[MUSIQUE] Bonjour, et bienvenue dans cette vidéo. La nature est-elle à vendre? À la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis, alors que le pays a achevé la conquête du territoire d'est en ouest, le Président Grant crée, en 1872, le premier parc national du monde, à Yellowstone. Deux clans s'affrontent au congrès américain, sur l'avenir du parc. D'un côté, certains souhaitent ouvrir le parc à l'exploitation économique. De l'autre, certains mettent en avant la valeur incomparable de cet espace naturel, qui doit être préservé pour le plus grand nombre. C'est finalement le mouvement de conservation qui l'emportera, avec par la suite, la création d'autres parcs nationaux, comme Yosémite quelques années plus tard. Cela semble donc, être la preuve que la nature n'est pas à vendre. Et qu'on juge nécessaire de préserver certains espaces naturels remarquables, de l'exploitation économique. Dans cette vidéo, nous allons voir comment s'est développée aujourd'hui la politique de conservation de la nature en France et en Europe, et pourquoi, aujourd'hui, se pose plus que jamais la question de la nature. Peut-on la vendre sans limite? Ou faut-il lui accorder le statut de bien public mondial? [AUDIO_VIDE] Si les Etats-Unis sont pionniers en matière de protection d'espaces naturels, il faut réellement attendre 1960 en France pour que soit passée la première loi qui institue des parcs nationaux. Le premier parc créé, sera à la Vanoise, en 1963. On compte aujourd'hui dix parcs en France, et environ 5 000 dans le monde. Ces espaces sont préservés, pour la richesse de leur biodiversité, ainsi que pour leur valeur culturelle et patrimoniale exceptionnelle. C'est en 1992 qu'est affirmée officiellement la valeur de la biodiversité au niveau mondial, par la convention sur la diversité biologique, ratifiée depuis par 193 pays. Cette convention, signée pendant le Sommet de la Terre de Rio, reconnaît la protection de la biodiversité, comme Préoccupation Commune de l'Humanité. Elle comporte trois grands objectifs : la conservation de la biodiversité, l'utilisation durable des espèces et milieux naturels, et le partage équitable des ressources génétiques. Comme on peut le voir, à partir de ce moment-là, ce n'est pas seulement la biodiversité remarquable qui est prise en compte, mais la nature au sens le plus large. Cette approche va se traduire en France, par la mise en place, à partir de 2004, d'une stratégie nationale de la biodiversité, qui sera renforcée par le Grenelle de l'environnement, puis revue de nouveau en 2011, pour la période 2011- 2020. L'Union Européenne, de son côté, engagera sa propre stratégie en 2006, puis 2011, avec l'objectif de stopper les pertes de biodiversité. L'objectif central de la stratégie française et européenne de biodiversité, est de mettre en place un dispositif qui inclue tous les types de biodiversités, de la plus remarquable, à la plus ordinaire. Ce dispositif, vise à adapter la protection de cette biodiversité, aux réalités concrètes des territoires, et en tentant de combiner cette protection au développement économique et social des territoires. On a ainsi créé des parcs naturels régionaux, des réserves nationales et régionales, des réserves de biosphère, ou encore des zones protégées par le réseau Natura 2000 européen. Selon le type d'espace protégé, les activités économiques sont plus ou moins intégrées. Notez, que ces activités doivent être soutenables pour les écosystèmes concernés. Pour aller encore plus loin, et assurer la continuité écologique sur un territoire, c'est-à-dire la possibilité, pour les espèces, de circuler et de se reproduire, le Grenelle de l'environnement, a introduit ce qu'on appelle les trames vertes et bleues, véritable outil d'aménagement durable du territoire. Ce sont des réseaux écologiques, composés de réservoirs et de corridors, sans oublier les cours d'eau, et rivières. Ils sont mis en place à l'échelle locale, et doivent permettre cette continuité écologique, essentielle au maintien de la biodiversité. Et donc, des multiples services qu'elle nous rend. L'enjeu, aujourd'hui, est clair : comment faire, pour que coexistent harmonieusement, la richesse à tous les niveaux de la biodiversité d'une part, et les activités économiques et sociales, qui sont humainement indispensables, d'autre part? Cela suppose la concertation avec tous les acteurs : publics, privés, et citoyens. Quel statut pour la nature? Cette question nous renvoie à la valeur économique de la nature. Quel statut devons-nous lui donner? Si, comme nous l'avons vu par ailleurs, il est nécessaire de mesurer la valeur de notre capital naturel, afin de mieux le protéger, cette démarche est complexe et risquée. Faut-il, en effet, traiter la nature comme un bien économique, valorisé financièrement? Ou doit-on faire en sorte de mettre à l'écart la nature, d'une logique de marché? C'est un des grands débats actuels, et les économistes sont divisés. D'un côté, l'approche néolibérale, tend à considérer que la monétisation de la biodiversité est la meilleure solution, si tant est que l'on est en mesure de donner à la nature son juste prix. Ainsi, se sont développées aux Etats-Unis des bourses de la biodiversité, où sont mis en vente certains espaces remarquables, dans le but d'être protégés. Les approches de compensation sont également très répandues. Une usine qui pollue, peut ainsi compenser son impact écologique négatif par l'investissement dans une forêt, dont on a monétisé la contribution en matière de capture de C02. Dans cette première approche, le marché apparaît comme la meilleure solution au maintien de la biodiversité. Une autre approche, serait d'accorder le statut de bien public mondial aux biens naturels. Bien que l'on reconnaisse la valeur intrinsèque, voire économique, de la nature, on rejette l'idée d'une valeur monétaire échangeable sur un marché. Cette approche nécessite d'abord de reconnaître le statut de bien commun pour l'air, l'eau, la biodiversité, le climat, etc. C'est ce que la Communauté Internationale tend à faire depuis plusieurs décennies, en reconnaissant la notion de patrimoine commun. Cela implique ensuite, une gestion collective de ces ressources, au niveau mondial. C'est là toute la difficulté liée à la notion de bien public mondial, qui repose sur les principes juridiques de non exclusivité, et de non rivalité. Malgré tout, de nombreux arguments plaident pour un statut de ce type. Il est en effet difficile de mesurer correctement la valeur monétaire de la nature, qui comprend en effet des valeurs d'usage et de non usage, de courts termes et de longs termes. De même, le capital humain est productif et largement dépendant du capital naturel. Il est donc quasiment impossible d'isoler la valeur économique de ce capital. Tout dépend, finalement, de la capacité de la Communauté Internationale, à mettre en place une gestion collective de ces ressources. Le cas échéant, l'alternative du marché s'imposera comme la meilleure réponse. C'est en effet un outil efficace et bien connu, mais les risques sont nombreux. Comme nous l'avons vu à propos des biotechnologies, jusqu'où pouvons-nous aller dans la modélisation du vivant? Dans cette vidéo, nous avons vu deux choses. La première : la protection d'espaces naturels a beaucoup évolué, de la création de parcs nationaux, à la mise en place d'outils de préservation de la biodiversité, de la plus remarquable, à la plus ordinaire. Le rôle des pouvoirs publics est fondamental, tout autant que la concertation avec tous les acteurs locaux concernés. La deuxième : ce sujet pose la question, essentielle, de la valeur à donner à la nature. Si la logique de monétisation pose beaucoup de questions, la reconnaissance du statut de bien public mondial pour la nature, est une réponse de long terme, prometteuse, mais elle ne se fera pas sans une volonté commune à l'échelle internationale. Merci de votre attention. [AUDIO_VIDE]