[MUSIQUE] [MUSIQUE] Prenez une classe d'élèves de l'école primaire genevoise. Amenez les élèves au jardin botanique par exemple ici et demandez aux élèves d'identifier et nommer les dizaines de variétés de plantes et d'arbres qui sont ici au jardin botanique. D'une manière générale, les élèves vont peut-être arriver à nommer trois, quatre variétés, mais pas plus. Évidemment, ces élèves en général savent lire et ils vont très rapidement lire les pancartes qui se trouvent dans le jardin botanique pour identifier toute cette variété de plantes. Et même s'il n'y avait pas de pancarte, avec une application sur leur smartphone, ils vont prendre une photo de la plante et ils vont trouver tout de suite le nom. Donc voilà le contexte d'une société très scolarisée où en fait, on a de plus en plus un savoir, une connaissance sur les plantes, mais pas d'expérience réelle avec ces plantes et on est incapable de naviguer si on n'avait pas de la technologie ou de la littératie pour pouvoir naviguer dans ce monde. Par contraste, j'aimerais vous amener dans l'environnement d'un peuple autochtone en Afrique, en Amérique latine ou en Asie. Les enfants et les jeunes des peuples autochtones sont en général capables d'identifier des dizaines de plantes, des variétés d'insectes, des arbres. Et non seulement ils connaissent beaucoup plus leur milieu naturel que nos enfants et en plus ils ont une connaissance réelle, quotidienne. Ils savent quelle plante est dangereuse, quelle plante permet d'aider à pêcher des poissons, quelle plante permet de soigner une blessure ou une piqûre d'insecte. Ce que je veux dire par ce contraste que je partage avec vous, bien sûr qu'on valorise les connaissances et les savoirs de nos enfants, mais d'un autre côté, l'objectif de ce cours est de vous amener qu'il y a d'autres savoirs, il y a des savoirs chez les peuples indigènes autochtones qu'il est intéressant de découvrir. Justement, l'objectif de cette séquence, c'est aussi vous amener à clarifier un certain nombre de concepts qu'on utilise quand on parle de savoir autochtone. On peut parler de savoir traditionnel, on peut parler de savoir indigène, on peut parler de savoir autochtone, on peut parler aussi de savoir endogène. Cette variété de termes nous incite à vous expliquer les avantages et les inconvénients de tous ces termes que je viens d'utiliser. Tout d'abord le terme savoir traditionnel. Il ne faut pas oublier que le terme tradition a une connotation négative en général. Pourquoi? Parce que la tradition est en général considérée comme quelque chose qui est destiné à disparaître. La tradition, c'est quelque chose qui s'oppose à la modernité. Donc quand on utilise le terme savoir traditionnel, on est un petit peu emprisonné dans cette dualité tradition-modernité. Le deuxième terme, c'est le terme savoir indigène. Le terme indigène vient du latin qui veut dire celui qui vient du lieu. Alors, le terme indigène a une connotation très différente si vous passez de l'Afrique, l'Amérique latine et l'Asie. En Afrique, le terme indigène a une connotation négative. Pourquoi? Parce que durant la colonisation, les personnes qui étaient qualifiées d'indigènes avaient le statut de citoyen ou d'habitant de seconde zone. En particulier sous la colonisation belge, française ou anglaise, les indigènes étaient assignés à du travail forcé. Donc le terme indigène en Afrique, c'est un terme qui a une connotation très négative. Au contraire, en Amérique latine, les indigènes ont une revendication politique pour valoriser le terme indigène. Même si dans le langage hispanophone courant, traiter quelqu'un d'indigène comme dans un pays comme le Pérou, la Bolivie, cela peut être considéré comme une insulte, d'un point de vue politique actuellement, les indigènes en partant du Mexique au Chili sont dans une période de fierté et donc le terme savoir indigène en Amérique latine n'a plus la même connotation en Afrique. En Asie, le terme indigène est aussi assez valorisé. Par exemple, il y a tout un courant de la psychologie en Inde ou aux Philippines qui s'intitule indigénisation de la psychologie en Inde et aux Philippines. Donc si vous voulez, le terme indigène est un terme à utiliser avec beaucoup de précautions parce qu'il peut avoir une connotation qui est très différente en passant d'un continent à l'autre. Maintenant passons au terme savoir autochtone, et c'est un peu le terme que dans ce cours on utilise le plus. Pourquoi savoir autochtone? Le terme savoir autochtone a été consacré par l'UNESCO. L'UNESCO reconnaît l'existence des peuples autochtones. Les peuples autochtones pour l'UNESCO, ce sont les peuples qui n'ont pas migré. Ce sont les peuples qui sont détenteurs des droits ancestraux sur une terre. Et donc l'UNESCO utilise le terme autochtone, parfois l'UNESCO utilise le terme savoir local. Le terme savoir autochtone ou local, c'est un terme qui signifie que certains peuples ont pu survivre pendant des milliers d'années dans leur environnement en utilisant leur savoir local et autochtone. Le dernier terme assez peu connu que j'aimerais vous expliquer, c'est le terme savoir endogène. Quand on utilise le terme savoir endogène, c'est souvent parce qu'on veut le contraster avec quelque chose d'exogène. Alors, qu'est-ce que cela veut dire endogène? Le terme endogène, cela veut dire c'est quelque chose qui n'est pas importé, qui n'a pas été introduit par importation, par emprunt. Donc quand on parle d'endogène, on utilise un terme un peu alternatif au terme indigène. Et en Afrique, le terme endogène est assez utilisé pour dire dans certaines cultures africaines, il faut développer le respect pour les savoirs endogènes. Alors peut-être une critique pour le savoir endogène, on sait que dans l'histoire de l'humanité, les emprunts, l'hybridité, c'est la règle. Autrement dit dans un contexte donné, un savoir peut être exogène à un moment donné, mais il peut devenir endogène très vite parce qu'en fait, c'est l'être humain par sa capacité d'emprunter, par sa capacité d'articuler des savoirs de différentes origines qui va produire un savoir original. Prenez un exemple tout à fait anecdotique. Qu'est-ce qui est plus italien que de la tomate? Imaginez deux minutes que la tomate existe depuis relativement peu en Italie, mais la tomate, c'est un emprunt qui vient d'Amérique du sud. Ce que je veux dire par là , il faut qu'on manipule tous ces termes avec beaucoup de prudence. Donc, c'est ce que j'aimerais vous dire en conclusion, c'est important d'identifier la connotation de ces termes, mais en temps que spécialiste de l'éducation et de la pédagogie, n'oubliez pas la question de l'hybridité, n'oubliez pas que tous les savoirs circulent et que les savoirs peuvent être de différentes sources, toutes les sources du savoir sont légitimes et il est important qu'on puisse articuler les savoirs endogènes, les savoirs autochtones, les savoirs indigènes avec aussi les savoirs scientifiques, les savoirs scolaires parce qu'en fait, l'objectif de toute cette articulation, c'est trouver des solutions aux problèmes sociaux, économiques et environnementaux que nous connaissons actuellement. [MUSIQUE] [MUSIQUE]