[MUSIQUE] [MUSIQUE] [MUSIQUE] Les premières écoles en Afrique datent du XIXe siècle. Toutefois, quand je discute actuellement avec les parents en Afrique, ils utilisent toujours l'expression école du gouvernement, école des blancs, et ils utilisent rarement l'expression notre école. Qu'est-ce qui fait que le processus de scolarisation en Afrique demeure quelque chose qui n'est pas ancré, qui n'est pas objet d'appropriation de la part des communautés? C'est ce que je vais essayer de vous expliquer dans cette séquence. En principe, pour comprendre ce qui se passe autour de la scolarisation en Afrique, il faut examiner trois périodes : la période coloniale, la période postcoloniale ou des indépendances, et la période actuelle. Quelques mots sur la période coloniale. Est-ce que les Africains avaient accès à l'école? Oui, mais il s'agissait d'une minorité. Au mieux, au moment de la fin des colonisations, 10 % des enfants africains étaient scolarisés. L'école coloniale était réservée à une élite, à certains groupe ethniques, et les personnes qui sortaient de l'école coloniale étaient considérées comme des auxiliaires des pouvoirs coloniaux. L'éducation traditionnelle ou coranique était largement marginalisée. Maintenant, qu'est-ce qui s'est passé au moment des indépendances, la fin de la colonisation? On peut dire que les indépendances marquent une certaine continuité et une petite rupture par rapport à l'école coloniale. On va dire : pourquoi la continuité? Parce que dans la plupart des pays d'Afrique, la langue d'instruction est restée celle de l'école coloniale. Cependant, il y a eu quelques changements, notamment au niveau du curriculum. Les curricula ont été adaptés aux réalités africaines, et il y a eu un engouement pour l'école des indépendances. Il y a eu une croissance exponentielle du nombre d'enfants qui étaient scolarisés dans les années 60, 70 et 80. Si on examine la situation actuelle, elle est marquée par plusieurs défis. Tout d'abord, l'état des infrastructures scolaires en Afrique est vraiment très précaire. Dans de nombreux pays, les classes en dur sont une minorité en zones rurales. Beaucoup d'enfants au Mali, au Tchad, au Burkina Faso, apprennent sous des huttes au XXIe siècle. Au niveau de l'infrastructure, c'est vraiment un défi de taille, mais pas seulement. Il y a aussi des défis au niveau des inégalités d'accès liées au genre, liées aux lieux de résidence. Les enfants des zones rurales accèdent moins à l'école que les enfants des zones urbaines. Les enfants des familles riches accèdent beaucoup plus facilement à l'école que les enfants pauvres. Mais peut-être le défi le plus important de l'école actuelle en Afrique c'est qu'on a eu plus de scolarisation et moins d'apprentissage. Ça mérite quelques explications. La plupart du temps dans le monde, en Europe, en Asie, en Amérique latine, quand on a eu plus d'enfants à l'école, on a eu moins d'analphabétisme. C'est-à-dire, la scolarisation a permis de diminuer l'analphabétisme. Malheureusement, en Afrique, malgré les progrès de la scolarisation, les enfants peuvent passer cinq ou six ans à l'école sans apprendre. C'est pour ça qu'on parle même d'une crise d'apprentissage. Autrement dit, si vous voulez comprendre pourquoi l'école reste une institution pas ancrée dans les cultures et les pays africains, il faudrait comprendre ce qui s'est passé à l'école à l'époque coloniale, postcoloniale, et actuelle. À partir de ce constat de la crise de la scolarisation en Afrique, qu'est-ce qu'on peut faire? Jusqu'à maintenant, les solutions expérimentées étaient liées à la coopération internationale. On tente d'importer en Afrique des solutions qui ont fait leurs preuves ailleurs, par exemple, l'approche par compétence, qui consiste à réformer les manuels scolaires pour les rendre centrés sur des situations d'apprentissage contextualisées dans le milieu africain. Des organisations comme la Banque mondiale, l'UNICEF et d'autres travaillent pour améliorer l'éducation. Je ne suis pas en train de dire que ce travail est inefficace. Cependant, je pense que le travail de la coopération internationale peut être amélioré et complété par un travail sur l'indigénisation, la contextualisation et l'africanisation de la pédagogie et de l'éducation. Tant qu'on essaie d'expérimenter uniquement des solutions exogènes, sans les ancrer dans le contexte africain, il y a peu de chances d'améliorer les résultats de la scolarisation, comme beaucoup d'études et de recherches l'ont démontré durant les dernières décennies. D'où la nécessité de repenser la scolarisation en Afrique à partir d'un regard africain, à partir de méthodes pédagogiques ancrées dans les langues et les cultures africaines. [MUSIQUE] [MUSIQUE]