[MUSIQUE] Maintenant, avec ces clauses de propriété, évidemment se pose une question qui est de plus en plus classique, qui est la question de savoir si lorsqu'on se trouve dans un contrat où les parties veulent transférer la propriété. Donc, pas les situations dont nous venons de parler où les parties ne veulent pas transférer la propriété et font des réserves à cet égard. Si on se trouve dans une situation où les parties veulent transférer la propriété, un contrat de vente par exemple, pour prendre le plus évident et le plus simple des contrats translatifs de propriété. Il suffit qu'elles le mettent dans le contrat, qu'elles veulent transférer la propriété. Sauf que, elles le veulent oui et non. Pas toujours, pas si simplement. Le vendeur par exemple bien sûr veut transférer la propriété, mais en contrepartie il veut être payé. Et par conséquent si le vendeur incorpore dans le contrat une clause selon laquelle le transfert de propriété aura lieu à un certain moment, au moment de la rédaction du contrat il vous dit oui mais à condition que le payement ait lieu. Et donc comme rédacteur de contrat, vous vous trouvez confronté à cette situation de savoir si vous pouvez mettre comme condition du transfert de la propriété le fait que le prix ait été payé. Et ça c'est un peu délicat parce qu'on est en train d'envisager un transfert de propriété conditionnel. Alors est-ce que c'est possible, ça dépend évidemment du droit applicable au contrat, mais malheureusement pas seulement du droit applicable au contrat. Parce qu'on est dans une question de droits réels. Et donc les droits réels sont déterminés par le lieu de situation de la chose, pas forcément par le droit applicable au contrat. Donc il faut tenir compte aussi des règles applicables au lieu de situation de la chose. Si vous êtes dans un contrat entre une société suisse et par hypothèse encore une fois un cocontractant russe, que les biens doivent être livrés en Russie, vous pouvez vous poser la question d'une réserve de propriété ou d'une condition de payement du prix selon le droit suisse si c'est le droit qui est applicable au contrat. Mais il faudra aussi quand même vous poser la question de savoir si la clause que vous allez mettre dans le contrat est admissible du point de vue du droit russe puisque les biens vont être livrés en Russie. En droit suisse c'est possible de créer cette condition-là , pas sous n'importe quelle forme. Pas sous la forme d'une condition telle que nous en avons parlé dans un cours précédent, condition suspensive ou condition résolutoire. Parce qu'en droit suisse il y a un numerus clausus des droits réels et en droit suisse la propriété conditionnelle n'existe pas. Mais, il est possible d'insérer dans le contrat une clause qui est assez connue en réalité, qui est une clause de réserve de propriété. Et la clause de réserve de propriété, ça consiste à modifier les règles ou les conditions du transfert de la propriété. Les conditions du transfert de la propriété en droit suisse, c'est ce que nous avons vu, donc une cause, c'est ici, et un acte de disposition. La cause, c'est le contrat, l'acte de disposition, c'est le transfert de possession, et tout cela c'est l'article 714 du Code civil pour ce qui est du droit suisse. On peut pas tellement changer la règle, c'est une règle impérative. Mais on peut et c'est l'article 715, donc l'exception vient juste après la règle, ajouter une condition à ce transfert de propriété. C'est-à -dire ajouter en fait une condition supplémentaire. Il suffit pas d'avoir une cause et un acte de disposition, il faut aussi qu'il y ait le payement du prix. [SON] Et donc le transfert de propriété est tributaire de trois conditions : un contrat valable, la cause, un acte de disposition, le transfert de possession, donc la livraison de la marchandise, et troisièmement, pas parce que c'est prévu à l'article 714 du Code civil, mais parce que c'est prévu dans le contrat et qu'il y a une réserve de propriété dans le contrat, le payement du prix. Et ça c'est une clause dite de réserve de propriété et c'est possible en droit suisse, selon l'article 715 du Code civil. Bon, c'est quoi ces clauses de réserve de propriété? En réalité, c'est l'idée du vendeur de pouvoir récupérer la chose, s'il n'est pas payé. Donc en fait, ça consiste pour le vendeur pas tellement à vouloir à garder la propriété, mais à se faire une garantie, à se créer une garantie. La garantie, s'il n'est pas payé de pouvoir récupérer la marchandise qu'il a livrée. Et donc ces clauses de réserve de propriété s'apparentent en réalité à des garanties réelles. Sauf que c'est un peu problématique comme garantie réelle, parce que les garanties réelles en principe, en droit suisse c'est un nantissement, c'est soumis à un principe de dépossession du débiteur qui fait que l'objet de la garantie doit être remis en main du créancier. Si vous voulez mettre en gage un tableau qui vous appartient pour dégager des fonds, vous remettez le tableau en gage et donc vous remettez le tableau au créancier. C'est le principe de la dépossession des gages, Ici, évidemment avec la réserve de propriété, il n'est pas question que le créancier garde la chose, puisque justement c'est l'objet qu'il doit livrer. Le créancier, c'est le vendeur, il doit livrer la marchandise Ce que veut le vendeur, c'est récupérer la marchandise s'il n'est pas payé. Et donc, le problème des réserves de propriété, c'est que par ces clauses-là les parties créent une garantie réelle sans dépossession du débiteur. C'est l'acheteur qui doit payer le prix et qui en même temps a la possession de la chose qui lui a été livrée. Et c'est la raison pour laquelle le législateur suisse et les juges suisses aussi à vrai dire ont toujours été assez prudents par rapport à ces clauses de réserve de propriété. Et quand je dis prudents, à vrai dire, c'est un peu pusillanimes. Parce que dans l'esprit du législateur, ce gage sans dépossession reste problématique et par conséquent il faut que son existence apparaisse publiquement quelque part. Et c'est la raison pour laquelle l'article 715 du Code civil prévoit qu'une réserve de propriété est possible, mais qu'elle doit être inscrite dans un registre des pactes de réserves de propriété. Et ce registre est tenu par les offices des poursuites. Pourquoi? C'est l'idée que si on doit faire une saisie, l'office des poursuites sait exactement que un certain nombre de biens qui sont en possession du débiteur ne lui appartiennent pas, pourquoi, parce qu'ils font l'objet d'une réserve de propriété en faveur du vendeur et que cette réserve de propriété a été inscrite dans un registre que l'office tient lui-même. Bon, c'est une vision assez logique en réalité du législateur. C'est la vision qui consiste à faire en sorte que la réalité corresponde autant que possible à la situation juridique. En principe, si vous avez des biens dont vous êtes possesseur, vous en êtes aussi propriétaire. Si vous avez des tableaux, des livres, des objets de valeur chez vous, a priori vous en êtes aussi propriétaire. Et si vous ne l'êtes pas, évidemment ça crée une apparence un peu trompeuse pour les tiers qui vous prennent pour quelqu'un de fortuné alors que vous ne l'êtes pas forcément. Et donc ces tiers-là doivent être protégés dans leur bonne foi. Comment? En faisant en sorte qu'ils puissent être informés sur ce qui vous appartient vraiment ou pas, et comment ils peuvent en être informés, parce qu'il y a un registre public. C'est assez logique. Mais évidemment c'est complètement dépassé par rapport à ce qui est aujourd'hui la réalité des réserves de propriété. C'est complètement dépassé par exemple par rapport au droit allemand où les réserves de propriété sont admises sans aucune restriction et sans inscription. C'est complètement dépassé aussi par rapport à l'idée qu'il faut que la réalité corresponde à la situation juridique, parce que en réalité beaucoup d'entre nous paraissent beaucoup plus riches qu'ils ne le sont. C'est difficile aujourd'hui dans le monde complexe dans lequel nous vivons de savoir sur la foi des apparences qui est fortuné et qui ne l'est pas. Et donc cet argument qui est de dire une réserve de propriété qui n'est pas inscrite est trompeuse, c'est un argument que l'on pourrait réfuter en disant dans le fond il y a beaucoup de situations qui sont trompeuses et c'est pas parce que quelqu'un a beaucoup d'objets à sa disposition que pour autant il est riche. Tout le monde le sait, qui se fait encore abuser par cela? Donc l'argument est lui aussi un peu dépassé. Et puis l'argument est aussi un peu dépassé à vrai dire par une directive européenne. Alors la Suisse ne fait pas partie de l'Union européenne, donc nous sommes toujours affranchis de la mise en œuvre de ces directives. Enfin, malgré tout géographiquement, la Suisse est quand même incluse dans cet espace européen, elle peut difficilement ne pas tenir compte du tout de ce qui se fait dans l'Union européenne. Surtout que les pays membres de l'Union européenne sont quand même des correspondants commerciaux très importants de notre pays. Et alors donc vous avez une directive européenne sur la lutte contre le retard de payement dans les transactions commerciales, c'est la directive 2011/7, assez récente donc. Et dans cette directive qui doit être mise œuvre par les États membres, elle l'est dans certains pas dans tous pour le moment. Mais la directive date de 2011 et par conséquent c'est en train d'être fait. Il est prévu dans un article 9 que les États membres- pas la Suisse mais quand même tous les États européens- prévoient, conformément aux dispositions nationales applicables en vertu du droit international privé, que le vendeur peut conserver la propriété des biens jusqu'au payement intégral lorsqu'une clause de réserve de propriété a été explicitement conclue entre l'acheteur et le vendeur avant la livraison des biens. Et donc, voilà , en Europe la réserve de propriété devient la règle, en tout cas une possibilité qui doit être offerte dans tous les États membres. Est-ce que la Suisse est au diapason européen? Franchement pas vraiment, puisque certes la réserve de propriété est possible mais moyennant des conditions qui la rendent très impraticable. Imaginez un vendeur qui régulièrement livre des marchandises les parties ne vont pas s'amuser, à chaque fois, à aller inscrire des réserves de propriété dans un pacte de réserve de propriété qui de toutes façons est inadapté par rapport à un contrat international. Pourquoi? Ben parce que le registre des pactes de réserve de propriété, il est tenu par les offices des poursuites suisses, mais si vous devez livrer des marchandises en Ukraine, bon vous n'avez pas forcément un registre des pactes de réserve de propriété en Ukraine. Et donc l'article 715 du Code civil est tout juste impraticable dans les contrats internationaux. Eh donc il faut bien le dire, je pense que la Suisse va se rendre compte qu'elle est assez euro-compatible. Bon c'est pas la première fois ni le seul point sur lequel elle est euro-compatbile. Mais ça peut être un peu gênant dans ces domaines commerciaux, parce que les partenaires commerciaux des entreprises suisses réclameront des réserves de propriété et seront habitués à obtenir ces réserves de propriété. Parce qu'ils les obtiendront en Europe et assez facilement. Et par conséquent, eh bien il faut peut-être envisager que le droit suisse évolue un tout petit peu sur ces questions. Alors il faut, que ce soit en droit suisse ou dans une autre juridiction, évidemment que le contrat soit clair, qu'il y ait une réserve de propriété. La clause, elle est assez facile à insérer dans le contrat. Vous avez par exemple une clause comme ceci, elle est en anglais, mais c'est une clause standard. Title to the Goods shall pass to the Buyer upon full payment of the Goods being received by Seller. C'est aussi simple que cela. Le transfert de la propriété passera à l'acheteur dès le payement de la marchandise par l'acheteur ou vendeur. C'est pas plus compliqué que ça. Ça correspond aux exigences de l'Union européenne et ça confère évidemment au vendeur une garantie très appréciable, puisque cela permet au vendeur de récupérer la chose s'il n'est pas payé. Alors en droit suisse évidemment, on est pour le moment un tout petit peu embarrassé par rapport à ces clauses-là . Y a plusieurs solutions qui sont envisageables. La première solution, c'est par exemple de prévoir que le payement doit intervenir avant la livraison et que la livraison peut ne pas avoir lieu si le payement n'a pas été fait. Ça, c'est simplement une autre structure qui est mise en place, mais qui permet quand même au vendeur d'être sûr qu'il ne livre pas s'il n'est pas payé. Et donc, vous pouvez avoir ce type de clause. The Seller shall be entitled to withhold delivery of any Goods if at the time of delivery payment is due by the Buyer to the Seller on any account whatsoever. Voilà , alors s'il y a des dettes en cours, de l'acheteur à l'égard du vendeur, le vendeur a le droit de plus livrer aucune marchandise. Bon, c'est une solution, mais c'est un peu du bricolage. C'est pas exactement la réserve de propriété, c'est simplement l'idée que le vendeur peut ne pas continuer à livrer s'il n'a pas été payé sur un des postes ouverts dans ses relations avec l'acheteur. Ça peut être un début de solution. L'autre solution, ça fait longtemps à vrai dire que les juristes suisses l'ont envisagée, parce que ça fait longtemps que les juristes suisses sont un peu empruntés par rapport à ces réserves de propriété. Pas tellement en raison de la directive européenne, la directive européenne est toute récente, mais en raison du droit allemand. Le droit allemand admet les réserves de propriété, sans conditions particulières et sans condition d'inscription depuis longtemps. Et comme de très nombreux contrats suisses sont en fait des copiés-collés de contrats allemands, parce que vous avez des entreprises qui sont des entreprises allemandes et qui ont ici des activités en Suisse, donc elles reprennent leurs contrats. Eh bien on est très fréquemment confronté à des contrats qui comprennent des réserves de propriété. Pourquoi? Parce que ça a été inspiré par les contrats allemands sur la base desquels ils ont été rédigés. Et donc on est obligé de dire, oui mais vous savez en droit suisse, c'est pas aussi évident que ça, il va falloir organiser un système d'inscription, etc. L'autre partie vous dit mais c'est pas concevable, on va pas s'amuser à inscrire ça à chaque fois qu'on livre une marchandise. Donc la solution qui a été envisagée, c'est de prévoir dans le contrat le droit unilatéral du vendeur de requérir l'inscription si c'est nécessaire. Donc, si la marchandise est livrée et qu'y a pas de problème, on requiert pas l'inscription. On va pas s'amuser à inscrire à chaque fois dans un registre cette réserve de propriété. Mais si y a un problème, alors le vendeur, qui est le bénéficiaire de la clause de réserve de propriété, peut de façon unilatérale, c'est-à -dire sans avoir à demander le consentement de l'acheteur, inscrire cette réserve de propriété. Et ça, ça a été admis par les tribunaux suisses. C'est une petite dérogation à ce qui était prévu de façon officielle à l'article 715 du Code civil. Mais en même temps, l'article 715 dit qu'il doit y avoir une inscription, il dit pas quelles sont les modalités de cette inscription. Et donc une clause contractuelle qui prévoit que le vendeur a le droit unilatéral d'inscrire la réserve de propriété, si les choses tournent mal, est une clause qui est admissible. Et donc vous pouvez avoir dans votre contrat, à défaut d'une belle réserve de propriété qui poserait un problème en raison de l'article 715, ce type de clause. Donc le principe, Title to the Goods shall pass to the Buyer upon full payment of the Goods being received by Seller. Et puis ensuite, Seller shall have the unilateral and discretionary right to request at any time registration of this retention of title clause with the appropriate registers at the place of location of the goods, and Buyer hereby irrevocably consent in advance to such registration. Donc, le vendeur a le droit unilatéral et discrétionnaire de requérir n'importe quand l'inscription de la réserve de propriété au registre approprié, là où se trouveront les biens, et l'acheteur d'ores et déjà , irrévocablement, accepte à l'avance cet enregistrement. Cette clause-là est valable, elle a été validée par les tribunaux suisses. Alors vous allez me dire, y a plus de problème. On met ça dans le contrat, droit unilatéral d'inscrire, et puis si l'acheteur ne paye pas, le vendeur inscrit. Et donc, on a aménagé le droit suisse de façon suffisamment flexible pour qu'il soit germano et euro-compatible. Oui, sauf que, c'est le contrat, et le contrat n'est pas forcément opposable aux tiers. Et si la jurisprudence suisse a admis ces clauses dans les contrats, s'est très vite posée la question se savoir si la clause est opposable à une masse en faillite. Donc en d'autres termes, qu'est-ce qui se passe si l'acheteur qui a reçu la marchandise fait faillite. Bon, si l'acheteur qui a reçu la marchandise fait faillite, les biens qui lui ont été livrés tombent dans la masse en faillite. En principe, ils doivent être réalisés et vendus au profit des créanciers. Alors donc, ce qui se passait dans une situation comme celle-là , c'est que l'acheteur faisait faillite, et puis après coup le vendeur disait, bon alors, puisque l'acheteur a fait faillite, moi je fais inscrire la réserve de propriété, comme ça les biens ne tombent pas, en tout cas ne restent pas dans la masse en faillite, il faut qu'on me les restitue. Et là , le Tribunal fédéral, heureusement ou malheureusement, ça dépend du point de vue. Heureusement pour les créanciers de la masse en faillite, malheureusement pour le cocontractant du débiteur en faillite, le Tribunal fédéral a dit non, ça ça peut pas aller. Le droit unilatéral d'inscrire la réserve de propriété n'est pas opposable à la masse en faillite. C'est un vieil arrêt, l'ATF 93 III 96, mais bon, évidemment depuis cet arrêt n'a pas été remis en question et par conséquent, cela relativise beaucoup la solution qui avait été envisagée de prévoir un droit unilatéral d'inscription de réserve de propriété. Si vous voulez, c'est un peu une course de vitesse. Si le vendeur s'aperçoit que l'acheteur a des difficultés financières, et donc suppute que l'acheteur peut-être ne pourra pas le payer, alors il doit immédiatement inscrire la réserve de propriété. Parce que s'il l'inscrit avant que l'acheteur soit déclaré en faillite, tout va bien. L'inscription a eu lieu et par conséquent à partir du moment où ça a été inscrit, eh bien c'est opposable à la masse en faillite. Mais en revanche, si le vendeur attend un peu trop, eh bien, la faillite est déclarée, et là c'est trop tard, parce qu'au moment où la faillite est déclarée, le vendeur n'a qu'une clause contractuelle, le droit unilatéral d'inscrire, et cette clause contractuelle n'est pas opposable à la masse en faillite. Et donc, la solution de ce droit unilatéral est une solution qui n'est que partielle, pas tout à fait satisfaisante. Et évidemment, lorsque vous avez des clients, notamment des clients étrangers qui vous demandent qu'est-ce qu'on peut faire en droit suisse par rapport à ces réserves de propriété, et qu'il faut leur expliquer qu'il y a cette solution-là , mais qu'ils devront se dépêcher d'inscrire avant l'éventuelle faillite du débiteur, eh bien c'est pas très satisfaisant, on va dire, comme réponse. Alors on pourrait penser à une réforme législative, c'est vrai, la question est sur la table. Peut-être que la directive européenne sur les retards de payement conduira à cette réflexion en droit suisse. En tout cas, il faut être conscient que ces réserves de propriété vont se multiplier en droit européen puisque dorénavant, c'est devenu la règle dans l'Union européenne. Il ne faut pas surévaluer l'intérêt de cette méthode de la réserve de propriété. Parce que elle pose quand même toujours le problème, même si on s'est dépouillé ou débarrassé de la condition d'une inscription dans un registre, la réserve de propriété pose toujours quand même le problème du droit international privé, donc du droit applicable. Même si c'est une réserve de propriété dans un contrat qui est soumis au droit allemand, par hypothèse. Les Allemands l'admettent très facilement la réserve de propriété sans inscription. Bon, d'accord, si la marchandise doit être livrée de Bonn à Munich, et que à Munich, l'acheteur ne paye pas le prix, la réserve de propriété joue son rôle et le vendeur pourra récupérer la chose. Mais si la marchandise doit être livrée de Munich à Singapour, et que l'acheteur qui se trouve à Singapour ne paye pas le prix. Alors bon, le vendeur va dire mais le droit allemand a été le droit choisi par les parties, donc le contrat est soumis au droit allemand, donc je fais valoir la réserve de propriété, et donc je récupère la chose. Sauf que comment il fait pour la récupérer? Il doit revendiquer la chose. La chose, elle se trouve à Singapour. Première question, est-ce que cette revendication est soumise au droit allemand, qui était le droit choisi par les parties pour le contrat? Ou est-ce qu'elle est soumise au droit du lieu de situation de la chose, c'est-à -dire le droit de Singapour? Et puis c'est encore pire, si la chose est le cas échéant séquestrée ou saisie par des créanciers de l'acheteur à Singapour. Les créanciers de l'acheteur qui auront saisi la chose ou qui l'auront séquestrée dans le cadre de poursuites contre l'acheteur à Singapour, vont dire, mais écoutez votre contrat, qui prévoit le droit allemand avec cette réserve de propriété, c'est pas notre problème, ça nous intéresse pas, nous n'y sommes pas parties, il ne nous est pas opposable. Et par conséquent votre garantie constituée par une réserve de propriété, c'est pas une garantie dont nous allons tenir compte. Nous considérons que ces biens appartiennent à l'acheteur, ils ont été livrés, l'acheteur en est devenu propriétaire, et par conséquent nous les faisons saisir et réaliser à notre profit. Et tant pis pour vous, si vous êtes le bénéficiaire d'une clause de réserve de propriété. Est-ce qu'ils ont raison? J'en sais rien, ça dépend du droit à Singapour. C'est le droit du lieu de situation des biens, le droit du lieu où le bien a été séquestré, le droit du lieu où le bien a été saisi qui va s'appliquer. Pas le droit du contrat, pas le droit qui a été choisi par les parties pour le contrat. Et donc bien sûr, la Suisse a peut être un peu de retard par rapport à l'Union européenne sur la réflexion qu'il convient d'avoir par rapport à ces clauses de réserve de propriété, mais il ne faut pas surévaluer cette solution des réserves de propriété. C'est une solution qui plaît toujours au client lorsqu'il est vendeur. Je me mets à sa place le client. Je trouve absolument naturel que s'il n'est pas payé, il puisse récupérer la chose. Sauf que c'est une solution qui fonctionne bien en Europe si on reste entre Européens. Maintenant avec la directive européenne, c'est une solution qui fonctionne dans toute l'Europe. Un peu moins bien en Suisse, mais encore une fois on peut quand même essayer de s'arranger. Et puis dès qu'on sort de l'Europe, eh bien, il y a la question du droit applicable, donc des règles de droit international privé, par rapport à des questions qui sont des questions de droits sur la chose, donc de droits réels opposables à tout tiers et qui ne sont pas forcément tributaires du droit qui a été choisi par les parties. Voilà , donc ces réserves de propriété elles sont intéressantes. Loin de moi l'idée de les bannir des contrats. Je ne pense pas que ce soit une solution opportune. Au contraire, je les trouve assez légitimes dans ce qu'elles impliquent, à savoir l'idée que le vendeur qui n'est pas payé puisse récupérer la chose, mais il faut connaître les limites de ces clauses de réserve de propriété. Et ça ne peut pas en tout cas se substituer à une véritable garantie réelle qui aurait été constituée valablement. [AUDIO_VIDE]