Donc dans cette leçon aujourd’hui, nous allons parler des inégalités, mais nous allons prendre le prétexte de l’accès aux médicaments antirétroviraux contre le sida comme marqueur d’inégalités en Afrique. Sur les 34 millions de personnes vivant avec le sida dans le monde, 90% sont dans les pays du Sud et 70% sont en Afrique subsaharienne. Pourtant l’accès aux médicaments antirétroviraux est un défi pour les malades du sida en Afrique. Pourquoi ? Parce que d’abord il y a des oligopoles pharmaceutiques et des oligarchies biomédicales en Afrique qui empêchent l’accès à ces médicaments aux malades du sida en Afrique, mais à côté, d’autre part il y a une mobilisation de la société civile et des mouvements sociaux pour démocratiser l’accès de ces médicaments aux malades du sida. En ce qui concerne les oligopoles pharmaceutiques, en 2001, 39 firmes pharmaceutiques ont intenté des procès contre l’Afrique du Sud, l’Inde et le Brésil pour l’utilisation de brevets sous licence pour la fabrication de médicaments génériques. Face à la mobilisation internationale, ces firmes pharmaceutiques ont dû reculer et changer de stratégies. D’abord elles ont essayé de baisser les prix des médicaments pour s’adresser à des pays qui étaient tentés par des génériques, notamment au Sénégal, au Cameroun. Ensuite elles ont développé un argument culturaliste qui était véhiculé par le directeur de l’USAID, l’agence américaine de développement international, qui disait, je le cite « les Africains n’ont pas de montre et donc ils ne pourront pas être capables de suivre des médications lourdes ». Cet argumentaire culturaliste a été complété par un autre argumentaire de type structuraliste, c'est-à-dire l’obsolescence ou l’inexistence d’infrastructures de santé de qualité en Afrique qui rend caduque tout recours à des médications lourdes. Médecins sans frontières a développé des projets pilotes dans les pays d’Afrique pour montrer qu’il était possible d’administrer ces médicaments antirétroviraux aux malades du sida en Afrique. Alors les firmes pharmaceutiques ont changé de stratégie, elles ont essayé e prendre des parts de capitaux dans les industries pharmaceutiques en Inde, pour mieux les contrôler. A côté de ces oligopoles pharmaceutiques, il y a en Afrique ce que l’on appelle les oligarchies biomédicales africaines. Qu’est-ce-que cela veut dire ? C’est à dire que dans la lutte contre le sida en Afrique, les professionnels de la santé étaient en première ligne. Du fait de leur contact avec les partenaires extérieurs, ceci leur a donné une certaine visibilité, donc ils ont utilisé cette visibilité, cette aura, pour être les intercesseurs, les intermédiaires entre l’Afrique et le reste du monde. Par conséquent ils se sont intégrés dans les réseaux transnationaux pour être les intercesseurs entre le local et le global. Ces personnes, qui sont des médecins, en général spécialistes du sida, ont joué un rôle important comme les nouveaux intermédiaires ou les nouveaux interlocuteurs des oligopoles qui fabriquaient les médicaments. Alors, ce qui s’est passé c’est que les oligopoles pharmaceutiques, ces oligarchies biomédicales, les dirigeants africains ont été les bénéficiaires des retombées de ces médicaments et ils ont laissé en rade les malades du sida en Afrique. Ceci a entrainé une mobilisation des mouvements sociaux plus particulièrement des organisations non gouvernementales internationales. Médecins sans frontières par exemple a importé des médicaments génériques et développé des projets comme par exemple au Cameroun, au Burkina etc. Et ces projets ont donné des résultats qui dépassaient toutes les espérances et qui montraient surtout avec un suivi psychosocial que les malades du sida pouvaient avoir les mêmes possibilités de guérison que les malades qui sont dans les pays occidentaux. Donc l’argumentaire des firmes multinationales est finalement tombé à l’eau. Reste que le problème des systèmes de santé en Afrique, mais également d’autres pathologies telles que le paludisme ou la tuberculose demeurent des problèmes importants. Et en Afrique on se demande finalement : est-ce que les pays riches ne se désintéressent pas de ces maladies qui ne les affectent pas. A côté de cela il y a une inertie des gouvernements africains, qui utilisent comme monnaie d’échange la lutte contre le sida comme une nouvelle ressource, une nouvelle opportunité, une rente de situation avec les partenaires extérieurs de l’Afrique. Dans le cadre multilatéral, aux Nations unies, sous l’égide de l’ancien secrétaire général Kofi Annan a été développé le Fond mondial contre le Sida, mais qui peine à bien fonctionner à cause des retards de paiement des contributions des Etats membres. A côté de cela ce Fond a été concurrencé par un fond américain qui a été créé par l’ancien président des Etats-Unis Georges Bush mais qui exigeait deux conditions : La première condition était d’acheter des médicaments des firmes pharmaceutiques au détriment des médicaments génériques, alors que les médicaments génériques coûtent moins cher et auraient permis de soigner plus de malades. La deuxième condition c’était une campagne de prévention qui était basée sur l’abstinence, donc il y avait une certaine vision moralisatrice dans cette vision américaine de soins de santé relatifs au sida. En conclusion, nous pouvons dire que la lutte conte le sida en Afrique et les enjeux autour de l’accès aux médicaments antirétroviraux montrent que le médicament peut être un objet politique, un instrument de la politique internationale et que la situation des malades du sida peut être un facteur d’insécurité des relations internationales. Par conséquent il est important de prendre en compte cette pathologie-là des Africains pour une meilleure stabilité de l’ordre international. Nous vous remercions de votre aimable attention.