] >> Là. [MUSIQUE] [MUSIQUE] >> Pour les enfants de trois ans, il n'y a aucun doute, ils s'attribuent l'ensemble des friandises. >> D'accord, tu as fini, tu as bien partagé? [MUSIQUE] >> Mais comment vont réagir les enfants de cinq ans? Vont-ils conserver leur sens de l'équité? [MUSIQUE] >> Il y en a un en plus. C'est très dur. [MUSIQUE] On coupe en deux. >> Tu as trouvé une idée. Vas-y, essaie. Pour moi, merci. Voilà, tu fais comment maintenant? >> Malgré la difficulté supplémentaire, la plupart des grands trouvent une solution. >> À cinq ans, l'enfant rentre dans l'équité. L'objet n'est plus convoité en tant que tel parce qu'il offre des possibilités d'agir. Il en a déjà eu plein d'expériences avec cet objet, avec d'autres objets qui ont permis à l'enfant d'exprimer tout ce désir, ce besoin d'être en action et de se connaître à travers l'action qu'il lui est possible sur l'objet de possession, donc l'objet à ce moment-là, il devient le moyen qui permet de jouer vraiment ensemble. [MUSIQUE] [MUSIQUE]