[MUSIQUE] Alors, ensuite, une fois qu'on a déterminé quel était le droit applicable, il reste à déterminer comment le litige va être réglé. En d'autres termes, quelles seront les procédures qui vont se mettre en place dans l'hypothèse où un litige survient? Alors, on peut envisager une réflexion en deux temps sur ces clauses de règlement des litiges. D'abord, vous avez ce qu'il se passe avant le litige lui-même, ou en tout cas avant que ce litige ne soit porté devant des juges. C'est la question de savoir si les parties doivent tenter elle-même de se concilier, avant de porter le litige devant une juridiction, quelle qu'elle soit, ou si le cas échéant, elles souhaitent passer par une médiation, ce qui est aussi une possibilité. Alors, ce sont les étapes préalables par lesquelles les parties cherchent à trouver un accord amiable, qui évitera qu'une décision exécutoire soit prise à leur égard. Alors, on peut avoir ce type de clause. Elles sont toujours assez sympathiques à vrai dire, et parfois elles fonctionnent. This Contract shall be governed in accordance with the laws of Switzerland, without reference to its conflicts of law rules. Ça c'était le début de la clause, mais je continue. In the even of a dispute, controversy or claim, a dispute, arising out or in connection with the contract, including any question regarding its existence, validity or termination, the parties shall use their best endeavours to immediately resolve the dispute amicably. Voilà , c'est une magnifique pétition de principe. S'il y a un litige, quel qu'il soit, et bien les parties feront de leur mieux pour trouver un accord amiable. Bon, ça fonctionne mieux qu'on le pense. Après tout, les parties ont tout intérêt à ne pas porter le litige devant une juridiction. Parce que ça coûte cher, parce que c'est imprévisible, parce qu'on finit avec une décision exécutoire qui n'est pas toujours très favorable. Par conséquent, si on peut éviter cela, tant mieux. Sauf que, pour vous dire franchement, c'est pas tellement la peine de le mettre dans le contrat. Parce qu'aucune partie n'a jamais été obligée de saisir un juge. Donc si, au moment où le litige survient, les parties sont effectivement d'accord de discuter raisonnablement, et de trouver un accord amiable, il n'est pas absolument indispensable de le prévoir dans le contrat. C'est une sorte de pétition de principe, une sorte de, comment dire, de règle de savoir-vivre entre les parties. Mais c'est presque insultant pour elles que d'intégrer cette règle de savoir-vivre dans leur contrat. Maintenant, ça peut encore une fois c'est chacune des deux parties à ne pas saisir immédiatement un juge, et à essayer de discuter avant de saisir un juge. On peut alors aller vers un système qui est quand même nettement plus sophistiqué qui consiste à prévoir une médiation, c'est-à -dire pas simplement laisser les parties discuter entre elles et faire de leur mieux, mais faire intervenir un tiers, et un professionnel, dans cette relation juridique, de façon à ce que ce tiers essaie de trouver, d'aider les parties à parvenir à un accord, selon des techniques qui sont maintenant connues et qui sont les techniques de médiation, qui ne sont pas simplement une décision sur la question de savoir qui a tort et qui a raison, ce qui est le processus juridique classique, mais qui est plutôt une démarche tendant à essayer de trouver un point d'accord entre les positions divergentes des deux parties. Donc une démarche assez extra juridique, mais néanmoins aussi assez efficace. Après tout, si on arrive à trouver un accord, c'est toujours pour le plus grand bénéfice des deux parties. Là , s'il s'agit d'une médiation, c'est un peu plus formel. Alors ça vaut la peine de le mettre dans le contrat, notamment pour choisir les modalités de la médiation. Vous avez plein de modalités qui peuvent être choisies. Par exemple, en Suisse, il y a un règlement suisse sur la médiation auquel on peut se référer, qui indique quelles sont les étapes de la médiation et aussi quels sont les coûts de cette médiation. C'est important pour les parties de savoir qu'évidemment un médiateur est un professionnel qui implique un coût parfois assez important aussi. Et donc, vous pouvez avoir ce type de clause. Any dispute arising out or in connection with this contract shall be submitted to mediation in accordance with the mediation rules of the Swiss Chamber of Commercial Mediation. Donc, voilà , les parties ici se réfèrent aux règles suisses en matière de médiation. Et c'est une bonne chose parce que ça règle toute une série de questions sur la procédure de médiation. Bon, en réalité, c'est très intéressant en soi ces mécanismes extrajudiciaires de règlement des litiges. Mais, d'un point de vue purement juridique, il y a une seule vraie question. C'est de savoir si ces clauses-là lient vraiment les parties. Et comment le savoir? Et bien il faut se poser la question de savoir, qu'est-ce qu'il se passe si les parties ne respectent pas les clauses? Si les parties ne respectent pas l'obligation de négocier de bonne foi, ou si les parties décident de ne pas, ou l'une des deux parties décide de ne pas accepter d'aller devant un médiateur. Alors là , il peut y avoir deux solutions. La première solution, c'est de dire, alors dans ce cas-là , puisque les parties n'ont pas respecté cette procédure préalable, le juge saisi doit décliner sa compétence, en disant et bien non, moi je ne suis pas compétent tant que vous n'avez pas essayé de vous concilier, ou tant que vous n'êtes pas passés par une médiation. Il faut que j'ai un document attestant de l'échec des négociations, ou de l'échec de la négociation, pour que je sois compétent. Et donc, cette clause de médiation, ou cette clause de négociations, est un déclinatoire de compétences. Cela contraint le juge à décliner sa compétence tant que cette procédure n'a pas été suivie. Ça c'est une solution qu'on trouve par exemple en France, où les tribunaux français déclinent leur compétence si effectivement il y a dans le contrat une clause de règlement à l'amiable, ou une clause de médiation qui n'a pas été respectée par l'une des deux parties. Et donc, le juge saisi renvoie cette partie au médiateur ou, le cas échéant, à une discussion avec l'autre partie. Bon, c'est une solution qui est juste en soi, parce qu'il faut bien que si ce mécanisme est intégré dans le contrat, il faut bien qu'il soit respecté. Et donc, la sanction juste et légitime de la violation de cette procédure, c'est que le juge saisi doit décliner sa compétence. Maintenant, on voit bien quand même les limites de cette solution. Parce que renvoyer les parties à une négociation à l'amiable, pour vous dire franchement, ça commence mal. Si une partie n'a pas du tout envie de négocier, qu'est-ce qu'elle doit faire? Se mettre autour d'une table, prendre un Coca-Cola et puis attendre que ça se passe. Voilà , c'est comme ça que la négociation va se dérouler si elle ne veut pas négocier. Même chose pour la médiation. Les médiateurs ont souvent beaucoup de talent, mais lorsqu'ils sont confrontés à une partie qui n'a absolument pas l'intention de parvenir à une médiation, et qui attend que ça se passe, ça ne sert à rien. Et donc ça coûte quand même de l'argent aux parties. Et par conséquent, est-il vraiment raisonnable d'imposer aux parties une procédure qui ne servirait à rien ne serait-ce que parce que les parties, ou en tout cas une des deux partie ne souhaite pas négocier ou ne souhaite pas faire l'objet d'une médiation. Les partisans de la médiation vous disent que oui, parce que les médiateurs, avec leur grand talent, réussissent à conduire une partie à la médiation même si initialement elle ne souhaitait pas passer par cette médiation. On peut avoir des doutes quand même. Je pense qu'il faut malgré tout une certaine bonne volonté dès le départ pour qu'on arrive à trouver une solution extrajudiciaire à un litige. Pour le moment, le tribunal fédéral suisse, sensible quand même à cette difficulté d'obliger quelqu'un à négocier ou d'obliger quelqu'un à passer par une médiation alors que cette partie n'en a plus envie, a considéré que les tribunaux saisis ne devaient pas décliner leur compétence lorsque cette procédure préalable n'avait pas été respectée. Donc, en droit suisse, la clause de médiation, la clause de négociation préalable, n'est pas un déclinatoire de compétence. Maintenant, il s'agit d'une décision, de plusieurs décisions du tribunal fédéral, ces décisions peuvent évoluer. Il est possible que la médiation tout de même ayant un certain succès, le mécanisme de règlement des litiges, il est possible que le tribunal fédéral modifie sa jurisprudence sur cette question-là . Tant que ce n'est pas le cas, à vrai dire, ces clauses de médiation, ou ces clauses de négociation préalable sont un peu des pétitions de principe. Mais, elles encouragent tout de même les parties à essayer de trouver une solution extrajudiciaire. Il ne faut pas oublier que, quoiqu'il en soit, les parties ont intérêt à trouver une solution extrajudiciaire. Ça leur coûte souvent moins cher, et puis c'est moins douloureux que, encore une fois, de devoir faire face à une décision négative. Et par conséquent et bien si on peut encourager cette démarche-là par une clause dans le contrat, ce n'est pas forcément négatif. À condition bien sûr de connaître les limites de cette clause.