Bonjour. Bienvenue au Mooc Restructuration des quartiers précaires des villes africaines. Notre leçon d'aujourd'hui est consacrée à la question du logement. Avec le foncier, la question du logement constitue une des problématiques majeures de l'organisation et de l'évolution des villes africaines. Les quartiers précaires sont en partie une des conséquences de la crise aiguë du logement que connaissent la plupart des grandes villes d'Afrique. Cette question du logement est indissociable de celle de l'accès au sol. Elle est en théorie inépuisable, puisque ceux qui n'en disposent pas veulent en avoir, et ceux qui en ont déjà voudront toujours l'améliorer ou l'adapter à l'évolution de leur famille. Par ailleurs, le logement n'est pas seulement un élément de satisfaction des besoins des ménages. C'est aussi un puissant facteur d'émancipation et d'intégration urbaine. En outre, de par sa forte valeur ajoutée, il constitue également un moteur essentiel de la croissance économique des grandes villes d'Afrique, mais aussi un refuge pour certaines catégories sociales en l'absence de créneaux d'investissements plus rentables. Quel est aujourd'hui l'état des lieux des conditions générales de logement dans les villes africaines, quelles sont les filières de productions de logements, et à quels obstacles elles font face? Comment peut-on financer le logement pour le rendre accessible au plus grand nombre? C'est ce que nous verrons suivant ce plan en trois parties qui reprend les éléments dont je viens de parler. Il existe souvent une ambiguïté pour définir le logement en Afrique. Il est en effet souvent confondu, par abus de langage, à l'habitat, dont il n'est qu'une composante. Le logement est en fait l'unité d'habitation qui entre dans la constitution de l'habitat, qui lui est plus vaste, puisqu'il comprend également l'ensemble des éléments constitutifs du cadre de vie, c'est-à-dire les jardins, les parcs, les voiries, les équipements et les aménagements divers. Les conditions de logement dans les villes africaines sont très variables d'une ville à une autre. Elles sont fonction des politiques nationales qui sont suivies, mais également fortement dépendantes des revenus des ménages qui déterminent leur capacité d'accès aux logements mis sur le marché. Les modes d'habiter sont également très divers, d'où la difficulté d'appréhender les situations du logement dans les villes africaines, et de faire des comparaisons. De façon générale, les conditions de logement sont appréciées en fonction des critères suivants : les statuts d'occupation, la densité d'occupation, la qualité des constructions et le niveau de raccordement aux voiries, aux réseaux divers. Ce sont les critères qui permettent d'apprécier, de façon générale, les conditions de logement dans toutes les villes africaines. Les critères d'évaluation des conditions de logement permettent d'établir une typologie à quatre niveaux qui distingue un habitat de standing pour cinq pour cent, un habitat économique pour dix pour cent, un habitat évolutif pour environ 35 pour cent, et enfin un habitat irrégulier pour 50 pour cent. Cette typologie peut encore être adaptée à la situation de chaque ville, en affinant notamment le contenu de chaque catégorie. Mais de la sorte, elle permet de comparer, de façon brute, les situations vécues dans des villes comparables, notamment en termes de loyers pratiqués en fonction des différents standings. Ce tableau montre quelques exemples de prix pratiqués dans trois capitales de l'Ouest africain. On s'aperçoit en l'examinant de la similitude des situations entre Nouakchott et Dakar pour les habitats précaires et les habitats populaires, en termes de loyer, et on note également les écarts importants lorsqu'on s'intéresse aux appartements et aux villas qui correspondent au mode privilégié de logement des catégories supérieures en centre ville ou en quartiers résidentiels. N'Djamena occupe une position intermédiaire entre les deux autres capitales, avec cependant des niveaux de loyers pour les appartements qui se situent environ à la moitié de ceux pratiqués à Dakar. La production de logements intervient suivant une chaîne qui prend en compte la politique publique d'habitat et de logement, les règles et conditions nationales de promotion immobilière, les programmes d'aménagement et de planification au niveau local. Cependant, le logement n'a jamais bénéficié d'une priorité politique très élevée dans de nombreux pays d'Afrique. Le rythme de production de logements est pourtant un bon indicateur du développement économique. Dans la plupart des pays en effet, l'État a le monopole des terrains, mais il ne produit pas suffisamment de logements et incite donc de ce fait les populations à occuper illégalement les terrains qui lui appartiennent. À l'heure actuelle, dans les villes africaines, deux filières de production de logements se côtoient. D'abord la filière d'habitat planifié qui correspond aux programmes publics de logements, qu'il s'agisse de logement groupé ou de logement individuel. Ensuite, la filière d'habitat populaire qui correspond à l'auto-construction de logements dans un cadre souple mais souvent réglementé, contrairement aux idées reçues. Au moment des indépendances, un effort de modernisation et d'équipement des villes a été consenti par l'ensemble des gouvernements. Cet effort s'est poursuivi jusqu'à la fin des années 70. De nombreux établissements datent de cette époque, à l'exemple de la SIC au Cameroun, la SICOGI en Côte d'Ivoire, SICAP et l'Office HLM au Sénégal. Ils ont été créés pour mettre en oeuvre de vastes programmes de construction de logements, souvent sous forme d'accession à la propriété. Mais, le plus souvent, le prix du foncier et les conditions d'achat ont exclu la majorité des citadins, particulièrement ceux qui n'avaient pas de revenus réguliers ni d'épargne. La plupart des programmes ont raté ainsi leurs cibles, et les logements ont été affectés à des populations à revenus plus élevés. Ces programmes ont échoué à cause de la raréfaction des ressources et du niveau élevé de la demande. Au début des années 80, en effet, on assiste à l'arrêt des programmes de logements publics, et à la mise en route de programmes de rénovation-réhabilitation, ainsi qu'à l'expérimentation de la privatisation de la promotion. Là également, les résultats n'ont pas été concluants du fait de la pauvreté des programmes, de l'inaccessibilité aux faibles revenus, et aux divers autres obstacles tels que la bureaucratie, la difficulté d'accès au foncier, la rareté et la cherté de la main d'oeuvre qualifiée, l'inexistence de financement à long terme. Ce sont ces multiples échecs dans la production de logements qui ont poussé de nombreux pays à s'orienter vers la production de parcelles assainies, à l'image du Sénégal depuis le milieu des années 50. Vous avez ici l'illustration des difficultés de maintenance d'un habitat groupé. Nous sommes ici à Abidjan, où les immeubles d'habitat collectif sont délabrés, parce que faiblement entretenus. De façon générale, la production de logements se fait de façon artisanale, si ce n'est sous forme d'autoconstruction en ce qui concerne les catégories à faibles revenus. Nous sommes ici à Nouakchott, pour le coulage du premier niveau d'un bâtiment à usage d'habitation par le canal de moyens artisanaux. La situation de la plupart des grandes villes africaines, en matière de logement, est celle d'une inadéquation entre l'offre et la demande. Elles connaissent toutes un faible rythme de production depuis des décennies, soit une moyenne de 1 000 à 2 000 logements par an, alors qu'il en faudrait dix à vingt fois plus. Il manque donc des centaines de milliers de logements, voire des millions parfois, pour combler les déficits enregistrés. Il manquerait, par exemple, environ 200 000 logements à Abidjan, c'est-à-dire un effort annuel d'environ 20 000 logements, durant dix ans, si l'on souhaitait rattraper ce déficit. En plus de l'inadéquation entre l'offre et la demande, nous rappelons la continuité de la croissance et le caractère inépuisable par rapport à ce que nous avons dit tout à l'heure. Ceux qui n'ont pas de logement voudront en avoir, et ceux qui en ont déjà souhaiteront l'adapter à leur famille. C'est cela qui explique le faible rythme de production et l'accumulation du déficit. Il convient de préciser ici que la plupart des parcs de logements existants a été construit entre 1960 et 1980. Les programmes de construction ont été ralentis depuis cette période du fait notamment de la croissance continue de la demande et de l'impossibilité de la tarer. L'échec des formules expérimentées pour satisfaire les demandes émanant des catégories sociales, mais de façon générale, la question du logement reste une question de volonté politique, évidemment, d'une problématique de ressource. C'est ce que nous démontre l'exemple sud-africain que nous verrons plus loin dans cette vidéo. Il existe de nombreux obstacles à la production de logements dans les villes africaines. Le premier obstacle est l'inadaptation du cadre juridique. Les textes sont souvent en décalage par rapport à la réalité et les normes techniques sont souvent inaccessibles pour de nombreuses populations. Une autre difficulté concerne l'absence de programmes d'infrastructures et d'équipements d'accompagnement, des programmes de logements qui sont réalisés. Enfin, même si la volonté existe, la main-d'œuvre qualifiée fait souvent défaut, ce qui pose un problème pour la mise en œuvre de programmes ambitieux. L'exemple sud-africain est intéressant à plus d'un titre. Il démontre d'une part le lien fort qui peut exister entre la volonté politique et le traitement des questions urbaines, mais en même temps, l'importance symbolique que révèle le logement dans un contexte de renouveau politique et d'espoir suscités par la libération et l'accession au pouvoir de Nelson Mandela. Dès 1992, l'accès au logement est devenu un des principaux enjeux en Afrique du Sud. En 1994, le gouvernement sud-africain met en route un programme massif de construction de petites maisons individuelles appelé RDP House pour Reconstruction and Development Programme. Ce programme était destiné pour les personnes les plus démunies. En 15 ans, entre 1994 et 2010, ce sont près de 2,5 millions de logements qui ont été construits et distribués gratuitement à environ 13 % des ménages sud-africains. Cela correspond à un effort d'environ 170 000 logements par an. Cette politique a ainsi répondu au besoin de trouver des solutions rapides et quantitatives à la crise du logement. Les programmes de réhabilitation d'habitat informel et les projets de logement social locatif sont par la suite venus compléter cette politique de toute accession qui commençait à montrer ses limites afin de combler un déficit de logement qui se monte encore aujourd'hui à environ 2,2 millions d'unités. Il existe une forte corrélation entre le logement construit et son mode de financement. La réalisation d'une habitation est un projet d'investissement lourd, il nécessite souvent de mobiliser plusieurs revenus annuels d'un ménage. La majorité des ménages utilisent diverses formules, il peut s'agir de prêt informel, d'une épargne ou d'une aide familiale ou d'une aide d'amis, du soutient d'un employeur ou de la combinaison de ces diverses formules. C'est ce qui explique que très souvent, la construction du logement s'étale sur plusieurs années. La solution est le financement du logement par une banque au moyen d'un emprunt et d'un remboursement sur plusieurs années, c'est le crédit immobilier, l'outil principal de financement du logement. À l'heure actuelle, en Afrique, seuls 15 à 20 % des ménages peuvent accéder à un crédit hypothécaire, c'est-à-dire un crédit garanti par une hypothèque auprès d'une institution de financement. Voici une illustration de différents programmes de construction de logements dans différents pays. D'abord, la Côte d'Ivoire, en Tunisie où la question des quartiers précaires a été pratiquement réglée en totalité, puisque la Tunisie est un des premiers pays à mettre en œuvre des programmes vigoureux de résorption de l'habitat précaire. Ensuite, le Maroc qui a aussi une expérience intéressante que nous examinerons dans la suite de ce cours. Et encore, un nouveau programme de construction de logements, logements groupés cette fois en Côte d'Ivoire. Nous venons de le voir, la question du logement dans les villes africaines est complexe. Elle est complexe d'abord, parce qu'on ne parle pas toujours de la même chose lorsqu'on passe d'une ville à une autre, mais ensuite parce que la production de logement intervient dans un circuit qui englobe aussi bien la puissance publique, les collectivités territoriales que les institutions de financement. Pour l'heure, de nombreuses contraintes se dressent encore pour empêcher une production massive de logements abordables et accessibles au plus grand nombre de citadins africains. [AUDIO_VIDE]