[MUSIQUE] Bonjour à tous et bienvenue dans cette vidéo. Malgré les multiples conventions internationales sur le climat, les émissions mondiales de gaz à effet de serre augmentent toujours plus vite. Échec relatif mais répétitif. Alors finalement, pourquoi attendons-nous pour agir? Les conclusions du groupe des experts, le GIEC, sont pourtant très claires. Si nous voulons éviter les pires conséquences, l'objectif mondial doit être de limiter à seulement 2° C la hausse des températures par rapport à leur niveau pré-industriel. Ce qui suppose de réduire de 40 à 70 % nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. Puis, de les éliminer d'ici à la fin du siècle. Le GIEC nous dit clairement que cet objectif est atteignable, si nous prenons des mesures ambitieuses de réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi d'augmentation des puits de carbone et tout particulièrement de la forêt. Et cependant, malgré ces données claires, l'histoire des négociations internationales sur le climat est pessimiste. Reprenons cette histoire. La première prévision d'un réchauffement climatique date de 1967. Et dès 1979, c'est-à -dire il y a plus de 35 ans, la première conférence sur le climat a été ouverte. En 1989, il y a 25 ans à La Haye, les 12 pays européens se sont engagés à stabiliser leurs émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2000. Poursuivons, en juin 1992, au sommet de la Terre à Rio de Janeiro, les 131 chefs d'État réunis ont adopté le principe fondateur de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques. C'est-à -dire l'objectif de stabiliser les gaz à effet de serre à un niveau qui empêche toute perturbation humaine. Enfin une nouvelle très importante sera franchie en 1997 avec l'adoption du fameux protocole de Kyoto. Protocole dans lequel les 38 pays industrialisés signataires, c'est-à -dire les pays dits de l'annexe B, s'engagent à réduire leur gaz à effet de serre de 5,2 % en 2012 par rapport à 1990. Jusqu'ici, l'histoire des négociations internationales semble donc très positive. Mais en réalité elle masque des brèches importantes. Lors de la signature du protocole de Kyoto par exemple, les États-Unis ne s'engagent pas à réduire les émissions de gaz à effet de serre sur leur territoire, mais à contribuer à des projets de réduction à l'extérieur de leur territoire. Ce qu'on appelle le mécanisme pour un développement propre. Dès 1998, autre exemple, à Buenos Aires, les pays en voie de développement s'opposent aux pays développés. Ils refusent de s'engager puisque la responsabilité historique des changements climatiques incombe aux pays développés. En 2007, lors de la publication du quatrième rapport du GIEC, la Chine et les États-Unis contestent les conclusions scientifiques et s'opposent tout simplement à toute référence à des objectifs chiffrés. Enfin en 2009, vous le savez, les clivages s'aggravent à Copenhague. Certes, le texte final reconnaît enfin le seuil limite de 2° C. Mais le Brésil, la Chine, l'Inde, l'Afrique du Sud refusent de s'engager tant que les pays industrialisés n'actent pas la réduction de 40 % de leurs propres émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020 et la mise en place d'un fonds vert de 100 milliards de dollars par an. Au sommet de Cancún en 2010, de Rio +20 en 2012, les négociations internationales se poursuivent mais elles ne lèvent pas ces blocages. Le bilan de ces négociations internationales s'apparente à un double recul. En premier lieu, la renonciation à des engagements contraignants, y compris pour les pays industrialisés. Depuis Cancún en 2010, la terminologie officielle n'est plus des engagements des états mais des contributions. Pour la COP 21 à Paris, par exemple, chaque pays remet librement sa proposition de contribution nationale, c'est-à -dire de baisse ou de limitation des gaz à effet de serre sur son territoire. Deuxième recul, l'écart croissant entre les données scientifiques toujours plus précises du GIEC et l'affaiblissement de la négociation internationale. Comment en sommes-nous arrivés à une telle situation? Pourquoi un tel blocage dans les négociations? En fait, cette distorsion croissante entre la science et la diplomatie a des fondements très profonds. En premier lieu, nos modèles politiques, économiques et diplomatiques sont fondés sur un modèle de développement quantitatif. L'efficacité d'un pays se mesure aujourd'hui à l'aune de son PIB, c'est-à -dire la somme des valeurs ajoutées. Donc, un indicateur qui ne prend pas en compte l'état de l'environnement. Dès la négociation du protocole de Kyoto en 1997, les États-Unis ont refusé de remettre en question ce modèle de croissance. En filigrane ils sous-entendaient que la réduction des émissions de gaz à effet de serre était incompatible avec la croissance. C'est ce qui conduira George Bush à dénoncer le protocole de Kyoto en 2001. À sa suite, plusieurs pays, le Canada, le Japon, l'Australie renonceront également. Dans la même logique, les pays en voie de développement restent très attachés à ce que la lutte contre la pauvreté demeure la première priorité des négociations internationales. Et ils craignent un protectionnisme vert, c'est-à -dire ils craignent qu'au nom de l'écologie, l'aide au développement ne soit réduite. Le climat est donc l'otage d'un modèle de développement daté. Deuxième source de blocage, les négociations buttent depuis Rio sur le principe de responsabilité commune mais différenciée. Les pays en voie de développement considèrent que tout engagement de leur part limiterait leur croissance et leur développement. Aussi demandent-ils aux pays développés, jugés responsables de cette accumulation de gaz à effet de serre et donc du réchauffement climatique d'en compenser les effets. D'une part, par la création d'un fonds vert de 100 milliards de dollars, et d'autre part, en exigeant un transfert gratuit des technologies. À l'inverse, les pays développés ne reconnaissent pas à certains pays et notamment à la Chine qui est le premier émetteur mondial de gaz à effet de serre ce statut de pays en voie de développement. Les négociations internationales sont donc l'otage d'un rapport de force entre la première et la deuxième économie mondiale. Troisième source de blocage, les procédures. Les procédures de la négociation internationale sont peu adaptées à cette forme de négociation. Le climat peut être considéré comme un bien public mondial. C'est un bien inappropriable qui bénéficie à tous et qui justifie donc d'une action collective internationale. Il est parfaitement légitime que la négociation ait lieu sous l'égide des Nations Unies. Pour autant, la diplomatie environnementale est caractérisée par sa très grande faiblesse. Il n'existe pas d'organisation mondiale de l'environnement comme l'OMC. L'environnement est éclaté entre plus de 200 conventions multilatérales. Par ailleurs, le principe des Nations Unies est celui de l'unanimité et de la liberté de parole. Mais cet excès de procédures démocratiques devient ici un facteur de blocage. Alors il existe quand même des facteurs d'espoir. En premier lieu, il convient de rappeler que la négociation internationale a su relever des défis majeurs. En 1987, le protocole de Montréal a abouti à un accord majeur pour la protection de la couche d'ozone. En 2010, les principes de la protection des ressources génétiques issues de la biodiversité, un enjeu économique central, ont été actés à Nagoya. Les Nations Unies ne sont donc pas condamnées à l'échec. Deuxième source d'espoir, les blocs d'opposition ne sont pas homogènes. Un nombre croissant de pays cherchent un accord. Comme nous l'avons vu, les pays les plus arides, les états insulaires seront les plus affectés par ces changements climatiques. Donc les pays les moins avancés et les AOSIS, c'est-à -dire l'alliance des petits pays insulaires, souhaitent un accord. Quant aux États-Unis et à la Chine, ils sont très sensibles au potentiel de croissance de l'économie verte, ce qui les a conduits à prendre des engagements chiffrés, même s'ils sont encore insuffisants. Enfin, l'Union européenne, la première à s'être engagée dès 1989, à un rôle crucial à jouer, tout particulièrement en lien avec son grand voisin l'Afrique. En conclusion, malgré les difficultés claires que nous avons mises en lumière il y a tout de même des voies d'espoir pour que la négociation climatique aboutisse à des changements très profonds. Je vous remercie de votre attention. [AUDIO_VIDE]