[AUDIO_VIDE] Bonjour. Bienvenue au MOOC restructuration des quartiers précaires des villes africaines. Notre leçon d'aujourd'hui est consacrée aux systèmes de production foncière dans les villes africaines. Avec cette thématique, nous abordons dans cette vidéo la question cruciale de la croissance et de l'évolution des villes africaines. Le foncier est en effet au cœur de multiples enjeux et impacte les actions de planifications et de gestions urbaines. Cela s'explique par le fait que le foncier n'est pas un bien comme un autre. En Afrique, le rapport au foncier exprime à la fois le rapport des individus entres eux, celui des communautés entre elles, mais également les rapports des individus et des communautés avec l'appareil d'État. L'évolution de toutes les grandes villes africaines est marquée par leur situation foncière. Les règles d'occupation d'appropriation et d'usage du sol sont différentes d'une ville à une autre, et parfois même d'un quartier à un autre. C'est le contexte foncier qui détermine et permet de comprendre par exemple les solutions apportées à la question du logement que nous étudierons dans une prochaine vidéo. La situation foncière des villes est souvent celle d'une confusion totale à tel point que les acquéreurs de parcelles ne se sentent que rarement en sécurité. A quelle forme de production foncière assistons aujourd'hui dans les villes africaines? Quelles difficultés et quelles conséquences engendrent-elles sur l'évolution des agglomérations? C'est ce que nous verrons à travers ce plan en 4 points. D'abord les dimensions du foncier, ensuite les filières de production, nous verrons par la suite les droits fonciers, et enfin les principales difficultés. Le foncier revêt de multiples dimensions. Une dimension économique, une dimension juridique, une dimension politique, et même symbolique ; toutes dimensions qui s'imbriquent lui font jouer un rôle prépondérant dans le façonnement et la transformation des paysages urbains. Dans les villes africaines, l'identité, la propriété et parfois l'autorité sont en lien direct avec le foncier ou du moins sa maîtrise. C'est cela qui a permis autrefois aux autorités coutumières, comme aux autorités administratives des États indépendants, d'assoir leur pouvoir et de renforcer leur influence. Par ailleurs, toute notre existence humaine a pour cadre un espace physique ; cela renforce la dimension foncière, surtout en milieu urbain où l'espace public est convoité et fait l'objet de plus en plus d'une appropriation privée. Le foncier urbain, et plus encore périurbain, joue souvent un rôle central dans les stratégies d'épargne et d'enrichissement des ménages urbains. Pour beaucoup de ménages en effets, l'investissement, ou le placement dans le foncier, permet de se protéger contre l'inflation et contre les risques de la vie, en particulier dans les sociétés où les systèmes de protection sociale sont peu développés. Dans de nombreux pays africains, un droit coutumier coexiste avec le droit moderne, lui-même dérivant du droit colonial. Dans la majorité des pays en effet, la colonisation a laissé des traces profondes dans les systèmes fonciers et les modes de gestion d'administration foncière, en particulier en Afrique subsaharienne où les États indépendants ont hérité, sans les modifier, des prérogatives foncières des États coloniaux. Pour sécuriser l'occupation foncière localement, il a été mis en place une procédure de création de la propriété privée par le haut, qui remet en cause les droits fonciers antérieurs. Par la suite, les États africains chercherons à uniformiser les droits fonciers dans le but d'une rationalisation, sauf qu'aujourd'hui, il y a une superposition d'un modèle étatique moderne au système foncier préexistent. Les différents systèmes font référence à des juridictions distinctes qui sont soit reconnues, soit admises par tous y compris par l'État lui-même. La situation est donc celle d'un dualisme juridique qui oppose le droit écrit aux autres droits et conduit souvent à l'exclusion et à la marginalisation des groupes vulnérables. On distingue ainsi 2 formes de production, une filière néo-coutumière et une filière étatique. Le régime néo-coutumier de production foncière dérive du droit coutumier qui régissait essentiellement l'appropriation collective des terrains ruraux, réinterprétés en ville. Selon les situations, on estime à l'heure actuelle qu'entre 50 et 80 % des terrains urbains sont produits par ce régime. Il existe cependant une grande diversité des situations suivant les pays, et de multiples interprétations. Plusieurs cas de figure sont observés ; le premier regroupe les pays qui ont tout simplement procédé à l'abolition des droits coutumiers. Nous pouvons à ce titre citer les exemples du Cameroun qui a procédé en 1974 à la nationalisation des terres, et celui de la Mauritanie qui a entrepris en 1983 une réforme foncière et domaniale. Dans ces 2 cas, comme dans d'autres, du reste, la réorganisation foncière avait comme objectif de sécuriser les investissements des États, de protéger les droits des tiers, et de gérer de façon rationnelle un patrimoine limité. Il s'agissait également d'abolir le système de tenure traditionnelle du sol en privilégiant son individualisation. Le second groupe de pays regroupe ceux où domine encore le mode de tenure foncière coutumière. On retrouve dans ce groupe des pays comme l'Afrique du Sud, le Ghana, le Bénin, le Togo ou encore le Rwanda où les autorités doivent composer avec les chefferies coutumières pour tout projet comprenant une dimension foncière. Depuis le milieu du XXe siècle, les États cherchent à contrôler le foncier par la promotion d'un accès individuel et l'abolition des formes anciennes d'usage. Cette ambition est rendue cependant difficile du fait de la faiblesse des moyens techniques et financiers qu'exige une telle organisation mais également à cause des disfonctionnement que connait le secteur foncier. Il existe en effet plusieurs forme d'accès au foncier, que les États tentent de maîtriser. Il s'agit d'abord du permis d'habiter. Il date de la période coloniale, il ne s'agit ni plus ni moins que d'une autorisation administrative d'usage d'un terrain public. La propriété reste à l'État, qui autorise sont usage temporaire par un tiers. Il y a ensuite la concession urbaine qui est la cession d'une portion du domaine privé de l'État, cette concession pouvant être provisoire, comme elle peut devenir définitive suivant les règles juridiques établies. Il y a enfin le permis d'occuper, qui est la règle aujourd'hui dans la plupart des pays, qui est en droit d'occupation d'une partie du domaine privé collectif ; ce droit pouvant aboutir à une appropriation définitive sous la forme d'établissement d'un titre foncier. Les différentes formes de production foncière sont récapitulées dans ce tableau. Il faut toutefois noter qu'entre les systèmes étatiques et néo-coutumier, on rencontre les formules intermédiaires qui peuvent par exemple inclure des arrangements entre individus. Les droits fonciers sont relatifs à plusieurs aspects, depuis l'accès à l'utilisation en passant par la vente ou la location ou encore les conditions de cession, ou de transmission par héritage ou par don. Ces droits peuvent être individuels ou collectifs et varient en fonction des différents régimes ; il s'agit des régimes coutumiers du régime étatique et parfois même des régimes religieux, dans les pays à forte tradition islamique. Du fait de la confusion on assiste dans la plupart des villes africaines à une multiplication des litiges, donc des conflicts. Cela signifie qu'on n'est jamais sûr de son appropriation, d'où le règne d'une forte insécurité foncière. Qui n'a pas entendu de double, voire triple emploi pour qualifier les attributions d'une même parcelle à plusieurs personnes? Dans le même temps, beaucoup profitent de cette situation pour spéculer et empocher parfois de substantielles plus-values au détriment de la collectivité publique. Le laissez-aller foncier est la cause de nombreuses difficultés qui handicapent le développement harmonieux de plusieurs grandes villes d'Afrique. Nous venons de voir l'importance du foncier dans les villes africaines et cela du point de vue juridique, économique, et même psychologique. L'accès au foncier et l'acquisition d'une certaine sécurité foncière apparaissent de plus en plus comme la garantie d'une bonne intégration urbaine. C'est cela qui explique la course effrénée des populations pour attraper une parcelle. Cependant, même lorsqu'ils y arrivent, leur appropriation n'est souvent pas garantie du fait de la coexistence entre différentes formes de tenure foncière. Cela maintient encore, dans de nombreuses grandes villes, une situation de confusion qui traduit la faiblesse de la gestion et de l'administration foncière. [AUDIO_VIDE]