[MUSIQUE] [MUSIQUE] Bonjour, je suis Denis Hauw, je suis professeur de psychologie du sport à l'Institut des sciences du sport de l'Université de Lausanne. Je travaille notamment sur la psychologie et le dopage, travail de recherche que je mène depuis environ une dizaine d'années, et puis ces recherches ont des applications pratiques, ont eu des applications pratiques, puisque pendant quelques années, avant d'arriver à Lausanne, j'étais le président de l'association qui gérait le numéro vert Écoute dopage, en France. >> Bien, Denis, alors pour introduire la discussion, est-ce que tu peux nous dire comment la psychologie documente les questions de dopage dans le sport? >> Alors, je dirais que les questions de dopage ont intéressé les chercheurs >> et, plus généralement, la psychologie du sport depuis environ 25 ans. Donc il y a eu une production de connaissances relativement importante et paradoxalement, ces connaissances restent assez mal connues et puis, de mon point de vue, assez peu utilisées. Il y a sans doute des raisons à cela. >> Quand tu dis peu utilisées, c'est dans les fédérations, dans le milieu sportif. >> Par exemple, voilà . Et puis peut-être en interaction avec d'autres approches scientifiques. Alors, donc je ne peux pas citer toutes les raisons, mais je pense qu'on peut peut-être cibler quelques phénomènes importants par rapport à ça. D'abord, l'idée que le dopage c'est peut-être majoritairement une question médicale et on s'est plus vite intéressé aux relations entre les effets des substances sur le corps, et puis le corps comme un outil, et puis en oubliant un peu que le corps sans psyché, ce n'était pas encore humain, voilà . Et puis, peut-être aussi parce que la définition du dopage qu'on utilise, c'est une définition qui est celle de l'Agence mondiale, c'est-à -dire qui est plutôt associée à l'idée d'une violation d'une règle. Et donc, du coup, le portrait psychologique du sportif dopé est quasiment immédiat. C'est celui d'un tricheur par rapport à la règle, par rapport à la norme, c'est celui peut-être aussi d'un calculateur sachant détourner les règles ou les utiliser à son profit, et puis c'est aussi sans doute celui d'une personne sans vergogne, sans morale, qui est capable d'utiliser ces substances pour arriver à ses fins, pour arriver vers les sommets et puis pour obtenir les gains associés. Du coup, je pense que les portraits médiatisés d'Armstrong, de Marion Jones vont bien dans ce cadre-là . Et puis du coup, on a l'impression que ça suffit pour définir ce que c'est qu'un portrait psychologique d'un sportif dopé. Et bien évidemment et heureusement, les recherches en psychologie ont bien montré que c'était bien plus complexe que ça, qu'il y avait beaucoup de nuances à apporter à ces Tableaux psychologiques. Donc du coup, je pense que la psychologie apporte une connaissance détaillée des profil types des sportifs qui peuvent ce doper. Elle apporte aussi une connaissance détaillée des mécanismes mentaux, d'élaboration psychique associés à la prise de substances dopantes. Et puis elle apporte aussi une connaissance détaillée des situations de vulnérabilité dans lesquelles les sportifs peuvent être engagés. Bref, elle fournit, je pense, un guide de lecture relations précis des interactions entre les individus et les substances aux différentes étapes et aux différents âges d'une carrière sportive. Et puis peut-être que je pourrais ajouter, en association avec ce que j'ai dit au début, que les recherches en psychologie du dopage permettent aussi de documenter et d'élaborer tout un ensemble de stratégies ou de procédures de prévention, fondées justement sur la compréhension de ces mécanismes psychologiques. >> Tu parles de portrait psychologique de ces sportifs dopés, est-ce que tu pourrais nous en dire un petit peu plus et notamment les caractéristiques de ces profils psychologiques? >> Alors, sur ces questions de profils psychologiques, il y a deux approches qui se sont développées. Il y a une approche plutôt psychologie de la personnalité et puis une approche psychopathologique plutôt centrée sur l'image du corps. Alors, les recherches sur la psychologie de la personnalité ont été, on pourrait dire, principalement menées avec les bodybuilders, mais il y a aussi d'autres recherches. Je vais peut-être commencer par celles qui ont été menées avec les bodybuilders, parce que finalement, c'est sans doute les plus simples à faire, parce qu'eux acceptent plus facilement de dire qu'ils ont pris des substances dopantes. Alors, ces recherches-là sont assez classiques. Elles comparent, en fait, des usagers de stéroïdes anabolisants avec des personnes qui n'utilisent pas ces substances-là . Et puis, donc ces profils qui ont été identifiés montrent que, par exemple, les consommateurs de stéroïdes ont plutôt un niveau plus élevé de narcissisme pathologique, c'est-à -dire une incapacité à maintenir un sentiment de soi positif, un sentiment de soi élevé. Donc plutôt un narcissisme pathologique plus élevé que ceux qui ne consomment pas, et puis de l'autre côté, un faible niveau d'empathie, c'est-à -dire finalement, une incapacité à se mettre à la place des autres, à comprendre que les autres, du regard que les autres portent sur eux, en fait, c'est ça qu'il y a derrière cette idée-là . Il y a d'autres recherches qui ont montré d'autres caractéristiques psychologiques, notamment des préoccupations sur le corps et sur ses formes, le poids, la forme, le volume etc., et puis aussi des recherches qui montrent que ces sportifs-là , ces bodybuilders, sont plutôt perfectionnistes, mais de toute façon, je dirais obsessionnels. Voilà , bon, il y a d'autres recherches qui montrent aussi que ces sportifs, ces bodybuilders, ont tendance à la dépression, donc plutôt à l'anxiété, donc on a un portrait psychologique de gens de personnes plutôt en difficulté finalement, par rapport à ça, mais aussi centrés sur eux-mêmes. Alors, il y a d'autres recherches qui ont été menées dans d'autres activités sportives, notamment chez les jeunes footballeurs américains. Ces recherches-là sont intéressantes. Alors, quand je dis jeunes footballeurs américains, en fait, c'est des universitaires, pas des sportifs professionnels, mais le cran juste avant. Ces recherches sont intéressantes parce qu'elles ont essayé de comparer ceux qui étaient enclins à utiliser des substances dopantes, qui accepteraient de prendre des stéroïdes anabolisants ou qui en prenaient, et puis avec ceux qui disaient je ne veux pas en prendre. Ce qui est intéressant, c'est de voir qu'il y avait beaucoup de choses qui étaient semblables dans ces deux groupes-là . Par exemple, il n'y avait pas de différence sur le plan des statuts économiques, pas de différence sur le plan des résultats académiques, sur des données staturopondérales. Il n'y avait pas de différence non plus sur la connaissance des effets négatifs de ces stéroïdes anabolisants sur la santé, par exemple. Il n'y avait pas non plus de différence sur la connaissance, on pourrait dire, des méthodes d'entraînement pour arriver à des fins de performance, sur les façons de se nourrir. Il n'y avait pas de différence non plus sur la perception de la prévalence de l'usage de ces substances-là . Par contre, il y avait des différences, d'autres différences et ces différences tenaient dans quelques points. D'abord, ces sportifs-là étaient plus enclins à consommer de l'alcool et du cannabis. Ensuite, ces sportifs-là étaient plus agressifs et plus impulsifs. Donc ces sportifs qui étaient plus enclins à consommer, ils avaient une attitude plus centrée sur le gain à tout prix, à la recherche de la performance à tout prix, un petit peu celle qu'on a évoquée tout à l'heure. Et puis deux éléments clés, je pense, dans ce portrait psychologique, c'est malgré les caractéristiques physiques identiques, ils étaient vraiment moins satisfaits de leur image corporelle. Et puis, ils avaient une moins bonne habilité, ça se mesure, à résister aux offres de consommation venant d'une personne extérieure. Voilà , alors il y a d'autres recherches qui ont été menées sur, cette fois-ci, d'autres substances et puis qui sont connectées à d'autres profils de personnalité. Il y a un profil de personnalité qui est bien identifié aussi dans la consommation de substances, c'est celui qu'on caractérise comme la recherche de sensations. Alors ça, c'est intéressant, parce qu'on considère que les personnes qui sont plutôt sur ce type de personnalité s'orientent vers des sports dits à risque, donc des sports qui amènent des sensations, et sont aussi ces personnes-là qui ont des prédispositions entre guillemets à utiliser des substances d'amélioration de la performance, telles que les stéroïdes, mais aussi des substances telles que des psychostimulants. >> Donc là , c'est des études qui sont plus dans le football américain. >> Voilà . >> C'est sur d'autres >> sports. >> Voilà , ça touche d'autres sports, des sports à sensations tels que le parachutisme ou des choses comme ça, ou les sports extrêmes, en fait. C'est quand même intéressant, parce que du coup, le spectre s'élargit sur ces profils et on n'est plus seulement que sur la consommation de stéroïdes et seulement sur les bodybuilders. Bon, du coup, ce qui est intéressant sur ces substances psychoactives, c'est que non seulement ces sportifs-là sont intéressés par les sports qui génèrent les sensations, ils sont plus prompts à les associer à l'usage de substances psychoactives et sont également plus prompts à utiliser des substances psychoactives à l'arrêt de ces pratiques sportives. Voilà . Donc, il y a une espèce de mécanisme d'association entre ces différentes pratiques sportives, qui tient finalement dans ce profil de personnalité-là . >> Donc, ils continuent, ils arrêtent le sport, et puis, ils restent à peu près sur le même type de produits ou le même type de consommation. >> Voilà , alors, bon, on ne peut pas parler parce qu'il y a d'autres recherches qui montrent aussi les évolutions dans les consommations. Mais, globalement, là , il y a une espèce de filiation dans l'idée de rechercher des sensations, quoi, voilà . Donc, les produits sont à la fois des outils qui permettent d'aller plus loin dans les sensations, et puis aussi de les retrouver quand on ne peut pas les obtenir par la pratique sportive. Voilà . >> Est-ce que ces produits vont accroître la sensation >> Voilà . >> corporelle? >> Accentuer les sensations, accentuer les effets de perte de contrôle, >> qui sont très intéressantes et recherchées par ces personnes-là dans ses pratiques sportives. Enfin, je dirais sur ces recherches en psychologie de la personnalité, il y a aussi, il a été aussi identifié des troubles d'hyperactivité avec déficit attentionnel, donc là , la substance a un autre effet, elle a plutôt un effet de permettre une meilleure focalisation. Voilà . Bon. On peut dire que tous ces profils de personnalité prédisposent l'individu finalement à certaines pratiques et à l'usage de certaines substances. Alors, ça, c'est ce qui concerne les recherches sur la personnalité et puis, il y a effectivement un autre groupe de recherches que j'évoquais tout à l'heure, qu'on caractérise dans le domaine de la psychopathologie. Alors là , ces recherches-là , elles rentrent dans une autre, on pourrait dire dans une autre logique théorique et puis, dans d'autres postulats théoriques. Alors, le postulat théorique, c'est de dire que ces personnes, qui utilisent des substances, sont dans une, alors, je vais dire un gros mot, sont dans une, fantasmique, fantasmatique, pardon, corporelle inconsciente. Ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'en fait, ce qui les anime, c'est ce qu'on appelle l'image du corps. Alors, cette image du corps, dans une perspective psychopathologique, il faut pas l'entendre comme dans le sens commun, c'est-à -dire le reflet pur de l'image de soi. En fait, brièvement, si je reprends les postulats un peu théoriques, qui sous-tendent cette réflexion-là , c'est de dire que l'enfant va faire l'expérience, notamment avec le miroir, d'une certaine unité identitaire, par l'image qu'il va percevoir, ce qu'on appelle l'image spéculaire. Voilà . Et cette image spéculaire, c'est le reflet de lui comme une unité, comme une identité. Et puis, au fur et à mesure de son développement, bah, l'enfant va constater qu'il y a un décalage entre cette image unitaire qu'il avait de lui, et toutes les sensations, toutes les émotions qu'il va expérimenter au cours de son développement. Et du coup, il va y avoir non pas une unité de cette image, mais en permanence, des espèces de décalages qui vont exister, des perturbations qui vont exister entre cette image de soi comme unité, et puis, ce qu'il va percevoir de lui, de ce que les autres vont lui donner à percevoir de lui-même. Donc, on va avoir une organisation de l'activité du sujet qui est une organisation qui va viser à préserver, à la fois, son unité identitaire, et préserver cette image du paraître. Donc, on a des conflits, on dit psychiques entre l'être et le paraître. Alors, ce qui est intéressant lorsqu'on réfléchit à ces conflits entre l'être et le paraître, c'est de dire qu'il y a certaines périodes de la vie, où ces conflits touchent plus particulièrement les individus. Alors, on a observé avec, notamment avec l'analyse des appels à Écoute Dopage, dont j'ai parlé tout à l'heure, certains, on pourrait dire, profils typiques, psychologiques, pathologiques associés à ces, on pourrait dire, tensions dans ces images corporelles, par exemple, c'est notamment à l'adolescence. Alors, on pourrait dire que les tensions peuvent être existantes entre les images symboliques nominatives. Par exemple, les adolescents se caractérisent entre eux comme le gros, le petit gros, le squelette, la boule, le garçon manqué, donc, toutes ces images nominatives associées à l'identité, on pourrait dire, choquent, rentrent en choc avec cette image identitaire de l'individu, cette image inconsciente de l'individu qu'il a de lui-même, et ce choc-là est susceptible de générer des pratiques de renforcement musculaire, mais qui sont des pratiques de renforcement identitaire. Voilà . Et ces pratiques de renforcement musculaire qui sont des pratiques de renforcement identitaire, sont aussi associées à l'utilisation de substances, parce qu'elles, finalement, elles maximisent le renforcement musculaire. Donc, la cuirasse musculaire avec l'usage de substances, contribue aussi au renforcement identitaire. Et justement à l'adolescent avec la transformation corporelle, avec les effets de la puberté, les adolescents sont soumis à des pulsions, alors, qu'ils vont avoir plus ou moins de difficultés à gérer. Et on a identifié 2 types, finalement, de réaction à ces pulsions-là . Peut-être un premier type lié au contrôle, contrôle de son image, contrôle de son corps, c'est l'exemple des adolescents qui vont dans les salles de musculation et qui façonnent leur corps pour mieux le contrôler. Mais, en contrôlant mieux leur corps, ils contrôlent mieux leur identité. C'est par exemple, passer du temps devant la glace, le miroir, mais quand on passe du temps devant la glace, le miroir, c'est pour mieux façonner son corps, c'est pour mieux lui donner une structure solide, et donc, pour mieux solidifier son identité. Et puis, il y a une autre façon de faire face à ces tensions, c'est celle qui consiste à dépenser son corps, l'épuiser, aller au-delà de ses limites, donc rechercher toujours plus loin, sans limite, ce qu'on peut faire avec son corps. Et là encore, c'est l'intensification des pratiques d'entraînements, c'est l'intensification des volumes d'entraînements, mais c'est aussi l'utilisation de certaines substances qui sont associées à cela. Alors, on sait bien que les adolescents, d'un point de vue pathologique, souffrent de dysmorphophobie, que j'ai évoquée tout à l'heure, ils sont trop maigres, ils sont trop gros, ils sont trop petits, etc., et donc, ces tensions-là sont susceptibles de générer l'utilisation de substances, pour finalement réduire les tensions, quoi. Le complexe d'Adonis, décrit par Pope, qui est un complexe de dysmorphie musculaire, touche les adolescents mais touche aussi les adultes plus tard dans leur pratique sportive, mais notamment ceux qui vont dans les salles de fitness pour s'embellir. >> Ces psychopathologies, on pourrait dire, que ça entraîne la suractivité, le dopage, avec des consommations d'un certain nombre de produits, on pourrait dire aussi puisque c'est la période de l'adolescence que quand on a des pathologies ou des conduites à risque comme l'anorexie, on se retrouve un peu dans les mêmes >> mécanismes que sur le dopage. >> Tout à fait, tout à fait. Ce sont des mécanismes relativement comparables. Parce qu'ils reposent sur cette fameuse image du corps. D'accord. Et peut-être pour conclure sur cette partie psychopathologique, cette fameuse image du corps, en fait, elle piège l'individu, dans un narcissisme, et ce narcissisme dans lequel il nous amène à toujours chercher plus loin. Et puis, elle piège l'individu dans cette image du corps, et cette image du corps telle que Schilder l'a bien définie, c'est-à -dire sa dimension biologique, sa dimension sociale, du paraître, et puis sa dimension énergétique ou libidinale qui provient de l'expérience infantile et émotionnelle de tout ce qu'on a construit au cours de la carrière de l'individu. >> Donc, on voit effectivement que ces profils peuvent varier et qu'une consommation importante de substances peut être possible pour les différentes personnes, les différents pratiquants, voire même dans certains cas, banalisée, >> et ces sportifs prennent des risques, objectivement, est-ce que la psychologie s'est penchée sur ces risques? >> Alors, oui. Elle s'est penchée principalement sur le risque addictif. C'est-à -dire qu'effectivement il y a des risques sanitaires, bien connus, parfois controversés, bien sûr, mais la psychologie s'est posée la question de savoir, comment les personnes gardaient le contrôle, en fait, de leur consommation. Donc, c'est en ces termes de risque addictif, qu'elle a essayé de faire avancer un peu les connaissances. Alors, le principe de ces risques addictifs, c'est de chercher des circuits finalement neurologiques qui conduisent le sujet à force d'usage ou à force de pratiques, d'associer finalement une satisfaction ou une rétroaction positive, de telle façon qu'au bout d'un moment l'envie dépasse le contrôle de l'individu et qu'il puisse petit à petit, enfin, qu'il soit petit à petit en situation de construction d'une dépendance. Donc, voilà . Donc, sur cette logique-là , plusieurs recherches ont indiqué qu'il y avait des risques addictifs, sur la consommation de certaines substances, même si bien évidemment, il y a des controverses. Alors, ces risques addictifs existent sur les stéroïdes anabolisants, au même titre que sur les substances psychoactives plus classiques et sur lesquelles finalement tout le monde est assez d'accord. Alors, c'est plus surprenant sur les stéroïdes anabolisants, et il y a effectivement des controverses là -dessus. Par exemple, Copeland, sur un groupe de 100 bodybuilders, a identifié seulement, entre guillemets, seulement, 25 % des consommateurs dépendants. Voilà . Donc, et puis, d'autres disent que ce n'est qu'une minorité, donc, bref, il y a encore beaucoup à faire dans cette direction sur cette relation risque- usage de substance. De façon générale, on considère qu'il y a 3 types de relations entre la consommation de substances et l'addiction. Une première relation qui est du type le potentiel addictif, en fait, des substances, ce que je viens d'évoquer, donc, bien évidemment les amphétamines, la cocaïne, sont des substances qui ont un potentiel addictif plus important que d'autres substances, bref, on peut faire des gradiations à ce niveau-là . Voilà , donc cela c'est le premier type de relation. La deuxième relation, qui a été sans doute la plus étudiée en psychologie, c'est celle d'une vulnérabilité associée à la pratique sportive intense. Alors, cela c'est très intéressant, parce que cela montre, le principe du raisonnement de ces recherches-là , c'est de dire que la pratique sportive, c'est une pratique qui génère du stress. L'entraînement, c'est un stress. On génère un stress sur l'organisme, et qui est un stress physiologique et puis aussi psychologique. Et ce stress psychologique génère, a pour but finalement de générer une adaptation dans l'organisme. Et puis, ces recherches montrent que quand on génère ce stress chez des enfants jeunes, et qu'on le génère de façon très intense, eh bien on crée un circuit de dépendance, qui lie finalement cette adaptation au stress à certaines rétroactions de plaisir. Voilà . Et donc, du coup, le sujet se trouve dans une situation où le stress, quand le stress n'est plus là , eh bien il y a un manque. Voilà . Et on crée ce qu'on appelle une certaine dépendance au stress. Donc, on crée, du coup, une certaine vulnérabilité. On se rend compte que cet entraînement intense précoce a généré une vulnérabilité des sportifs, parce qu'on constate que quand ces sportifs ne sont pas en situation où ils ont, où ils ressentent cet engagement, ce stress, etc., eh bien ils ont recours à des substances qui leur permettent de simuler cet, eh bien cet engagement extrême. Voilà , cet engagement extrême. Donc, par exemple lors de l'arrêt de carrière, on trouve des sportifs qui utilisent le pot belge. Ou qui utilisent de l'alcool, ou qui utilisent des stimulants. Bref, on peut utiliser un large éventail de substances qui permettent de répondre à ce besoin de stimulation. Et là , ce qui est intéressant c'est que, finalement, la substance, elle permet à l'individu, notamment à la fin de carrière, de préserver ce qu'il est. C'est-à -dire quelqu'un qui vit dans le stress permanent, le stress de l'entraînement, le stress de la pratique. Et la substance est un substitut finalement, pour ne pas mourir. >> Tu nous dis qu'apprendre le risque durant la carrière, cela conduit aussi >> à poursuivre le risque après, au moment de l'arrêt. >> Voilà , exactement. Exactement, et c'est inhérent à la pratique sportive intense, et en fait c'est surtout inhérent à une pratique sportive intense précoce. Parce que du coup, il y a, si vous voulez, on peut dire l'idée d'une assimilation, d'une internalisation de cette pratique, qui est sous un registre plutôt automatique. Avec moins de ressources pour mieux l'assimiler, mieux le comprendre, mieux faire face, et prendre un peu de distance par rapport aux choses. Et donc, du coup, on crée de la vulnérabilité. Et puis, il y a, je pense qu'il y a des choses très intéressantes. Parce qu'on a un peu tendance à penser que la pratique de substances post-carrière est une pratique de substances qui s'est, qui, qui s'est construite au cours de la carrière. Alors oui, dans cette façon-là . C'est-à -dire sur l'idée que c'est le stress qui génère une dépendance. Mais il y a aussi l'étude de Lowenstein qui est très intéressante par rapport à cela, par rapport au suivi de sportifs dépendants post-carrière, dépendants de substances. Eh bien, il montre que sur ces sportifs dépendants post-carrière, 16 % seulement consommaient des substances au cours de leur carrière. Ont déclaré au moins, consommer des substances au cours de leur carrière. Ce qui finalement ne permet pas de tenir l'hypothèse d'un glissement de cette pharmaco-assistance vers une pharmacodépendance. Il y a vraiment deux éléments ici différents, quoi. Enfin, le troisième risque addictif qu'on voit avec la pratique sportive et la consommation de substance, eh bien c'est un risque qu'on ne peut pas contrôler. C'est le risque des aléas de la pratique sportive. C'est-à -dire qu'on sait très bien qu'une pratique sportive, c'est une pratique de haut niveau dont je parle. C'est une pratique sportive dans laquelle de nombreuses circonstances improbables arrivent, et on peut dire aussi que la rencontre avec le dopage, c'est aussi une rencontre avec des choses imprédictibles. Et ces choses imprédictibles sont surtout associées au fait que dans ces pratiques sportives intenses ou de haut niveau, les sportifs s'impliquent beaucoup. Voilà . Donc, du coup, il y a une richesse de circonstances et de vie qui est rencontrée. Et bien évidemment, c'est très difficile d'anticiper les effets néfastes de ces rencontres. Voilà . >> Merci, Denis. [MUSIQUE] [MUSIQUE]